Phobie scolaire : je ne veux pas aller au lycée

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Publié le 21/11/2013 par TRD_import_MariaPoblete , Mis à jour le 28/09/2023 par TRD_import_MariaPoblete
C’est plus fort que vous, vous ne parvenez plus à aller au collège ou au lycée. Maux de ventre à répétition, crise d’angoisse… la seule idée de franchir les portes de l’établissement vous rend malade. Peut-être souffrez-vous de phobie scolaire (appelée aussi refus scolaire anxieux), une maladie dont il faut s’occuper !

Au milieu de l’année de sa seconde, Géraldine (1), âgée aujourd’hui de 27 ans, souffrait de maux de ventre en allant au lycée. Rapidement, elle a eu des insomnies et n’a plus pu aller en classe. « Je n’acceptais pas le terme ‘phobie scolaire’. C’était une trop grosse étiquette à supporter ! Pour moi, c’était juste une période où je me sentais mal physiquement. » Les semaines, les mois passent sans qu’elle puisse mettre un pied dans son établissement.  » J’étais tétanisée et j’en tombais malade, poursuit-elle. Je n’en parlais pas à mes amis, et aujourd’hui, alors que je ne peux toujours pas retourner à l’école, j’évite le sujet. Je dis que je préfère étudier seule. Quelques amies très proches sont au courant, mais c’est tout. »

Après deux années d’études par correspondance, elle a obtenu un bac ES et suit son cursus universitaire à distance. « Ce n’est pas évident, surtout au niveau social, car je suis souvent seule. Mais ce n’est pas insupportable, j’ai même eu de bien meilleurs résultats en étudiant par correspondance. On me dit souvent que ce n’est pas donné à tout le monde, mais je pense que lorsqu’on n’a pas le choix, on s’adapte. J’aime me débrouiller seule, je suis autonome et je trouve que c’est une force. »

Des symptômes difficiles à expliquer

« Phobie scolaire » ? « Refus scolaire anxieux » ? Les termes pour définir cette angoisse profonde qui paralyse et éloigne du système des centaines d’élèves (et d’étudiants) n’entrent pas dans une classification précise des maux reconnus par l’Éducation nationale ou la psychiatrie. « Je préfère utiliser l’expression d’enfants ‘en mal d’école' », précise Marie-France Le Heuzey, psychiatre à l’hôpital Robert-Debré à Paris et qui anime une consultation spécialisée dans ces troubles. Ces enfants ne refusent pas d’aller à l’école, ils voudraient y arriver mais ne peuvent pas !  »

Des situations complexes englobent ces symptômes. Toutes les craintes sont possibles, parfois l’une d’elles, parfois toutes ensemble : peur(s) des évaluations, de rater, d’être racketté, d’être humilié en public, de traverser la rue, de prendre le bus, de se séparer des parents, d’être en contact avec les autres…  » Les origines sont aussi nombreuses que variées, poursuit la psychiatre. Cela peut être lié au jeune lui-même, s’il souffre d’anxiété ou de dépression par exemple, ce peut être dû à un lycée dont la pression serait trop forte, à des facteurs parentaux ou encore à une anxiété de séparation… »

Ce n’est jamais un caprice !

C’est cette angoisse de séparation que Victoire, 19 ans, élève en terminale L, a commencé à comprendre et à nommer après deux ans de thérapie. « Ma mère est malade depuis que j’ai 11 ans, l’âge d’entrée au collège, elle a fait une dépression et était régulièrement hospitalisée, raconte la jeune fille. J’ai résisté jusqu’en 4e en allant en cours, mais c’était d’une violence extrême, je ratais un jour sur deux, j’avais de l’eczéma sur tout le corps. Et en 3e, j’ai craqué, je ne suis plus allée en classe pendant deux ans. Il m’a fallu tout ce temps pour admettre que j’étais obnubilée par l’idée qu’elle ne soit plus jamais là le soir après l’école. »

Les situations ne sont pas toujours aussi simples à dénouer que l’histoire de Victoire. L’anxiété de séparation peut remonter à la petite enfance. « Ce sont souvent des adolescents qui, plus jeunes, n’ont pas réussi à se séparer de ce que nous appelons les figures d’attachement (parents, nounous…) et ont besoin d’être rassurés, explique Marie-France Le Heuzey. Ces éléments peuvent être réactivés des années plus tard. » Et puis, malgré l’anxiété, les adolescents veulent toujours garder la face… même si les attaques de panique sont spectaculaires : nausées, vomissements, pâleur, oppression du thorax. « Cela fait du bien d’entendre que ce n’est pas un caprice », souffle Géraldine, qui se souvient de s’être sentie « entourée » par ses parents. « Ils ont été super, dit-elle, je n’ai pas eu besoin de leur expliquer : ils m’ont tout de suite comprise. »

Des signes à surveiller

Les parents sont souvent les premiers à détecter les signes d’un rejet scolaire. Leur rôle est essentiel pour écouter, comprendre et parfois dénouer les problèmes. « C’était l’année dernière, en seconde. Je faisais semblant d’aller au bahut, j’attendais que ma mère soit partie au travail et je revenais à la maison ou j’allais me poser dans un parc, se souvient Angel, 17 ans. Personne n’a rien vu, je signais les mots d’absence. Cela a duré un mois. » Sa mère a fini par l’apprendre et c’est elle qui raconte la suite : « Il était harcelé par un groupe de garçons. Il y a eu un conseil de médiation qui a abouti à des exclusions temporaires des agresseurs. » Ce qui aurait pu se transformer en phobie scolaire a été stoppé net. Angel a repris le chemin du lycée. Une réaction rapide lui a évité une spirale d’isolement.

« Les enfants et les adolescents ont besoin des autres pour grandir, se construire, l’isolement social peut avoir des conséquences sur le développement, rappelle Nicolas Girardon, pédopsychiatre et chef de service à la Fondation santé des étudiants de France. C’est pour cette raison qu’il faut agir précocement. » Comment ? Lire dans la suite de notre dossier ce que vous pouvez faire en cas de phobie scolaire.

(1) Tous les prénoms ont été changés.

Le témoignage de Justine Touchard, 21 ans : « Parlez, exprimez-vous ! »

Justine est l’auteure avec sa mère, Anne-Marie Rocco, du « Jour où je n’ai pas pu aller au collège » (Flammarion).

« Ce que je conseillerais tout d’abord, c’est d’essayer d’en parler tout de suite à ses parents, ne pas attendre que la situation s’enlise, explose au lycée et avec les enseignants. Si on accumule trop de journées d’absence avant de commencer à le dire, ce sera plus difficile après. Ensuite, je crois qu’il ne faut pas en avoir honte. Cela peut arriver et arrive à des tas de personnes très bien ! Enfin, évidemment, et ce n’est pas le plus facile, il faut que les parents écoutent, vraiment, ce que vous avez sur le cœur. Pour être entendu réellement, ne dites pas juste : « Je ne veux plus aller au lycée. » Donnez des arguments, des faits précis, expliquez ce que vous ressentez. C’est sûr, ce sera difficile. Les adultes se méfient tellement des adolescents ! Malgré tout, on y arrive. Ne désespérez pas. Il y a toujours une issue. Regardez, moi, par exemple, après deux années sans aller au lycée, je suis en BTS [brevet de technicien supérieur] communication. »

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