J’ai l’impression que personne ne m’aime

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Publié le 08/04/2016 par TRD_import_MariaPoblete ,
Qu'est-ce qui se cache derrière ce cri du cœur ? Un sentiment de solitude, voire d'exclusion, un manque d'estime de soi, une exigence démesurée… Trendy vous ouvre des pistes pour sortir du syndrome du mal-aimé.

« ‘Personne ne m’aime’, je répétais très souvent cette phrase, entre 11 et 16 ans. Je suis la plus jeune de trois sœurs et j’ai un petit frère. J’ai toujours trouvé ma place bizarre dans la famille. Cela a commencé en sixième lorsque l’une de mes sœurs me répétait en boucle que j’avais été trouvée dans une poubelle. Cela semble ridicule mais je doutais sérieusement. » Anne, 21 ans, en deuxième année à Sup Agro, l’école d’ingénieurs agronomes de Montpellier (34), a vécu avec ce sentiment d’exclusion des années sans pouvoir en parler. « Je me sentais rejetée et j’avais fini par avoir de sérieux doutes sur l’amour que les autres me portaient. Un jour, j’ai réussi à poser la question à mes parents, qui m’ont rassurée comme ils ont pu, mais je crois que c’était un peu tard, entre-temps, j’avais beaucoup ruminé. »

Après ces années de doutes, Anne acquiert peu à peu « la sagesse, grâce à la maturité. J’ai appris à faire confiance aux gens. Ne pas se sentir apprécié ni considéré provient souvent du fait qu’on a du mal à s’accepter, qu’on manque d’estime de soi. Personnellement, j’étais très critique sur ma personne à 15 ans : je ne voyais que mes défauts et, en même temps, je voulais être la préférée de mes parents ! » De plus, pour Anne, tout prenait des proportions énormes. « On est entier à l’adolescence. On dramatise beaucoup. Je me trouvais vraiment dans ce cas de figure. Je n’avais aucun recul. Je ne me projetais pas, et j’avais l’impression que rien ne changerait jamais. »

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Ne mettez pas de l’affect partout

« J’ai vécu une rupture amoureuse en seconde, raconte Léa, 19 ans, en première année à l’ESRA (École supérieure de réalisation audiovisuelle), à Paris. Mon copain est parti du jour au lendemain sans rien dire. Cela m’a rendue malade. Je le voyais tous les jours au lycée, et il n’avait pas l’air malheureux. C’était atroce. » Léa se souvient d’un sentiment de solitude, d’abandon, de rejet et de violence, à l’image, dit-elle, « du vers de Lamartine : ‘Un seul être vous manque et tout est dépeuplé’. On est un peu bête à cet âge, très autocentré sur soi et sur son malheur, et c’est rapidement la fin du monde… puisque ce qui nous arrive va plonger la Terre dans le néant ! » Elle en sourit (presque) aujourd’hui :  » Évidemment, j’ai guéri. Mon état était plus lié à la blessure narcissique de l’abandon qu’au copain en question. » Le temps a fait son œuvre.

À en croire Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne (1), l’adolescence n’est pas précisément le moment de la modération : « C’est un problème réel parce que les ados mettent de l’affect et de l’émotion partout, dans toutes les relations, un peu comme si le moindre fait était lu et analysé à travers le prisme de la recherche d’absolu. » Oui, vous êtes entiers et intègres ! Le revers de la médaille de ces exigences surdimensionnées ? La déception, bien sûr.

Apprenez à relativiser

Et si vous commenciez par essayer de mesurer le réel impact de ce qui vous arrive ? Vous vous êtes fâché avec votre meilleur ami, une personne qui vous plaît vous ignore ? Avant de sombrer, raisonnez : vous êtes déçu par UNE personne, pas par le lycée entier… Emma, 16 ans, en première S au lycée Bignon à Mortagne-au-Perche (61), en Normandie, a réagi après un petit « passage à vide » : « Je me sentais assez nulle, seule. J’ai passé un week-end chez ma marraine : on a ri et parlé de sa vie et de ses réactions à 15 ans, pas si éloignées des miennes, avec la même tendance à bouder, à ne jamais être contente. Je me suis comparée à elle. Elle m’a convaincue de regarder ce que j’avais. Je me suis dit qu’elle avait raison : je ne pouvais pas effacer ce qui existait. J’ai réussi à conclure qu’il y avait quand même des gens qui m’appréciaient ! »

Comptez sur vos amis

Lorsqu’on a un petit coup de blues, une baisse de régime, rien de tel que les amis pour vous remonter le moral. Cherchez bien. Quelqu’un, quelqu’une est-il/elle là ? Oui, ce n’est pas le grand amour qui frappe à la porte du château, mais tout de même, ce n’est pas mal, non ? « Dans ma consultation, je vois des jeunes déprimer. Ils investissent énormément dans les relations amoureuses, raconte Béatrice Copper-Royer. Je leur conseille toujours de se poser la question des soutiens dont ils bénéficient, de regarder qui les entoure, et surtout de veiller à ne pas effacer ces liens-là car ils sont précieux. » Ce conseil, Hugo, 19 ans, en deuxième année de licence de droit à Lyon 3 (69), l’a fait sien, lui qui se sentait « abandonné et seul », en débarquant dans une nouvelle ville. « J’arrivais de Saint-Étienne (42) et je ne connaissais personne. J’étais tellement paumé que j’en concluais qu’on ne s’intéresserait jamais à moi. Je rentrais le week-end chez mes parents. J’ai pris mon mal en patience. Ce sont mes copains d’avant qui me remontaient le moral. »

Arrêtez de ruminer

C’est en se rendant chaque semaine à un groupe de parole au BAPU (Bureau d’aide psychologique universitaire) que Soraya, 23 ans, en master 1 à l’ESPE (École supérieure du professorat et de l’éducation) à Paris, a compris qu’elle devait cesser de ruminer.

« Je restais bloquée sur mes idées toutes faites. Je me disais que personne ne m’aimerait, que je resterais seule toute ma vie, je tournais en boucle et je n’avançais pas. J’ai compris que le stress produisait ces réactions, parce que j’étais assez mal et vaguement déprimée. Or, je vais travailler avec des enfants et je serai un peu responsable d’eux. Il fallait que je règle mes problèmes avant ! L’écart entre ce que je voulais et la réalité créait de la frustration et du stress. J’étais souvent sur les nerfs et, en fin de journée, j’étais toujours aussi irritable… Le psychologue m’a aidée à retrouver ma lucidité grâce à un ‘arrêt sur image’. Peu à peu, j’ai appris à observer ce que je ressentais. » Comment ? Les pensées automatiques se répètent. Lorsqu’on ressasse « j’aurais dû », « j’aurais pu », « personne ne m’aime »… on n’arrive pas à se calmer. « On obtient de bons résultats en se reconnectant avec son corps, sa respiration et les activités simples, tout en continuant à faire ce que l’on avait commencé (étudier, cuisiner), explique Jacques Lecomte, psychologue(2). Être dans le présent chasse la rumination. »

Positivez, tout simplement

« Ce n’est pas une vision simpliste de la vie qui s’applique, c’est juste du bon sens : il s’agit de prendre conscience de sa valeur personnelle en faisant, en avançant, poursuit Jacques Lecomte. On apprend de ses réussites et de ses échecs. Comme les adultes, les adolescents peuvent être acteurs de leur vie, la voir sous un beau jour, la transformer et faire en sorte de se dire qu’ils vont y arriver. » Soraya a une autre astuce, qu’elle vous livre : « Il faut se souvenir de ceux qui vous aiment, mais très concrètement. Notez le nom de trois ou quatre personnes proches de vous et écrivez la dernière attention qu’elles ont eue pour vous : un coup de fil, un SMS rigolo, un compliment, la moindre petite chose… » Alors ? Eh oui, vous voyez bien : ce sont des preuves que l’on vous estime. Et c’est précieux !

(1) Auteure avec Marie Guyot de « Quand l’amour emprisonne », Éditions Albin Michel.

(2) Auteur de « Introduction à la psychologie positive », Éditions Dunod.

*L’ avis d’un expert

* Fanny Nusbaum, psychologue, docteur en psychologie, dirigeante du centre

Psyrene (Centre d’expertise en développement de potentiels), à Lyon (69).

Avant de vous enfermer dans le rôle de l’élève mal aimé par les enseignants et dans la posture de la victime, menez une enquête, sincèrement. Soyez honnête avec vous-même. Échangez avec une personne de confiance, dans votre entourage (adulte au lycée ou dans l’entourage familial ou amical). Exposez les faits le plus objectivement possible, clarifiez vos idées, les propos et l’attitude de l’enseignant, vos difficultés dans la matière et vos inquiétudes. « Il est important de creuser, d’aller plus loin que le discours de base ‘il m’aime pas’, suggère Fanny Nusbaum, psychologue. C’est après avoir mené cette investigation qu’on saura réellement ce qui agace le professeur et ce qui tend la relation. » Ensuite ? Eh bien, sauf injustice ou maltraitance (qui serait à dénoncer, évidemment), personne ne vous demande de faire de ce professeur votre meilleur ami. Protégez-vous, ne vous braquez pas… et soyez patient.

**Pour trouver de l’aide

** – Bureau d’aide psychologique universitaire (BAPU) : composé de psychologues, psychiatres et d’une assistante sociale. Certains BAPU sont gérés par la Fondation de santé des étudiants de France (FSEF), qui anime aussi des Relais étudiants lycéens, avec consultation psychologique, ateliers pédagogiques, thérapie.

Fil santé Jeunes : 08 00 23 52 36.

– Pensez aussi à l’infirmière de votre lycée ou au CPE (conseiller principal d’éducation).