Profs, parents, potes… je “pète trop vite les plombs” : quelles solutions ?

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Publié le 13/03/2015 par TRD_import_MariaPoblete ,
Une mauvaise note, une reflexion d'un(e) ami(e) ou une interdiction de sortie declenchent une colere que vous contenez difficilement… quand vous y parvenez. Resultat : tous vos proches en ont marre et vous aimeriez bien apprendre a vous canaliser. Nos conseils pour etre moins "soupe au lait".

« Entre 15 et 18 ans, j’ai beaucoup souffert de mes explosions de colère. J’avais des sautes d’humeur, il suffisait parfois de peu de chose, que mes parents m’interdisent deux sorties de suite ou qu’un prof me colle une mauvaise note pour que je me transforme en Hulk, ce monstre à la force surhumaine et à la rage incontrôlable ! J’exagère à peine, je n’ai jamais été violent, mais le fond est le même, symboliquement : la créature ne se manifeste que lorsqu’elle est soumise à une intense émotion. »

Julien, aujourd’hui 21 ans, étudiant en L2 de lettres modernes à Paris-Est–Créteil (94), se souvient de ces moments très désagréables. « Je m’emportais pour un rien, et mon entourage – les copains, la famille – en avait marre. J’étais devenu invivable. Le lycée se plaignait. Le bouquet final a été la porte du CPE [conseiller principal d’orientation, NDLR] refermée un peu brutalement, claquée en fait ; comme ce n’était pas la première fois, mes parents ont été convoqués. » Après ce signal d’alarme, Julien accepte de réfléchir à ses élans de colère et de rencontrer une psychologue pour l’aider à contenir ses émotions et à les verbaliser.

« La colère s’explique. C’est un mode d’expression, une manière de dire quelque chose qui ne se dit pas autrement et dont le sens, souvent, échappe à la personne, explique Joël Clerget, psychanalyste, auteur de « Corps, image et contact », aux éditions Érès. Elle n’est pas une réaction contre quelqu’un, mais une réponse à un conflit, à une situation. » Pour le spécialiste, cette réaction est le « désir d’ouvrir le dialogue ». Encore faut-il l’admettre, la reconnaître et la maîtriser.

Il n’y a pas de honte à être en colère

Dans « l’Esquisse d’une théorie des émotions », Jean-Paul Sartre nous montre que l’émotion est « loin d’être un désordre sans loi », mais possède une « signification propre ». Reprenant les propos du philosophe, Martin Desseilles, psychiatre et auteur de « Vivre mieux avec ses émotions » (avec le Dr Moïra Mikolajczak, aux éditions Odile Jacob), insiste :  » La colère peut être une alliée pour permettre de s’exprimer, de faire preuve de réactivité et de vivacité. Elle n’est pas à rejeter en bloc ; lorsqu’elle exprime une injustice ou qu’elle permet de lutter contre un obstacle, par exemple, elle est utile. » Vous ne devez pas en avoir honte ou culpabiliser. Reste à poser le curseur, ni trop loin ni trop près. Pour ne pas déborder. Et sans perdre la face, tout en gardant la tête haute.

Réfléchissez aux critiques

L’orgueil semble être le moteur de Gaspard, 19 ans, élève en L1 économie-gestion à Rennes 1 (35). « Je suis quelqu’un de très fier, c’est vrai, et je n’apprécie pas beaucoup les critiques, les mauvaises notes, les trucs injustes. En 2nde, je m’énervais pas mal, surtout contre les profs quand j’avais le sentiment qu’ils me jugeaient. À 15 ans, on a l’impression d’être mal aimé, les adultes critiquent notre mode de vie, nos attitudes, nos idées, et nous saquent ; je prenais la mouche et, dès qu’un prof me faisait une réflexion, un commentaire pas sympa, je démarrais au quart de tour et je n’arrivais pas à lâcher ! Je voulais avoir le dernier mot. »

C’est le temps qui a fait son utile travail. Et un peu les débats en éducation civique et en SES [sciences économiques et sociales], pendant lesquels, raconte-t-il, il a « réfléchi et appris à formuler et à accepter les critiques ». C’est ce qu’explique Katia Follet, enseignante et formatrice de professeurs à l’académie de Rouen (76) : « Le calme, le respect peuvent régner dans une classe à condition que les règles aient été comprises par tous. Les élèves qui se mettent en colère veulent en découdre, il faut alors bien leur expliquer les bienfaits des critiques et commenter les règles, que ce n’est pas parce qu’ils acceptent la loi qu’ils seront en danger ! Le passage à l’âge adulte est difficile pour certains, gérer ses émotions est un apprentissage comme les autres, certains l’ont acquis dans leur enfance, pour d’autres ce sera plus tard. »

Gérez les frustrations

Antoine, 15 ans, en 3e au collège Victor-Hugo à Paris, ne reconnaît pas les raisons de ses colères. Pour lui, ce sont « les autres qui ont tort, mes parents refusent que je sorte en semaine et m’imposent des horaires, ça oui, ça me met en rogne et je m’énerve ! »

Des propos qui n’étonnent pas Didier Pleux, psychologue clinicien, directeur d’un institut français de thérapie cognitive et auteur d' »Exprimer sa colère sans perdre le contrôle », aux éditions Odile Jacob : « On compte de plus en plus de jeunes colériques dans nos sociétés occidentales parce que l’on n’apprend plus aux enfants à gérer la frustration. Le bien-être est un équilibre entre le principe de réalité et le plaisir : oui, la réalité est quelquefois frustrante, mais il faut faire avec !  » Dur à entendre ? « Les jeunes n’ont pas d’autre choix que d’accepter les frustrations, poursuit Didier Pleux. Pour vivre ensemble, il n’y a pas d’autre recette que celle de la tolérance. » Question d’éducation. De maturité également.

Apprenez à mieux vous connaître

C’est parce que ses parents, puis ses copains, lui faisaient de plus en plus souvent des remarques que Louison, 17 ans, en terminale S au lycée Chaptal à Paris, a admis qu’il y avait « un problème ». « Je passais pour la fille fâchée et mal lunée alors que, franchement, je peux être super-douce ! J’ai démarré des séances avec une psy, d’abord tous les quinze jours, puis, un peu forcée par mes parents, une fois par semaine. Au fil des séances, ça m’a plu de parler de moi, ça m’a apaisée. Je n’ai pas fini, je continue, j’arrive à anticiper quand la moutarde me monte au nez, je reconnais les signes, j’ai des fourmillements dans les mains, je transpire. « 

Le psychanalyste Joël Clerget commente : « Quand la colère monte, on peut apprendre à la reconnaître et à la dompter, savoir quelle situation met dans cet état, quelle relation, quel lieu, puis, quand on a compris cela, on peut réfléchir à l’état dans lequel on est après la colère. Comment le jeune se trouve-t-il, est-il mal, pas fier de lui, est-il triste ? Revenir sur sa colère est non seulement utile à soi, parce qu’on avance et que se connaître est salutaire, mais c’est aussi très important pour celui qui a réceptionné cette colère. » Une piste de travail : les excuses, les paroles, aller voir l’enseignant ou le parent pour tenter de mettre des mots sur ses maux.

Contrôlez votre respiration

Après avoir été une bagarreuse dans son lycée, Sandra, 19 ans, en terminale L au lycée Jean-Perrin à Lyon (69), a appris à se contrôler. « Moi, mon truc, c’est de souffler, de bien m’oxygéner le cerveau et les muscles. Je sais que je peux m’agacer vite, mais beaucoup moins souvent qu’il y a deux ans quand j’étais complètement à bout. Je sais qu’il y a toujours quelques secondes où je peux ne pas exploser, j’ai réussi à savoir quand ça monte, j’inspire longtemps par le nez, je compte jusqu’à cinq, je souffle le même temps, plusieurs fois de suite. » Le footing et la salsa zumba, Sandra les pratique dans le même but.

Appréciez les bienfaits du sport

« La colère libère une tension qui peut trouver une expression dans d’autres modalités, sport, création, tout ce qui permet d’évacuer les tensions et qui nous fait du bien », conseille Joël Clerget. La vie de Marie, 20 ans, élève en L2 de droit à Paris 2, a changé le jour où elle s’est inscrite au karaté. « J’étais mal dans ma peau et j’embêtais tout le monde, mes copains me disaient que j’étais cassante ; depuis que je pratique une fois par semaine, j’ai la sensation de moins ruminer, donc de moins m’emporter.  » Ça ne va pas ? Zou, on improvise un kata !

“Mangez bien et dormez comme un bébé !”

Martin Desseilles, psychiatre et coauteur de « Vivre mieux avec ses émotions » (éditions Odile Jacob)

« Le sommeil et les rêves permettent une meilleure régulation des émotions.En récupérant de la fatigue dans un sommeil réparateur, on aura assez d’énergie pour prendre de bonnes décisions et ne pas s’emporter le lendemain. Même chose pour la faim ou la malbouffe : elles attaquent le système immunitaire et déclenchent une réponse inflammatoire.Et l’inflammation agit sur l’humeur en induisant de la déprime et de la colère. »