L'ouverture du 70e festival d'Avignon, mercredi 6 juillet 2016, est l'occasion de mettre en lumière les professionnels du théâtre. Les comédiens, mais pas seulement. Reportage dans un centre culturel, lors de la préparation d'une pièce.
Le centre culturel Jean-Arp à Clamart (92) programme une trentaine de spectacles dans l’année : danse, théâtre, cirque, musique, chansons, marionnettes… En janvier 2016, la pièce “Combat de nègre et de chiens” de Bernard-Marie Koltès, mise en scène par Laurent Vacher, y a pris ses quartiers. À quelques heures de la première, la tension était palpable. Visite guidée.
Quentin, comédien, dans le rôle de l'ingénieur Cal
Quentin Baillot au centre culturel Jean-Arp de Clamart. // © Myr Muratet pour l'Etudiant
Quentin Baillot, diplômé du CNSAD (Conservatoire national supérieur d'art dramatique) de Paris, joue le rôle de l'ingénieur Cal, un des quatre protagonistes de la pièce “Combat de nègre et de chiens” de Bernard-Marie Koltès. L'histoire se déroule le temps d'une nuit quelque part en Afrique, sur un chantier de travaux publics arrêté brutalement, suite à la mort d'un ouvrier.
Laurent, metteur en scène, monte pour la première fois une pièce de Koltès
Laurent Vacher (au premier plan) dirige les comédiens. // © Myr Muratet pour l'Etudiant
L'après-midi qui précède la première représentation de la pièce “Combat de nègre et de chiens”, au théâtre Jean-Arp, est consacrée par les équipes artistiques (comédiens, metteur en scène) et techniques à un filage de la pièce. Il s'agit d'une représentation “rapide”, dans les conditions réelles mais sans public. Les comédiens prennent leur place et disent leur texte, sans le jouer. Le metteur en scène, Laurent Vacher, en profite pour apporter quelques précisions. C'est la première fois qu'il monte une pièce de Bernard-Marie Koltès.
Des comédiens choisis à l'intuition
De gauche à droite : Dorcy Rugamba, Stéphanie Schwartzbrod, Quentin Baillot et Daniel Martin. // © Myr Muratet pour l'Etudiant
Laurent Vacher a pour habitude de ne pas faire passer d'audition aux comédiens. Il les choisit à l'intuition. Pour cette pièce, il a tout de suite pensé à Quentin Baillot pour le rôle de Cal et à Daniel Martin pour celui de Horn, avec lesquels il avait déjà travaillé. Quant aux deux autres comédiens, Dorcy Rugamba et Stéphanie Schwartzbrod, qui interprètent respectivement Alboury et Léone, il est allé les voir sur scène. C'est la quatrième fois que le metteur en scène monte un spectacle au centre culturel. Autant dire qu'il n'est pas trop inquiet sur “la manière dont le texte va raisonner dans le théâtre”. En revanche, il l'est nettement plus sur la réaction du public : va-t-il aimer sa mise en scène ? Les applaudissements à la fin du spectacle vont le rassurer.
Valérie, costumière, fil et aiguilles en permanence dans la poche
Valérie (au premier plan) aide au déshabillage du comédien qui doit changer rapidement de costume. // © Myr Muratet pour l'Etudiant
Quentin Baillot, alias Cal, n'a que quelques minutes pour se débarrasser de l'argile dont il est recouvert, prendre une douche et se changer. Valérie, la costumière, une bobine de fil et des aiguilles en permanence dans la poche, l'aide à se déshabiller. Il faut faire très vite pour rentrer en scène.
Dorcy, comédien, enchaîne les rôles depuis sa sortie du Conservatoire royal de Liège
Dorcy Rugamba (au premier plan) joue le rôle d'Alboury. // © Myr Muratet pour l'Etudiant
Quand le metteur en scène a proposé le rôle d'Alboury à Dorcy Rugamba, ce dernier a tout de suite accepté, Bernard-Marie Koltès faisant partie des auteurs qu'il rêvait de jouer. “La langue est belle et ‘Combat de nègre et de chiens’ est une pièce qui entre en résonance avec la société d'aujourd'hui.” Il a d'abord lu le texte plusieurs fois, seul, puis avec le metteur en scène et les autres comédiens. “Chacun a sa propre lecture de la pièce. Un bon acteur doit être capable d'entendre les propositions des autres.” Dorcy s'est aussi beaucoup documenté sur l'auteur et le contexte dans lequel il a écrit cette pièce. Il n'a pas toujours pensé devenir comédien. Une fois son bac en poche, il a d'abord choisi la pharmacie avant de s'inscrire au Conservatoire royal de Liège, en Belgique. Depuis, il enchaîne les rôles et trouve même le temps d'écrire. Ce qui lui plaît dans ce métier ? Pouvoir incarner des personnages très différents.
Victor, éclairagiste et vidéaste, un œil sur la scène, l'autre sur le texte
Victor Egéa, aux manettes du jeu d'orgue. // © Myr Muratet pour l'Etudiant
C'est Victor Egéa, éclairagiste et vidéaste, qui s'occupe des lumières du spectacle. Il a la responsabilité d'imaginer les ambiances de chaque scène en “donnant à sentir par la lumière”. Mais comment suggérer une tempête de sable rouge ? Comment laisser entendre que les personnages se trouvent sous un pont ? Toute la difficulté du métier de concepteur lumière est de parvenir à faire le lien entre l'esthétique et la technique. Il faut donc être à la fois créatif et très bon technicien. Pendant toute la représentation, Victor, aux manettes du “jeu d'orgue” (pupitre lumière relié aux projecteurs), orchestre l'intensité lumineuse, un œil sur la scène, l'autre sur le texte.
Victor : “Mon travail consiste à mettre en lumière les idées du metteur en scène.” // © Myr Muratet pour l'Etudiant
Après un DEUST (diplôme d'études universitaires scientifiques et techniques) formation de base aux métiers du théâtre, préparé à l'université d'Aix-Marseille, Victor a passé 3 ans à l'École supérieure d'art dramatique du TNS (Théâtre national de Strasbourg), dans la section régie technique du spectacle. Il a l'habitude de travailler avec Laurent Vacher. Ils en sont à leur cinquième collaboration. À quelques heures de la première, il procède aux raccords lumières. Toutes les scènes n'ont pas la même taille, ni la même configuration. Quant aux projecteurs, ils ne sont pas forcément positionnés aux mêmes endroits dans tous les théâtres. À chaque nouveau lieu, il faut s'adapter au “plan de feu” (plan désignant la position, l'orientation et le réglage des projecteurs sur une scène).
Faire venir les collégiens et lycéens au théâtre
Le centre Jean-Arp multiplie les actions culturelles pour attirer les jeunes. // © Myr Muratet pour l'Etudiant
Pour amener les jeunes au théâtre, l'équipe du centre culturel multiplie les actions culturelles, notamment en direction des écoles et des lycées. À l'occasion du spectacle, le metteur en scène est allé à la rencontre des collégiens et des lycéens dans leur classe. L'objectif ? “Aider les jeunes à entrer dans l'univers de Koltès.” Certains profitent des quelques minutes d'attente avant le lever de rideau pour parcourir la “feuille de salle” sur laquelle figurent la distribution, une biographie de l'auteur, ainsi qu'un “résumé” de la pièce.
Séverine, secrétaire générale du théâtre, a organisé un concours photo
Séverine Bouisset, secrétaire générale du théâtre. // © Myr Muratet pour l'Etudiant
“Combat de nègre et de chiens” est un spectacle “difficile” par son sujet et, pour attirer des spectateurs, Séverine Bouisset, la secrétaire générale du théâtre, a décidé d'organiser, en plus de la communication habituelle – affichage, mailing et réseaux sociaux –, un concours photo sur le thème de “l'Autre”. Membre de l'équipe de direction, elle s'occupe également des relations publiques et des actions culturelles. Au final, elle passe beaucoup de temps à monter de nouveaux projets avec les associations de terrain, les écoles et les élus.
Antoine, administrateur du théâtre, veille au budget
Antoine Pitel (deuxième en partant de la gauche) a négocié le contrat avec la compagnie de Laurent Vacher. // © Myr Muratet pour l'Etudiant
Cette pièce a pu être montée à Clamart, grâce aussi à Antoine Pitel, l'administrateur du théâtre. Il est intervenu, dès le début, lors de la négociation du contrat avec la compagnie du Bredin, dirigée par Laurent Vacher. Il s'est aussi impliqué dans l'élaboration du budget, le recrutement des intermittents... Autant dire que pour être administrateur, il faut avoir de solides compétences juridiques, financières, ainsi qu'en gestion des ressources humaines. À ses côtés, Sébastien Daniel, responsable de la communication du théâtre. C'est lui qui a conçu la “feuille de salle” à destination du public.