Décryptage

Les métiers de la politique, un monde à part

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Par Guillaume Cauchois, publié le 17 février 2009
1 min

C’est avant tout une histoire d’engagement et de passion. Les jeunes, qui choisissent de se lancer, sont portés par le désir de changer la société. Mais ils n’empruntent pas tous le même chemin. Certains restent dans l’ombre (assistant d’un élu, conseiller dans un cabinet ministériel…), alors que d’autres s’exposent (conseiller municipal, adjoint au maire…).

Peut-on considérer la politique comme un métier ?

 
La politique est un "monde" aux frontières floues. Elle ne peut pas vraiment se définir comme un métier, mais plutôt comme un ensemble de fonctions.

assemblée nationaleElus ou techniciens. "Il faut différencier la partie élective du reste. Les démarches ne sont pas les mêmes, explique Aymeric Auché, 38 ans, assistant parlementaire de Chantal Bourragué, députée UMP de la Gironde (33). Des candidats se présentent à des scrutins et, en cas de victoire, vivent de leur mandat. Autour de ces élus, gravitent des techniciens, qui sont salariés, et des militants. Mais toutes ces activités restent très éphémères puisqu’elles dépendent exclusivement des suffrages. On peut donc difficilement parler de carrière professionnelle dans ce secteur."

Autre certitude, la politique requiert un investissement total. "A l’aune du nombre d’heures qu’on y consacre, c’est un sacerdoce. Le coût, financier et humain, d’une élection s’avère souvent exorbitant. La politique ne doit pas être envisagée comme un moyen de gagner sa vie. Elle sert à faire triompher un parti et des idées", rappelle Aymeric Bersihand, 27 ans, président (bénévole) des jeunes démocrates girondins et "collaborateur militant" du groupe réunissant l’UMP et le Modem à la Communauté urbaine de Bordeaux. Des garanties législatives* sont accordées aux élus afin qu’ils puissent concilier mandat public et emploi. Beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs préféré garder un emploi en parallèle et jonglent entre leurs deux types de fonctions, les reconversions n’étant pas toujours faciles.

Sciences po est-il un passage obligé pour réussir ?

 
Souvent perçu comme la voie royale, un cursus dans un IEP facilite, mais ne garantit pas, un (bon) parcours en politique.

Sciences po, mais pas seulement. "Les étudiants y acquièrent une grande capacité de problématisation et de réflexion sur une infinité de sujets, reconnaît Bruno Julliard, jeune adjoint (28 ans) du maire de Paris en charge de la jeunesse et secrétaire à l’éducation du Parti socialiste. Mais il existe d’autres formations très efficaces, comme celles en droit, où les élèves développent un sens aigu du service public. La preuve ? Les trois membres de mon cabinet viennent de filières universitaires !, De toute façon, la politique, c’est surtout une question d’environnement, de chance, de hasard, de rencontre(s) ou de contexte…" Avis d’expert.

L’ENA, une "valeur sûre". Pour espérer se faire une place, l’ENA (Ecole nationale d’administration) reste une autre valeur sûre. "Les énarques intègrent les grands corps de l’Etat puis un cabinet ministériel ou une grosse collectivité territoriale. Parallèlement, ils ont tout le loisir d’envisager leur avenir politique. Les deux ne sont absolument pas incompatibles", indique l’ancien président de l’UNEF. Seul problème, on leur reproche souvent d’être déconnecté de la population et de s’enfermer dans des analyses technocratiques un peu rigides.

 
Faut-il prendre sa carte de militant dans un parti ?

 
sénatSelon Aymeric Bersihand, diplômé de l’EFAP, cette question ne se pose pas. "La politique, c’est de l’associatif. Il faut impérativement mettre les mains dans le cambouis. Certaines missions ou expériences, telles que le collage d’affiches ou l’organisation de meetings, sont riches d’enseignements et permettent aux jeunes de faire leur preuve. C’est la seule façon de gagner le respect des autres adhérents (plus âgés) du parti ainsi que celui des électeurs. Et si l’on veut s’implanter et briguer un mandat électoral, la culture du réseau demeure primordiale."

" Âme militante" et "aventure collective ". Petite piqûre de rappel : même si quelques membres d’organisations de "jeunes" ou de syndicats étudiants sont des permanents, donc indemnisés ou salariés, il ne faut pas confondre engagement partisan et carrière professionnelle. "On se met à la disposition du mouvement à 200 %, mais le temps d’un mandat, précise Morgane Ollivier, 24 ans, trésorière et secrétaire nationale à l’organisation, à la communication et à la sureté du MJS (Mouvement des jeunes socialistes). Le dénominateur commun des personnes qui composent notre bureau national, formé après notre dernier congrès de novembre 2007, est d’avoir été actif, souvent très jeune, au sein des fédérations locales. Notre moteur a toujours été l’envie de s’ouvrir sur l’extérieur et de participer à une aventure collective. Nous avons l’âme militante. Cela ne sert donc à rien d’envoyer des CV à notre siège, rue de Solferino, ce qui arrive fréquemment ! "

La jeunesse est-elle un handicap à la prise de responsabilités politiques ?

 
Une confiance plus importante qu’auparavant…Tout d’abord, une tendance globale : les partis politiques, qui ont besoin de renouveler leurs cadres, comptent de plus en plus sur les jeunes. Les chefs des grandes formations apprécient leur disponibilité et n’hésitent pas à leur confier des responsabilités élargies. On peut citer la trajectoire de Rama Yade, secrétaire d’Etat chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme à seulement 32 ans.

… mais une crédibilité encore à conquérir. Toutefois, ces nouvelles têtes (de liste aux Européennes ?) sont régulièrement confrontées à des critiques sur leur manque d’expérience. "Notre jeune âge est un handicap pour être crédible", affirme Bruno Julliard, autre exemple d’ascension politique fulgurante. On est soumis à des moments de stress car on se demande si on va être à la hauteur. Il faut se sentir mûr et apprendre à gérer cette pression." Pour Aymeric Bersihand, "le plus dur quand on s’engage, c’est qu’on ne parle plus pour soi-même mais au nom d’un parti, des militants ou d’une institution. On doit assumer ses responsabilités et empêcher qu’elles nous écrasent et nous lissent."

* Articles L. 2123-1 à L. 2123-16 du Code général des collectivités territoriales

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