Interview

Lorànt Deutsch : mes 20 ans

Par Propos recueillis par Séverine Tavennec, publié le 22 mars 2010
1 min

Théâtre, cinéma, écriture… À 34 ans, Lorànt Deutsch est un boulimique de travail. Un côté bûcheur qu’il revendique : son adolescence, il l’a ainsi passée le nez dans les livres, préparant un bac d’économie, puis des études de philosophie et de langues O’. Des années qu’il narre ici au travers d’anecdotes qui ne l’épargnent pas…

Après un cursus de sport-études au collège, vous avez intégré le lycée, fort malheureux…

 
lorant deutschLe football, cela a toujours été ma passion. À 12 ans, j’ai été recruté par le Football Club de Nantes en sport-études. Je réalisais un rêve de gosse. Puis le couperet est tombé : je ne faisais pas le poids sur un stade. J’ai donc été viré. C’est ma première vraie grande douleur. Quand je suis arrivé au lycée, j’étais vraiment paumé. Je me souviens avoir demandé le jour de la rentrée au professeur principal si on utilisait des cahiers à grands ou petits carreaux. Mes camarades m’ont traité de fayot. Je leur ai rétorqué que je sortais de 3 ans de sport-études où, lorsque vous aviez vos crampons sales, vous ne pouviez pas jouer ; vous restiez sur le banc le samedi. Nous étions disciplinés. On reconnaît un bon ouvrier à ses outils. Au lycée, je n’ai pas retrouvé cette discipline. Cela m’a manqué. 

 

Beaucoup de cours vous ennuyaient.

 
Je me souviens notamment d’un cours d’histoire en terminale où je passais mon temps à jouer au morpion. La professeure lisait le manuel sans passion. Cela ne m’intéressait pas : je voulais qu’on me raconte de belles histoires, qu’on me dise comment avait été partagé le monde à Yalta… À la place, on nous enseignait ces espèces de grands schémas de pensée économique. Un jour, la professeure m’a vu en train de jouer et m’a dit : "Vous rigolerez bien à la fin de l’année." Au final, j’ai eu 16 dans cette matière au bac.

Vos parents suivaient-ils attentivement vos études ?

 
J’ai quitté mes parents à l’âge de 12 ans pour aller en sport-études. Ce cursus m’a très vite responsabilisé. Mes parents m’ont toujours fait confiance et surtout, ils n’ont jamais eu besoin de me motiver, de m’éveiller à quoi que ce soit. Cela ne m’a jamais effrayé de travailler. Dès l’adolescence, j’ai toujours eu le nez dans mes bouquins. J’adorais cela.

Vous avez décroché finalement le bac B (l’actuel bac ES) et êtes entré à l’université de la Sorbonne, à Paris. Quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?

 
C’était une grosse période de doute, de tension où il fallait se spécialiser. J’ai opté pour un double cursus de philosophie et de langues O’ parce que cela me passionnait. Je me posais des questions sur mon identité [son père est d’origine hongroise], sur le sens de la vie. J’y ai trouvé plein de réponses sur les grands mouvements, sur le fondement de la morale, des sociétés… J’étais concentré sur un objectif : avoir mon diplôme le plus vite possible. Le rythme était assez intensif, je bossais beaucoup, j’étais très rigoureux. En philosophie, je ne pratiquais pas l’écriture abrégée. Je dégainais mon bic à quatre couleurs : le rouge pour les citations, le noir pour les auteurs…

Avez-vous noué des amitiés à la fac ?

 
En fait, j’arrivais toujours en cours au dernier moment. Je traînais donc très peu dans les couloirs. En plus, je ne fumais pas, je ne buvais pas. J’étais un peu décalé par rapport aux autres étudiants. Du coup, je n’ai pas réussi à me faire de potes à la fac. En revanche, j’ai vraiment rencontré des professeurs intéressants et passionnés.

Quel métier envisagiez-vous de faire ?

 
Je voulais être journaliste, historien, professeur d’histoire ou de philosophie. J’avais aussi très envie de travailler dans la police. J’ai d’ailleurs passé plusieurs concours pour entrer dans la police nationale, mais j’ai superbement échoué. J’ai en effet obtenu 6 à la dissertation philosophique. Avec une licence de philo, mention bien, j’ai fait très fort ! J’étais vraiment déçu : je voulais travailler dans la police scientifique, chercher les grands criminels…

Étiez-vous indépendant financièrement ?

 
J’ai eu la chance d’habiter chez ma grand-mère à Paris, puis chez ma sœur. Quand j’ai eu besoin d’argent, j’ai débuté par un job de vendeur de pizzas. Cela me prenait trop de temps et les conditions de travail s’avéraient très difficiles. Cela devenait dangereux, car il fallait livrer toujours plus vite. J’ai donc épluché les annonces de casting et je me suis ainsi retrouvé à tourner dans des spots publicitaires pour 300 € la journée : cela devenait plus intéressant. Puis, j’ai décroché un rôle à 15 ans, dans une série télé, les Intrépides.

Étiez-vous un grand séducteur ?

 
J’ai eu ma puberté à 19 ans, je mesurais 1,50 m et je n’étais pas particulièrement attirant. Je ne suscitais donc pas vraiment l’intérêt des filles. En plus, j’étais assez maladroit, plutôt timide. Je ne sortais pas trop, je ne fréquentais pas les soirées étudiantes. J’étais un peu en marge. Forcément, ça limite les rencontres. Pour autant, je n’éprouvais pas de tristesse, j’attendais simplement que l’amour vienne à moi.

Quelles étaient vos passions à l’époque ?

 
Le sport et l’histoire. Grâce à la fac, je faisais du foot, du tennis. J’ai aussi beaucoup voyagé, en Hongrie notamment, lors de séjours linguistiques ou dans le cadre d’Erasmus. Et puis, j’ai toujours été passionné par Paris. Je me souviens qu’à 17 ans, j’avais acheté un grand plan de Paris et je cochais toutes les rues que j’avais faites. Je roulais aussi beaucoup en scooter dans la capitale. C’était mon petit plaisir. J’adorais franchir les portes cochères. À l’époque, je faisais déjà mes petites recherches historiques.

On sent que l’histoire vous captive. Comment réagissez-vous au fait que cette matière risque de devenir une option en terminale S ?

 
Le sanctuaire de l’identité nationale – pour reprendre un terme très usité en ce moment – est dans l’éducation, l’instruction, dans la langue, dans l’histoire…. Ce débat sur l’histoire-géographie qui deviendrait une option dans les matières scientifiques, c’est lamentable. On transforme des citoyens français en spécialistes.

Aujourd’hui, vous êtes l’auteur du best-seller "Métronome, l’histoire de France au rythme du métro parisien". Comment l’idée vous est-elle venue ?

 
Je voulais renommer l’histoire, car nous apprenons cette matière toujours de la même manière, avec les grandes dynasties : les Romains, les Mérovingiens, les Carolingiens, les Capétiens, la guerre de Cent ans avec Jeanne d’Arc, la Renaissance avec François Ier, Louis XIV… Je peux vous résumer l’histoire de France en 12 noms. Mais tout cela occulte beaucoup d’autres choses. Je voulais rafraîchir l’histoire de France à partir de 21 noms de stations de métro. Pendant cinq ans, je me suis plongé dans mes livres d’histoire. Je dois avoir plus de 500 bouquins sur Paris. Ce qui me tenait à cœur, c’était, pour chaque siècle, de montrer un vestige dans la capitale pour pouvoir toucher du doigt le passé.

Avez-vous d’autres projets d’écriture ?

 
Je travaille en ce moment sur un bouquin sur les routes de France, sur le même principe que les stations de métro. C’est un sacré boulot. Je le sortirai dans 5, 10 ans.

Visiblement, vous vous épanouissez dans l’écriture...

 
Aujourd’hui, je fais ce qui me plaît. Très longtemps, j’ai accepté des rôles à l’emporte-pièce, en faisant des comédies faciles. Je cédais à la complaisance, voire à la passivité. Je n’avais pas d’ambition. Je ne me suis jamais senti acteur. C’est venu petit à petit, par l’envie de raconter des histoires.



Biographie
1975
: naissance de Lorànt le 27 octobre à Sablé-sur-Sarthe (72).
1990 : il se présente pour la première fois aux auditions d’une série télé, et signe pour 5 ans un contrat pour jouer le personnage de Tom dans les Intrépides.
1999 : il décroche son premier rôle dans le Ciel, les oiseaux et… ta mère, de Djamel Bensalah avec Jamel Debbouze.
2003 : il interprète Julien dans Ripoux 3, de Claude Zidi avec Thierry Lhermitte et Philippe Noiret.
2004 : il est lauréat du prix Jean-Gabin.
2006 : il joue dans la pièce l’Importance d’être constant, d’Oscar Wilde, mise en scène par Pierre Laville.
2009 : il sort son premier roman, Métronome, l’histoire de France au rythme du métro parisien, aux éditions Michel Lafon.
2010 : il joue avec Éric Cantona dans Face au paradis, de Nathalie Saugeon, dans une mise en scène de Rachida Brakni, au théâtre Marigny.
 


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