L’asexualité, qu’est-ce que c’est ?

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Publié le 14/12/2017 par TRD_import_CarolineMichel ,
Qui sont les asexuels ? Quels regards portent-ils sur la sexualité ? L'asexualité est-elle une période transitoire ? Nous avons interrogé Philippe Arlin, sexologue, afin de répondre aux questions que vous pourriez vous posez à ce sujet.

La définition la plus fréquente de l’asexualité est de ne pas ressentir de désir sexuel ou d’attirance sexuelle pour les autres. Rejoignez-vous cette approche ?

Il n’existe aucune étude sur l’asexualité, et seuls des témoignages permettent d’en esquisser une définition. Mais, à bien y regarder, il n’y a pas deux asexuels qui se ressemblent. Le mot « asexualité » est un peu générique et recouvre divers aspects. Il a été posé par des personnes qui, à juste titre, estiment que la sexualité prend trop de place, y compris dans les relations entre deux personnes. À partir de là, on pourrait donc dire que l’asexualité est une construction philosophique et donc un choix. Celui d’ interagir avec les autres sans placer le sexe au centre de la relation.

Pour bien comprendre, parlons « plan cul ». Dans cette perspective, on aborde l’autre en étant focalisé que sur le sexe. L’asexuel agit à l’inverse et accueille l’autre dans une dimension d’amour et de tendresse.

Mais on peut aussi observer l’asexualité sous un autre angle, celui de la pathologie (biologie). Non pas au sens « il faut soigner », mais dans la mesure où la personne concernée ne ressent aucun désir et aucune pulsion sexuelle. Une définition qui est peu observée, même si beaucoup de personnes s’en revendiquent.

Pour tenter une définition plus générale, je dirais que l’asexualité est un mode de vie , basé ou non sur un véritable ressenti (l’absence total de désir), une approche différente de la relation à l’autre et de l’amour, où le sexe est absent.

L’asexualité est-elle une orientation sexuelle au même titre que l’homosexualité, l’hétérosexualité ou la bisexualité ?

Dire de l’asexualité qu’il s’agit d’une orientation sexuelle, c’est de la provocation. Ce n’est pas une manière de vivre sa sexualité mais une manière de ne pas la vivre. Il y a des jours où nous sommes asexuels (nous n’avons pas envie de sexe) tandis que le lendemain nous sommes libidineux (grosse envie). Et pourquoi pas ? Nous sommes, au fond, tous asexuels et tous obsédés.

Les asexuels choisissent de mener leur vie sans sexe, et s’en trouvent bien plus libres. Ce n’est pas de la chasteté. La chasteté, c’est faire le choix de ne pas répondre à ses désirs sexuels. L’asexuel n’est pas frustré, il vit simplement ses relations autrement.

En quoi l’absence de désir est-elle libératrice pour l’asexuel ?

Je pense que l’asexualité est un endroit très confortable. Ne pas avoir envie de quelque chose est extrêmement apaisant. Les asexuels n’ont pas besoin de trouver l’objet de l’assouvissement de leur besoin. À l’opposé, dans l’addiction, le sujet cherche en permanence de quoi renouveler sa satisfaction. Les asexuels ont donc une liberté que les autres n’ont pas.

La sexualité n’est pas un ensemble d’injonctions, comme la société nous le fait croire. Un asexuel peut avoir pour désir de s’éloigner de cette pression. Pour autant, cela ne va pas simplifier leur relation à l’autre qui, dans l’amour, pourrait être en demande de sexualité. L’asexualité oui, mais avec un autre asexuel.

L’asexualité, c’est pour toute la vie ? Ou pour un temps donné ?

L’asexualité n’existe que très rarement dans une forme pathologique (biologique), elle révèle plus souvent d’un choix que d’un état. Les asexuels sont simplement dans une expression relationnelle où le sexe n’a pas sa place. Ce n’est pas un problème, simplement une autre approche, et si un asexuel en souffre, alors je lui conseille de consulter. Le changement est possible.

D’ailleurs, l’asexualité est fréquemment secondaire, c’est-à-dire que l’asexuel a souvent connu une vie sexuelle par le passé. L’asexuel n’est pas bloqué, pas plus que frustré. Il n’a simplement pas envie de sexe , mais ce n’est pas irrémédiable.

Philippe Arlin est auteur de "Libérez votre désir" (éditions La Musardine)