Drague on line, rupture express, sextos… Vos amours en mode 2.0

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Publié le 20/12/2013 par TRD_import_IsabelleMaradan ,
Draguer derriere l'ecran, se mettre ensemble par chat, s'envoyer 120 textos par jour, fouiller dans les mails de l'autre, larguer par SMS… Si vos reves amoureux ressemblent a ceux des troubadours, votre maniere de vivre vos amours et votre sexualite est bien differente. À quoi ressemble-t-elle ? Pour le savoir, Trendy etait au colloque sur l'État amoureux a l'adolescence, mi-octobre 2013 a Paris, organise par l'École des parents et educateurs d'Île-de-France.

Le pouce de votre main gauche peut taper un SMS pour Lisa pendant que votre main droite répond à Hugo sur le chat de Facebook, juste avant de « liker » la photo du jour de deux potes tendrement enlacés. Vous allez même peut-être partager ce papier sur votre profil Facebook, à moins que vous n’en tweetiez le lien. Bref. À l’âge où les questions sur l’amour et le sexe fleurissent comme l’acné juvénile, il est normal que vous misiez sur ces outils pour trouver des réponses.

Sites de rencontre : un tiers d’entre vous a déjà testé

Un tiers des 18-24 ans ont déjà fréquenté des sites de rencontres. Par rapport aux adultes, s’orientant vers ces sites pour en faire de vraies, vous en avez un usage détourné , que Marie Bergström de l’Observatoire sociologique du changement qualifie d’ « expérimental » et de « récréatif ». À vous le plaisir de flirter, de tester votre capacité à draguer, de découvrir, d’explorer. Caché derrière votre ordinateur, vous ne risquez pas de vous « prendre un râteau » , de vous engager, de frôler la main de l’autre ou de passer à l’acte.

« Pas sûr que la rencontre charnelle, qui fait peur, soit l’objectif de la relation amoureuse à l’adolescence… » avance même le psychanalyste et écrivain Benoit Virole. Le témoignage d’une jeune femme de 21 ans, rapporté par une écoutante du Fil Santé Jeunes en atteste. Un garçon qu’elle connaît depuis des années échange des « sextos » ( textos à caractère sexuel, NDLR ) avec elle, mais « se défile » quand elle propose un rendez-vous.

Internet, ça libère les filles

Selon Marie Bergström, ces sites de rencontres vous permettent aussi aux jeunes « d’étendre la géographie amoureuse, à une époque de la vie où les relations sociales sont confinées au milieu scolaire ou étudiant ». Une opportunité pour les jeunes femmes qui souhaitent échapper au contrôle social, encore très fort, de l’entourage sur leurs relations amoureuses et sexuelles.

D’autant que si l’âge du premier rapport (plus de 17 ans aujourd’hui) et le nombre de partenaires se rapprochent chez les garçons et les filles depuis les années 1960-1970, les sexualités des femmes et des hommes ne sont toujours pas perçues de la même façon. « Alors que le garçon sera valorisé s’il a de multiples relations, les filles ayant beaucoup de partenaires seront jugées plus durement par leur entourage, voire traitées de ‘pute’ ou de ‘salope’ », constate la sociologue. « Internet facilite l’accès des femmes à la sexualité », estime-t-elle, relevant que « 40 % des jeunes femmes de 18-19 ans ont déjà fréquenté des sites de rencontres ».

Toujours en contact avec votre amoureux(se)

Si internet peut être à l’origine d’une rencontre IRL, c’est-à-dire « in real life » (dans la vraie vie), il fait aussi partie intégrante de vos amours… Et de vos « emmerdes ». Avez-vous déjà cherché ce que l’autre dit de vous ou échange ailleurs dans sa messagerie ? Vérifié en douce le contenu de son portable ? Votre curiosité « masochiste » a de nouveaux outils, qui sont devenus une nouvelle cause de rupture.

Et êtes-vous conscients du rôle que jouent les SMS dans votre relation ? Pour le psychanalyste et écrivain Benoit Virole, beaucoup de couples s’installent dans une « absence/présence » à l’autre.  » Cette communication est fondée sur le contact, la relation constante à l’autre, et non sur le contenu. ‘Tu es là’, ‘je suis là’, a remplacé le discours amoureux qui existait avec les lettres d’amours », développe-t-il, regrettant la « disparition de les notions de solitude et de manque, alors qu’elles sont constructives ».

Vos amours face à un mur

Facebook est aussi un acteur majeur dans votre vie affective. Peut-être vous êtes-vous retrouvé dans la situation de cette jeune femme de 16 ans dont l’amoureux avait annulé un rendez-vous – prétextant des révisions – et qui le découvre en photo avec des copains sur son mur Facebook ? « Ce qui la faisait souffrir n’était pas tant son absence à lui que son absence à elle à ses côtés sur la photo », décrypte la psychologue et écoutante au Fil Santé Jeunes Nathalie Nicolaïdis. Avec le virtuel, l’autre, son profil, reste à portée de main.

Et pourtant vos émotions, elles, sont bien réelles. Comme celle de ce garçon de 16 ans, souffrant de voir la jeune fille qu’il espère conquérir quitter la discussion instantanée à chaque fois qu’il se connecte. Ça vous rappelle quelque chose ?

Quitter par mail ou SMS : express, mais…

À propos de souffrance, le mail et le texto sont aussi devenus des moyens simples de rompre derrière un écran. « En quittant par SMS, on échappe au face-à-face. On ne tient pas compte de l’autre et on le laisse seul avec cette annonce, en le privant de la possibilité de réagir, de discuter, d’exprimer sa colère « , analyse le psychiatre Didier Lauru. Idem lorsqu’on le « jette sur le marché du célibataire Facebook, comme un objet, en faisant simplement passer son statut de ‘en couple’ à ‘célibataire’, poursuit-il. D’ailleurs, ne dites-vous pas « je l’ai jeté (e) « ?

« Ça s’fait pas ! », répond le psychiatre, reprenant une de vos expressions préférées. Il y a plus de 200 ans, le philosophe Emmanuel Kant écrivait : "traite l’autre comme une fin et jamais seulement comme un moyen". Alors, les troubadours des temps modernes, ça l’fait, non ?

Voir des contenus porno ? Gare à votre libido…

Si vous avez un peu exploré le web, vous savez forcément qu’internet est un lieu d’exposition à des contenus sexuels. Des contenus que le psychanalyste Benoit Virole jugent « potentiellement traumatiques », parce qu’ « il y a des images qu’on ne peut pas gérer lorsque l’on est psychiquement immature » , développe-t-il.

En 2005, Patricia Greenfield, une psychologue américaine avait déjà sonné l’alerte sur cette question, estimant que le contact répété des enfants avec des contenus sexuels ou pornographiques peut avoir des effets sur le développement des enfants, modifier leurs attitudes à l’égard de l’autre sexe et peser sur leurs conceptions des relations sexuelles.

 » Nous avons des appels de jeunes garçons de 18-19 ans ayant vu tellement d’images pornographiques qu’ils angoissent de la rencontre corporelle. Ils expriment leur peur de ne pas éjaculer assez ou de ne pas bander assez fort », illustre Nathalie Nicolaïdis, écoutante au Fil Santé Jeunes. Ne minimisez pas l’impact de ce que vous voyez ou risquez de voir !