Portrait

Mohamed est entré dans la police grâce à la série "Les Bleus"

Enquête_Mohammed_Police_TV © Florence Levillain pour l’Etudiant_PAYANT
Mohamed, adjoint de sécurité dans la police : "Dans la police, ça ne rigole pas autant que dans la série 'Les Bleus'." © Florence Levillain pour L'Étudiant
Par Catherine de Coppet, publié le 09 juin 2017
1 min

Mohamed, 31 ans, est adjoint de sécurité dans la police, près de Roubaix. Il compte passer le concours de gardien de la paix, comme Lyes dans la série "Les Bleus".

"À la télé, les policiers sont toujours après des meurtriers ou des violeurs, mais quand je travaillais à police secours, 90 % des cas concernaient de petits délits " À 31 ans, Mohamed sait faire la part des choses sur son métier, celui de policier. Depuis 6 ans, il est adjoint de sécurité (ADS) au sein d'une brigade de police secours, près de Roubaix (59). "Les ADS n'ont pas le statut de policier, ils sont contractuels, mais ils sont armés et ont les mêmes missions ou presque que les gardiens de la paix, avec lesquels ils travaillent au quotidien." Gardien de la paix, Mohamed le sera dans quelques mois : il a intégré une école de police pour atteindre ce grade et devenir ainsi fonctionnaire de police.

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"J'adorais l'ambiance de copains qui ressortait de la série télé"

Si télé rime avec cliché aujourd'hui pour Mohamed, c'est pourtant une série qui lui a donné envie de tenter l'aventure : "Les Bleus. Premiers pas dans la police", diffusée sur M6 entre 2006 et 2010, qui met en scène une dizaine de jeunes officiers tout juste diplômés et qui se retrouvent à travailler dans le même commissariat. "Les personnages étaient assez drôles, surtout celui de Lyes, le maladroit du groupe. J'adorais cette ambiance de copains qui ressortait de la série", se souvient Mohamed, qui a 24 ans quand il découvre la série.

De fait, la vocation de Mohamed lui est venue sur le tard. "J'ai vécu dans un univers où je ne côtoyais pas de policiers", explique ce garçon du Valenciennois. Orienté après la troisième vers un BEP (brevet d'études professionnelles) menuiserie où il ne se sentait "pas à l'aise", il se retrouve à enchaîner les jobs, notamment dans l'automobile. À l'époque où il commence à regarder la série, il est commercial dans une centrale d'appels. "À ce moment-là, je réalise que travailler au service de l'humain me convient davantage que vendre des choses, raconte Mohamed. J'ai appris qu'un de mes amis était entré dans la police comme ADS. Ça m'a intéressé."

"Nous n'avons pas une autorité brute qui s'impose d'elle-même"

En 2011, après 14 semaines de formation, il intègre une brigade de police secours, qui gère les appels du 17 et intervient le cas échéant. Sur le terrain et avec ses collègues, il prend vite la mesure de ce qui sépare la fiction de la réalité. À commencer par l'effet de l'uniforme : "Dans la série, quand les policiers montrent leur insigne, tout le monde se tait et se plie à leurs ordres. Or ça ne marche pas comme cela : il faut entamer le dialogue avec la population, nous n'avons pas une autorité brute qui s'impose d'elle-même."

Côtoyant différents types de brigades et de services (anti-cambriolage, mœurs, accidents, protection de la famille, etc.) au quotidien, Mohamed constate aussi progressivement à quel point les enquêtes sont longues à résoudre… quand elles sont résolues ! "Dans la série, un épisode se concentre sur 2 ou 3 jours, les procédures sont rapides et les enquêteurs bouclent toujours l'affaire…"

"Dans la vraie vie, un loupé engendre au minimum un rapport du supérieur"

À l'écran, il est rare également de voir les policiers travailler sur leurs dossiers, selon Mohamed. "Ils sont très peu dans les bureaux, alors que pour une procédure, il y a un grand nombre de démarches à effectuer : coups de fil, rédaction de PV [procès verbaux], de convocations et autres courriers. La brigade des accidents traitait 10 dossiers par jour, mais dans le même temps il en rentrait autant !" La fiction écorche aussi la réalité sur la question de la rigueur des professionnels montrés à l'écran : "Je me souviens d'une scène où Lyes tire involontairement en voulant ranger son arme, et se prend une remontrance de son chef, explique Mohamed. 

Normalement, il y a plusieurs consignes à respecter avant de ranger son arme, qui ne sont pas suivies dans cet épisode, sans parler du fait que dans la vraie vie, ce type de loupé engendre au minimum un rapport du supérieur et une sanction qui peut aller jusqu'à la suspension !" Dans la police, ça ne rigole pas autant qu'à la télé !

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"Découvrir la difficulté sociale et l'intimité des gens, c'est très difficile"

Et pour cause, selon Mohamed, la série occulte presque complètement le choc que peuvent représenter les premières interventions pour un jeune policier, et l'aspect social du métier, pourtant très présent : "À l'écran, on voit de l'action, des interpellations musclées, la consultation d'experts, mais jamais la découverte d'une situation tragique à domicile, par exemple. Débarquer dans un foyer où un couple se déchire devant des enfants qui hurlent, c'est le quotidien pour nous. Découvrir la difficulté sociale et l'intimité des gens, c'est très difficile."

"Un collègue de ma brigade s'est suicidé, c'était très dur"

Bien que les personnages des "Bleus" soient de jeunes policiers, la série n'aborde pas ou peu la question psychologique : "On voit un jeune officier qui craque une fois rentré chez lui... Cela doit arriver mais c'est caricatural : des cellules de soutien psychologique sont mises en place quand une situation est intenable." De fait, Mohamed a dû faire face à un drame lorsqu'il était ADS : "Un collègue de ma brigade s'est suicidé, c'était très dur. Nous avons été aidés, mais ce sont des réalités que le petit écran ne montre pas !"

"La série donne plutôt une bonne image, avec des personnages éclectiques"

Malgré ces décalages, Mohamed garde des "Bleus" le souvenir d'une série plutôt positive sur la police. "Au final, elle donne plutôt une bonne image, avec des personnages éclectiques, sourit-il. Les caractères sont un peu poussés à l'extrême, avec dans l'équipe un sportif, une forte tête, une fille soignée et ce gars drôle, mais c'est un peu ce qu'on retrouve réellement dans les brigades !" Une fois gardien de la paix, Mohamed aimerait intégrer une brigade canine... parce qu'il aime beaucoup les chiens ! "Cela dépendra de mon classement à la sortie, j'ai intérêt à bien bosser !" Au lieu de regarder les séries à la télé ?

"Les Bleus. Premiers pas dans la police", série diffusée sur M6 entre 2006 et 2010, met en scène des jeunes recrues. Entre gaffes et catastrophes.

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