« Je ne sais pas dire non » : s’affirmer, ça s’apprend

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Publié le 29/01/2018 par TRD_import_MariaPoblete ,
"Non, je n’irai pas à la fête ce week-end, j’ai des devoirs à finir". Des paroles impossibles à prononcer pour vous ? Ce n’est pas l’envie qui vous manque, mais vous avez du mal à exprimer franchement ce que vous voulez, que ce soit avec vos amis ou vos parents. Rassurez-vous, dire non, ça s’apprend.

« Depuis que je suis petite, je n’arrive pas à dire non, et cela m’a causé pas mal de soucis. En primaire, je pouvais donner mon goûter et rester avec la faim au ventre. Sûrement parce que je voulais être appréciée et que je n’avais pas la force de résister ! À partir de 13 ou 14 ans, cela a commencé à me poser de sérieux problèmes. J’étais incapable de dire non à qui que ce soit, surtout à mes proches pour qui je cultivais de l’affection, de l’admiration. Il m’était beaucoup plus difficile de leur dire non qu’à un inconnu croisé dans la rue, car les conséquences n’étaient pas les mêmes. Je ne supportais pas l’idée qu’on puisse m’en vouloir, j’étais persuadée que la moindre réponse négative les décevrait. »

Louise, 18 ans, en prépa littéraire, a fini par craquer en début d’année. « Avec mes horaires, je n’ai plus le temps à accorder à tous, alors j’ai explosé et refusé d’être disponible constamment ! Et sa prise de conscience a été radicale : « Des copains n’ont pas compris, peut-être parce qu’ils ont été étonnés, ils me font la tête, mais ce n’est pas grave, les vrais amis sont là. »

Comme Louise, vous avez souvent cédé (ou cédez encore trop souvent !) aux pressions et lâché, avec regret, un « oui » alors que votre cœur disait « non » ? « La peur des conséquences d’un refus est l’une des raisons de ce problème », expose Béatrice Copper-Royer, psychologue et auteure de « Enfant anxieux, enfant peureux » (éditions Albin Michel).

Ne pas s’affirmer de peur d’être seul ?

Antoine, 19 ans, a failli déraper par manque de « volonté ». « Dès que quelqu’un lançait l’idée d’une imbécillité à faire, comme sécher les cours, vider un extincteur, fumer, je suivais comme un petit chien ! Puis un jour, je me suis senti manipulé, comme si les autres cherchaient à être plus forts en étant plus nombreux, et j’ai pensé ‘ Et toi, alors, tu veux quoi vraiment, au fond de toi ? Continuer de te comporter comme un bébé, te faire remarquer ou étudier et grandir ?' »

« L’affirmation de soi est essentielle. Dire non, c’est défendre son autonomie, c’est la preuve qu’on est capable de faire ou de ne pas faire, c’est important », indique Jean-Pierre Couteron, psychologue et président de la Fédération Addiction. « C’est compliqué : les adolescents ont envie d’expérimenter, mais ils doivent comprendre qu’il y a des limites à se fixer, et ce n’est pas rester un petit enfant que de dire non à ce qui leur est proposé. » Tout cela, bien sûr, ne vient pas d’un coup de baguette magique. Il faut du temps.

Ne pas craindre les conflits

Avant d’en arriver là, Léo, 19 ans, a dû accepter la mauvaise humeur des copains. « Je n’aime me fâcher avec personne, je n’ai jamais fait de crise d’adolescence, ma devise c’était ‘pas de vagues’, je déteste les cris et les affrontements ! Évidemment, mes copains me reprochaient de ne pas me positionner clairement ; mais moi j’avais du mal. Je déteste qu’on se fâche, alors je disais ‘oui’ à tout ! » Désormais plus mûr, Léo n’est pas devenu bagarreur ou polémiste pour autant, mais il tente de ne plus prendre ses jambes à son cou quand ça chauffe. « Un jour je comprendrai pourquoi je déteste tant les gens qui s’engueulent ou discutent fort, en attendant je fais un effort pour échanger, élever le ton même parfois, et assumer mon point de vue ! »

Aux jeunes qui lui ressemblent, il conseille de se dire que le conflit n’est pas synonyme de guerre, qu’il est nécessaire d’accepter de décevoir et, si la personne ne pardonne pas, cela signifie que ce n’était pas la bonne ! « Si on nous aime, on doit comprendre nos refus et nos avis ! », conclut-il.

Apprendre à négocier

À la condition, toutefois, d’avoir des idées claires. La patience est la meilleure alliée. « J’ai pris du temps pour y arriver. Dans tous les cas, mieux vaut ne pas être trop brutal, on peut proposer autre chose, décaler », recommande-t-elle. Cette manière de procéder ressemble à la diplomatie…

C’est la méthode de Marie, 15 ans : « Je suis la reine du ‘non, mais…’. Si je refuse une invitation pour le week-end – parce que je veux préparer un contrôle –, je propose une autre date. Comme ça, je ne passe pas pour l’intello de service ! » Marie a une autre spécialité : le rabâchage. « Quand je sais que je dois dire non, même si j’aimerais dire oui, je résiste, je répète : ‘Non, je ne peux pas t’accompagner car j’ai telle chose de prévue ; je sais que ce n’est pas sympa de ma part, mais j’ai une chose de prévue’… »

Ne pas culpabiliser

L’histoire de Marie fait bondir Julie, 19 ans : « Ça m’impressionne, lorsque je dis ‘non’, j’attends que le monde s’écroule ! Je culpabilise, je veux revenir sur ma décision, je suis tentée de rappeler pour dire ‘mais oui, je viens à l’amphi pour te rendre service’… La culpabilité est un poison , mais j’y travaille… »

Violette, 21 ans, renchérit : « Un travail sur soi est nécessaire. Il faut prendre le temps de réfléchir et se demander pourquoi vous culpabilisez quand vous dites ‘non’ alors que les personnes en face y parviennent et que vous trouvez ça normal ? *Il faut s’écouter, se comprendre et se considérer au même niveau que les autres. » *

Bref, ne plus être dans le désir des autres ! Penser à soi ce n’est pas être égoïste ! Le psychologue et auteur de « Adolescents et cannabis, que faire ? » (éditions Dunod) Jean-Pierre Couteron confirme : « Dire non apporte beaucoup d’estime de soi, les bénéfices sont innombrables. On prend confiance en soi et on est capable de construire et de décider ! C’est passer du stade où les parents décidaient à celui où on choisit. » Allez, vous tentez ?