L’interview indiscrète : les premières fois de Taïg Khris

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Publié le 03/02/2016 par TRD_import_AssiaHamdi ,
Triple champion du monde de roller sur rampe, Taig Khris, 40 ans, est l'athlete le plus titre de son sport, avec 75 trophees recoltes depuis l'age de 15 ans. Desormais entrepreneur, le champion se confie pour Trendy sur son enfance greco-algerienne plutot atypique.

CÔTÉ ÉTUDES

La première fois que… j’ai stressé pour un examen

En fait, je n’ai jamais passé d’examen. Ni mon frère aîné ni moi n’avons été à l’école. On voyageait beaucoup et mes parents nous faisaient cours à la maison. Ils achetaient des livres pour essayer de suivre les niveaux et nous ont enseigné le nécessaire pour vivre : lire, écrire et compter. On avait un petit ordinateur qui s’appelait « La dictée magique ». Tu tapais des mots et la machine te disait comment les écrire. L’avantage de ne pas aller à l’école, c’est que ça nous laissait la liberté de faire d’autres choses à côté. Moi, j’étais passionné de sport alors je faisais de la natation, de l’apnée, l’école du cirque, du tennis, mais aussi de la magie, du piano, ou encore du dessin.

La première fois que… je me suis pris une tôle à un examen

Dans ce cadre scolaire là, il n’y avait pas de contrôles. Mes parents nous apprenaient des choses et nous poussaient à travailler une heure ou deux par jour. Mais il n’y avait pas de pression.

L’inconvénient, c’est qu’on travaillait moins que ce qu’on aurait dû. Mes parents auraient pu mettre un peu plus de pression, nous obliger à apprendre plus, pour mieux connaître les bases. Comme on nous a appris à être indépendants, j’ai trouvé mes propres techniques pour apprendre. Jusqu’à 20 ans, par exemple, je ne parlais que le français. Alors, un jour, j’ai pris un dossier Excel et j’ai marqué les 1.500 mots les plus importants de la vie quotidienne et je les ai traduits dans cinq langues différentes. J’ai imprimé le tout et j’ai commencé à apprendre par cœur. Je me suis dit qu’avec ces 1.500 mots, on peut se débrouiller un minimum dans un pays.

À 5 ans, Taïg découvre le patin à roulettes sur l’esplanade du Trocadéro à Paris.

// © Photo fournie par le témoin

CÔTÉ LOOK

La première fois que… j’ai cassé ma tirelire pour des fringues

Les marques n’ont jamais eu d’importance dans ma famille. Pour mes parents, la richesse ne devait pas être visuelle mais intérieure. Du coup, nos fringues n’avaient pas plus de valeur que ça. Quand on cassait notre tirelire, c’était pour des projets de vie, comme la traversée de l’Atlantique, l’Amazonie en pirogue, la pêche aux Caraïbes… Notre vrai luxe, c’était ces voyages. Une fois adulte, pendant ma carrière, je gagnais bien ma vie. Je n’ai jamais beaucoup dépensé pour des fringues, toutes étaient offertes par mes sponsors. Du coup, ça me fait mal au cœur de payer des vêtements trop cher. Le principal, c’est de me sentir bien dedans.

La première fois que… je me suis senti bien sapé

C’était pour ma première montée des marches à Cannes, en 2001 ou en 2002. Je crois que j’avais été habillé par le couturier italien Francesco Smalto. C’était incroyable, d’autant plus que le costume valait 5.000 € et que je devais le rendre après la montée des marches. Dans cette situation, tu es tellement bien habillé que tu as même peur de t’asseoir. Tu es dans un cadre idyllique, tu arrives avec un chauffeur, tu es photographié. Tu te sens privilégié. C’est drôle de se voir comme ça.

La première fois que… je me suis trouvé ridicule dans mes vêtements

Je crois que ça n’est jamais arrivé car ce n’était pas dans l’éducation transmise par nos parents. Mon frère et moi faisions du tennis dans une école et les jeunes riches étaient bien habillés. Nous, on était mal habillés car on avait peu d’argent. Mais cela faisait partie de notre particularité et ça faisait notre fierté. On voyageait avec nos parents, on n’allait pas à l’école, et ça, ça rendait les autres enfants envieux. On était fiers de cette différence-là.

Taïg Khris découvrira la rampe et les compétitions vers l’âge de 15 ans.

// © Photo fournie par le témoin

CÔTÉ SORTIES/LOISIRS

La première fois que… j’ai été à un concert

Les gros spectacles auxquels j’assistais étaient surtout liés au roller. Je me souviens qu’un jour, à 15 ans, avec mon pote d’enfance, on avait participé à une compétition à Munster, en Allemagne. On n’avait pas d’argent pour l’hôtel, donc on avait dormi à la gare puis sur des bancs municipaux. Pendant cette compétition, je me suis cassé la hanche donc je me suis retrouvé à l’hôpital. J’étais tellement dégoûté de louper ça qu’ une nuit j’ai essayé de m’enfuir, pieds nus, avec mes béquilles. Mais bon, le personnel a vite réussi à me rattraper au milieu de la ville.

La première fois que… j’ai acheté un CD

À la maison, on était très musique. On écoutait souvent des chansons françaises à texte. J’ai grandi avec Georges Brassens, Jacques Brel, Georges Moustaki, Charles Aznavour, Serge Reggiani. Chez mes parents, d’ailleurs, on trouve encore les tourne-disques qu’on utilisait à l’époque.

La première fois… qu’un livre a changé ma vision de la vie

Sans hésiter, "Le Prophète" de Khalil Gibran, chez Casterman parce que je préfère cette édition. J’ai toujours beaucoup aimé les livres philosophiques et celui-ci est extraordinaire. À travers une écriture poétique, l’auteur propose des réponses sur plein d’éléments de la vie, comme le travail, l’amour, la beauté… ou encore la passion. Il transmet des messages comme s’il s’agissait de la vérité absolue. C’est un bouquin magique !

CÔTÉ INDÉPENDANCE

La première voiture que… je me suis payée

La fois où je me suis fait un vrai cadeau, c’est lorsque je me suis acheté un Volkswagen Touareg il y a une dizaine d’années. J’ai toujours eu beaucoup d’affaires à transporter et une grande famille, alors j’ai préféré avoir une grosse voiture. C’était un 4×4, donc une voiture très pratique… mais aussi très classe.

CÔTÉ PREMIER JOB/CARRIÈRE

La première fois que… j’ai passé un entretien d’embauche

À 25 ans, après m’être cassé la jambe, j’ai décidé de créer une marque de papeterie et de maroquinerie pour la grande distribution à l’effigie de Tony Parker, M.Pokora et moi-même. Je n’avais encore rien préparé, mais j’ai appelé Carrefour, au bluff, et je leur ai dit que je voulais créer une collection. On a fixé un rendez-vous vingt jours plus tard. Pendant ce laps de temps, j’ai dû préparer la collection alors que je n’y connaissais rien ! La nuit, je faisais le design des produits sur Photoshop. J’ai aussi demandé à des copains de m’expliquer comment fabriquer des prototypes. Vingt jours plus tard, je me suis retrouvé devant l’acheteur national papeterie de Carrefour. Ça a marché. J’ai souvent vécu ce genre de situations où je suis dans l’obligation de convaincre les gens. Et en général, l’ingrédient qui marche, c’est la passion. Personne ne résiste à la passion !

La première fois que… j’ai eu le déclic pour ma carrière

J’ai découvert la rampe à l’âge de 15 ans. Pendant trois mois, je me suis entraîné comme un fou pour une compétition qui avait lieu à Versailles. Mais je n’avais pas confiance en moi. J’avais tellement le trac que j’ai raté les qualifications. Les dix meilleurs allaient en finale et je suis arrivé onzième. J’étais déprimé. Le lendemain, alors que j’assiste à la finale, un des compétiteurs se casse la jambe. Du coup, j’ai bénéficié du repêchage et je me suis retrouvé en finale. Je n’ai pas eu le temps de me mettre la pression, j’ai réussi l’enchaînement et j’ai terminé deuxième. Ça m’a fait comprendre que j’avais tort d’angoisser et qu’à partir du moment où je travaillais, j’étais capable de réussir.

La première fois que… j’ai eu une grosse galère dans ma carrière

Lorsque je me suis cassé la jambe, à 25 ans, j’ai été arrêté un an. Une année plus tard, j’ai réussi à revenir au top et mes sponsors m’avaient attendu. Mais quatre jours après, je me suis de nouveau blessé. Cette fois, c’était les ligaments croisés de l’autre jambe. Bref, retour à la case départ, je suis reparti pour un an d’arrêt… Les sponsors sont partis et je me suis retrouvé seul. Je suis resté démoralisé trois jours puis j’ai pris le taureau par les cornes. C’est là que j’ai eu l’idée de lancer ma gamme de papeterie.

La première fois que… j’ai été fier d’une réussite pro

2001 fut ma meilleure année. Cette saison-là, j’ai fait le « Grand Chelem », c’est-à-dire que j’ai remporté les sept compétitions majeures de la discipline. Je me rappelle qu’à la fin de cette année, lorsque j’ai gagné les X-Games, j’ai senti qu’une page s’était tournée. Je me suis souvenu que, gamin, mon rêve était de devenir champion du monde et le meilleur de ma discipline. Et en fait, j’avais bouclé la boucle. J’avais atteint mon rêve de gamin. C’est rare d’y arriver.

Élevé par des parents épicuriens, _Taïg Khris a eu une enfance très libre.

// © Photo fournie par le témoin_

CÔTÉ LOVE

La première fois que… j’ai embrassé quelqu’un

J’avais 11 ans et c’était dans les îles Saintes (en Guadeloupe). Nous étions en vacances avec ma famille et j’avais raccompagné à pied une fille que j’avais rencontrée. Je lui avais demandé si elle me laisserait l’embrasser et elle avait accepté.

La première fois que… je suis tombé amoureux

J’ai tellement voyagé que je n’ai rien eu de sérieux avant très longtemps. D’ailleurs, vers l’âge de 25 ans, je n’avais aucune copine. C’est rare d’être seul à 25 ans quand on voyage, qu’on fait des shows devant des milliers de personnes et que des filles te supplient de venir avec toi à ton hôtel. En fait, j’étais pris par ma carrière sportive et je n’avais pas la tête à ça. La première dont j’ai vraiment été amoureux c’est mon ex, Petra, une (mannequin) suédoise avec qui je suis resté trois ans (de 2009 à 2013). C’est arrivé assez tard, finalement.

CÔTÉ #JEDOISBIENLAVOUER…

La première fois que… j’ai fait un gros mensonge à mes parents

Ça ne m’est jamais arrivé. On a toujours été dans des situations où l’on racontait tout à nos parents. Maintenant que j’ai quarante ans, c’est vrai, je leur raconte moins de choses. En quelque sorte, je les protège davantage. Mais je ne leur ai jamais caché une grosse connerie. Dans notre éducation, on devait pouvoir échanger comme des adultes.

La première fois que… j’ai pris une grosse cuite

Depuis que j’ai dépassé 30 ans, je bois un peu plus. Mais pendant les premières années de ma vie d’adulte, seul mon sport comptait et je ne m’autorisais rien à côté. Je ne sortais jamais en boîte et je ne buvais pas non plus. Ça m’est juste arrivé une fois, en Grèce, à 17 ans. La deuxième fois, c’était à 25 ans, aux États-Unis, après avoir remporté les Gravity Games (qui n’existent plus). J’ai invité tous les compétiteurs à dîner et ils m’ont fait un peu boire. Après avoir gagné cette grosse compétition, je voulais partager ma joie avec mes concurrents. C’était un vrai moment de bonheur. Depuis, je rattrape mon retard !