Interview

Nathalie Kosciusko-Morizet "A 20 ans, j'étais diplômée de l'Ecole Polytechnique et passionnée par les voyages"

Par Propos recueillis par Séverine Tavennec, publié le 25 septembre 2009
1 min

La secrétaire d'Etat chargée de la Prospective et du Développement de l'économie numérique, auprès du Premier ministre, Nathalie Kosciusko-Morizet, revient pour nous sur ses 20 ans et ses études. 

Après deux années de classe prépa au Lycée Louis-le-Grand, elle entre à Polytechnique où elle fait son service militaire comme officier de marine. Elle se spécialise alors dans la biologie et rejoint l’ENGREF avec une attirance particulière pour la science du vivant.

Vous avez passé un bac S au Lycée Daniélou à Rueil Malmaison (92) où vous vous êtes beaucoup ennuyée…

nathalie kosciusko morizetJe trouvais que les parcours proposés n’étaient pas assez diversifiés, trop linéaires. J’ai ainsi opté pour la filière S qui correspondait assez bien à un goût prononcé que j’avais pour la géométrie. Mais j’aimais aussi les matières littéraires. 

Ce sont des professeurs de lettres qui vous ont marquée…

 

J’ai eu en effet de très bons professeurs de lettres. Je me souviens particulièrement d’un professeur de philosophie assez étonnant, très jeune, plutôt marrant, qui avait fait sa thèse sur "L’armée des anges", mais aussi d’une professeur de français, en seconde ou première, avec laquelle nous avons étudié Giono, Camus…

Vous décrochez votre bac avec mention "TB" et vous enchaînez avec une prépa au Lycée Louis-Le-Grand. Un cursus qui vous convenait davantage ?

 

La prépa n’est pas un système forcément épanouissant. C’est un peu une écurie mais j’en garde tout de même un bon souvenir. Là encore, j’ai eu la chance d’avoir de très bons professeurs. J’avais choisi d’entrer au Lycée Louis-le-Grand en espérant faire beaucoup de géométrie. Finalement, on en fait très peu. On étudie plutôt la mécanique des fluides, l’algèbre… Il y a beaucoup de matières abstraites. Mais, je n’ai pas été déçue pour autant.

Vous êtes aussi très fière d’avoir fait Polytechnique…

 

Je n’aime pas trop les gens qui crachent sur leurs études. C’est très à la mode, notamment quand on a fait une grande école. C’est une réelle chance d’avoir suivi un tel cursus. C’est un investissement considérable que la Nation fait sur vous. J’ai une vraie reconnaissance pour tous ces professeurs qui s’investissaient dans l’élevage des élèves turbulents que nous étions alors. De plus, à Polytechnique, contrairement à d’autres écoles comme HEC ou l’ENA par exemple, il y avait une grande variété sociale au sein des promos. Enfin, je trouve que l’un des charmes de l’existence est de rencontrer des gens variés. À Polytechnique, j’ai notamment rencontré de très bons conférenciers.

Vos parents suivaient-ils vos études et vous donnaient-ils des conseils ?

 

Mes parents ne s'immisçaient pas particulièrement dans mes études. Ils me laissaient poursuivre mon chemin. Je me souviens essentiellement d’un conseil que m’a donné ma mère qui portait davantage sur la vie personnelle. Elle pensait ainsi que la vie, les circonstances…, pouvaient changer les femmes mais pas les hommes. Elle disait donc qu’"avant de choisir de manière assez ferme un homme, il fallait d’abord accepter le fait qu’on ne le changerait pas". Ce n’est pas comme une paire de chaussures qu’on achète en se disant qu’on les fera à son pied. Avec les hommes, le cuir ne se plie pas. Je pense que c’était un fort bon conseil. Les hommes sont d’une nature et d’un tempérament plutôt stables alors que les femmes qui évoluent en fonction des différentes étapes de la vie s’adaptent plus facilement.

Prépa scientifique à Louis-le-Grand, puis Polytechnique. Deux cursus où la gente masculine était en majorité…

 

Il y avait 30 filles pour 400 garçons à Polytechnique ! Cela ne m’a jamais posé de problème. J’ai toujours vécu dans un milieu d’hommes.

Quand on devient député à 29 ans et qu’on est la benjamine de l’Assemblée, encore un milieu d’hommes, qu’est-ce qu’on éprouve ?

 

Une certaine étrangeté car l’Assemblée est en effet un monde peu ouvert aux jeunes et encore moins aux femmes. D’ailleurs, quand je suis arrivée, dans les couloirs de l’Assemblée, on prenait mon assistant parlementaire, qui était d’ailleurs lui aussi très jeune, pour le député. En fait, cela constituait un exotisme, une femme au Parlement.

À 20 ans, pensiez-vous déjà à une carrière politique ?

 

Cela ne m’intéressait pas particulièrement. Vous savez, l’essentiel est dans ce que vous finissez par construire, exprimer dans la durée, à travers différents objectifs que vous avez atteints. Moi, de toutes façons, je suis d’une nature insatisfaite : je n’avais pas un objectif dans la vie, je n’envisageais pas d’avoir tel ou tel poste. A cet âge-là, ce sont plutôt les voyages qui me passionnaient. J’ai d’ailleurs choisi mes affectations militaires pour pouvoir voyager. J’ai pris la Marine Nationale et j’ai fait mon service militaire sur un bateau, basé à Djibouti. J’ai ensuite fait mon stage ouvrier dans l’humanitaire au Cambodge. Puis, j’ai eu une bourse de la Mairie de Paris pour aller en Birmanie. Voyager me manque d’ailleurs un peu aujourd’hui. Les quelques déplacements à l’étranger ne sont que des séjours-éclairs.

Etiez-vous déjà sensible aux questions de l’environnement ?

 

Après Polytechnique, j’ai fait l’ENGREF (Ecole nationale du génie rural, des eaux et des forêts). Les sciences de la vie m’intéressaient beaucoup. Après avoir fait énormément de maths et de physique, j’étais en effet attirée par les sciences du vivant, la complexité du vivant. J’avais un vif intérêt pour le caractère écosystémique du vivant.

Et aujourd’hui, des jeunes qui se lancent en politique viennent vous voir pour vous demander des conseils…

 

J’en rencontre en effet beaucoup et notamment des femmes. En général, j’essaie toujours de les recevoir pour leur donner un ou deux conseils avisés dont celui de commencer tôt. Quand vous regardez par exemple les organisations de jeunesse des différents partis politiques, il y a à peu près autant de garçons que de filles et tant mieux. J’en ai d’ailleurs fait la promotion dans ma circonscription, dans ma mairie, où j’ai des adjoints et adjointes plus jeunes que moi (la plus jeune a 23 ans). Par contre, entre 25 et 40 ans, les femmes s’effacent des partis politiques. Elles reviennent plus tard. Il y a un motif à cela : il y a un âge où les arbitrages entre la vie personnelle et professionnelle amènent les femmes à décrocher plus vite. Elles se découragent plus vite. Quand les enfants attendent à la maison, passer des soirées à des réunions sans fin, c’est assez brutal. Mais les parcours politiques, en France, se construisent sur la durée, et c’est très difficile de rattraper le temps perdu. C’est vraiment dommage. Il faut faire en sorte d’aller au bout de ce destin-là, à l’âge qu’on veut.

Quel est le meilleur conseil qu’on vous ait donné en politique ?

 

Un jour, on m’a dit : "Si vous êtes gentille, on viendra tous à votre enterrement". C’est en particulier très vrai en politique. Rechercher le consensus à tout prix, c’est sympathique mais c’est aussi une forme de facilité dans laquelle on vous enterre. On ne peut jamais plaire à tout le monde…


Biographie
Mai 1973 : naissance à Paris.
1992 : diplômée de l’Ecole Polytechnique.
Juillet 2002 : devient députée UMP de l’Essonne, et ainsi la plus jeune députée de l’Assemblée.
Juin 2007 : nommée secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie auprès du ministre d’Etat, ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, au sein du deuxième gouvernement Fillon.
Mars 2008 : élue maire de Longjumeau et nommée secrétaire générale adjointe de l’UMP.
Janvier 2009 : nommée secrétaire d’Etat chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique.
 

 

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