Je m’interroge sur mon identité sexuelle

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Publié le 02/01/2018 par TRD_import_MariaPoblete ,
Fille ? Garçon ? Hétéro ? Homo ? Bisexuel ? Transgenre ? Garçon manqué ? Efféminé ? Les questions se bousculent dans votre tête – et votre corps –. et c’est normal. Il n’est pas utile de souffrir pour réfléchir à soi et trouver sa place.

« Abandonné par mon père, j’ai toujours eu des problèmes psychologiques depuis petit. Mais en 3e, ça s’est compliqué : j’ai commencé à me faire mal en me scarifiant et en poussant les professeurs à me rejeter. J’étais insolent. Puis, j’ai pensé que tout ce mal était dû au fait que je ne me sentais pas à ma place de garçon. » Thomas, 18 ans, actuellement en terminale L à Paris, parle de lui au féminin et se dit « perdue, déçue par les adultes, blessée et malheureuse ». Pour Rachel, sa mère, il s’agit d’une énième provocation : « Il pense que remettre en question son identité de garçon est la solution miracle à ses souffrances. » Elle refuse de s’adresser à son fils au féminin. « Il s’agit d’autre chose. Quand nous évoquons des sujets qui le passionnent, en littérature ou en philosophie par exemple, il ne parle pas de lui au féminin ! Et puis s’il était si sûr de lui, il accepterait de rencontrer des psychologues pour envisager un travail en profondeur… »

Rechercher son identité ? Rien de plus normal

S’agit-il d’autre chose, comme Rachel le suggère ? C’est possible. Pour l’instant, Thomas refuse de consulter un thérapeute. Sa mère y va pour lui, ne serait-ce que pour savoir comment réagir, quoi lui répondre et aussi… pour elle.

« Dans le processus d’autonomisation, c’est-à-dire celui de devenir adulte, les adolescents se demandent : « Qui suis-je ? Et cette interrogation pose la question de la balance entre la similitude et ce qu’on peut appeler la « mêmeté » avec les jeunes de leur entourage, dit Lyda Lannegrand-Willems, professeure de psychologie du développement et de l’éducation à l’université de Bordeaux. Il est normal et nécessaire de vouloir savoir qui vous êtes, d’où vous venez, pourquoi vous êtes là, quelle est votre histoire, votre singularité dans la famille, quelles sont les similitudes avec vos parents, vos frères et sœurs. »

Accepter toutes les facettes de sa personnalité

Bien sûr, vous pouvez aussi vous plonger dans les albums de photos. C’est ce qu’a choisi Charlotte, 21 ans, étudiante en troisième année de licence d’histoire à l’université Paris 1. Lorsqu’elle a eu 16 ans, elle se sentait un peu « perdue, pas à ma place ». Lors de vacances chez ses grands-parents, elle a passé ses soirées à regarder les albums photos de famille…. Et cette introspection lui a fait du bien. « Ça m’a donné envie de me lancer dans une « archéologie » personnelle. Pourquoi les plans avec les garçons étaient tous foireux, pourquoi je cumulais plusieurs histoires d’amour en même temps. J’appréciais surtout la séduction, j’en rajoutais des tonnes dans le maquillage, les décolletés, les strings qui dépassaient du jean, à la limite de la vulgarité. » Charlotte n’était pas la même avec ses amoureux, ses amis ou sa famille.

« Cette attitude est typique de l’adolescence, explique Lyda Lannegrand-Willems. On prend conscience de la diversité des facettes de soi. On peut être différent selon avec qui on est. Avec ses parents, on reste encore un enfant, avec ses copains, on est quelqu’un d’autre. À l’âge adulte, cette pluralité ne pose plus de problème parce que le sentiment d’unité est maintenu, mais à l’adolescence, c’est parfois déstabilisant. »

Cette période de confusion peut mener à beaucoup d’expériences, y compris homosexuelles. Aline, 22 ans, actuellement en année de césure de droit à Lyon 3-Jean-Moulin, est passée par là. « Entre 15 et 17 ans, j’étais anxieuse, mal à l’aise et incertaine. J’ai alors exploré d’autres sexualités : j’ai eu des histoires d’amour avec des filles, assez réussies, je dois dire. Je me suis bien amusée. Passée cette étape de découverte, je suis retournée vers des pratiques hétérosexuelles. Mais il est possible que cela change encore, ce n’est pas grave. » Rien de grave en effet.

Garçon manqué un jour, garçon manqué toujours ?

Dédramatiser, c’est ce que préconise Lola, 19 ans, en deuxième année de licence de sociologie à l’université Lyon 2. « J’ai été un vrai garçon manqué jusqu’à mes 15 ans. Au lycée, j’ai commencé à changer et à m’accepter et, progressivement, j’ai pris conscience de ma féminité. Aujourd’hui, je porte des robes, des collants, des talons, je me maquille. J’aurais très bien pu rester comme j’étais. Il faut dédramatiser : un jour, on affiche l’enveloppe d’une femme, mais ce n’est pas nécessaire pour l’être ! »

C’est le même discours rassurant que tient Élisa, 19 ans, en deuxième année de classe préparatoire ECS (économique et sociale, scientifique) à Lille (59). « Depuis que je suis petite, j’ai des allures de garçon manqué, simplement parce que je suis à l’aise comme ça. Mes potes au lycée étaient comme moi ; d’ailleurs, j’appartenais à l’équipe de foot féminine ! Forcément, à un moment donné, on m’a fait des remarques. Je me souviens des copines de maman qui m’assuraient qu’à 19 ans, je porterais des robes. Eh bien, non ! J’ai 19 ans et je m’habille toujours de la même façon. Le problème se posera quand je passerai les oraux pour intégrer une école de commerce, il faudra alors que je me déguise ! » Son conseil : « Restez comme vous êtes, cela ne change rien à votre féminité ! Moi, je me sens femme. J’ai des amoureux qui ne s’attachent pas aux apparences. Le plus important est de se sentir bien dans sa peau ! »

Des doutes sur votre identité de genre ?

C’est lorsque la confusion est trop grande, qu’elle amène une anxiété, une souffrance, qu’une consultation chez un thérapeute peut être envisagée. « Il faut faire la distinction entre le pathologique et un questionnement banal, explique Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste, responsable de l’unité de thérapie familiale à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Il est important de ne pas rester isolé, mais d’évoquer la problématique avec un adulte de confiance, l’infirmière du lycée ou encore un professionnel. »

Lorsque le jeune est mal dans sa peau de fille ou de garçon, il est nécessaire de prendre contact avec un spécialiste. Des services de santé spécifiques existent, par exemple dans les hôpitaux. La prise en charge s’effectue par étapes. Et la famille doit être partie prenante. « Le parcours d’accompagnement d’un enfant est une démarche lourde et perturbante pour les parents. Cela touche quelque chose d’intime, qui peut être douloureux », poursuit Serge Hefez. Un chemin qui ne se fait pas du jour au lendemain. Mais un chemin courageux.

Décryptage : les mots pour le dire

Transidentité, transgenre : c’est le décalage que ressent une personne entre son sexe biologique et son identité psychosociale ou « identité de genre ».

Transsexuel(le) : personne qui a bénéficié d’une chirurgie ou d’un traitement hormonal de réassignation sexuelle, parce que son identité de genre ne correspondait pas à son sexe biologique.

Queer : personne qui refuse la caractérisation binaire : homme ou femme. En Amérique du Nord, les queers peuvent demander d’être appelés ni « Mister » ni « Miss », mais du genre « neutre ».

Homosexuel(le) : personne attirée par une personne du même sexe.

Hétérosexuel(le) : personne attirée par une personne du sexe opposé.

Adresses utiles

Des consultations permettant de dialoguer avec des professionnels sont ouvertes dans certains centres par exemple en Île-de-France : hôpitaux Robert-Debré (à Paris) et de la Pitié-Salpêtrière (à Paris) et la Fondation Vallée (à Gentilly, 94).