Lycée : j’ai tout lâché, comment raccrocher ?

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Publié le 23/11/2015 par TRD_import_MariaPoblete ,
Mauvais resultats, ennui, mal-etre… Vous pensez que les etudes, ce n'est vraiment pas votre truc et vous etes sur le point d'abandonner ? Les conseils de ceux qui sont deja passes par la vous feront peut-etre changer d'avis…

« Au collège, je passais de classe en classe avec la moyenne et sans me faire remarquer. En seconde, j’ai commencé à avoir envie d’abandonner, parce que je me rendais compte – les professeurs aussi – que j’étais nulle un peu partout. J’ai fini par entrer dans ma bulle, et en décembre, j’ai arrêté. **Je ne faisais rien de mes journées, je restais chez moi devant la télé, j’avais honte de « ça » – « la déscolarisation » –, mais je n’arrivais pas à bouger, j’avais une grande colère au fond de moi. » Marina, 18 ans, raconte son parcours en pesant chaque mot.

Après six mois d’absence au lycée, elle s’est inscrite au lycée de la Solidarité internationale (une année pendant laquelle les élèves partent en mission et préparent un projet personnel), à Paris. Cette année de « retrouvailles avec l’école » lui a permis « de raccrocher les wagons, de reprendre la route des études » , dit-elle visiblement soulagée.

« Je ne connais pas de décrocheurs heureux. Certes, au début, ils ne sont pas mécontents de ne pas aller en classe, mais rapidement ils se posent des questions. Et une solution existe toujours, insiste Benoît Cornet, enseignant au Pôle innovant lycéen (lycée accueillant des jeunes déscolarisés, mais volontaires pour revenir à l’école) de Paris. Le décrochage scolaire n’est pas une maladie. Il est souvent lié à différents facteurs : problèmes personnels ou familiaux, incompréhension. Il suffit de chercher, de trouver ce qui ne va pas et d’accepter que chacun aille à son rythme. »

Rassurez-vous

« Pendant les deux premiers mois de la seconde, je me sentais mal, comme une espèce de sous-élève. Je voyais les autres qui semblaient comprendre, alors que moi je pataugeais. Après le premier conseil de classe, j’ai eu un avertissement de travail. J’ai craqué. J’étais en pleurs et je ne savais pas ce qui n’allait pas. J’étais une bonne élève en troisième. Me punir était injuste, intolérable », se souvient Louise, 18 ans, en licence première année langues étrangères appliquées à l’université Paris-Est Créteil (94).

« Le CPE a vu que j’étais mal. Il a convoqué mes parents, a organisé des réunions, et après quelques semaines, ça allait mieux. Un surveillant m’a aidée à récupérer le retard, le moral et les notes qui vont avec. Je pense qu’on peut tous y arriver, les lents, les têtes en l’air, les personnes qui ont des difficultés. »

Posez-vous les bonnes questions

Si Louise a vite retrouvé confiance en elle, cela peut prendre plus de temps, comme pour Julien, 23 ans actuellement, à l’ESPE (École supérieure du professorat et de l’éducation) à l’université Paris 1, qui a décroché en première. « Je ne donnais pas de sens à l’école, je m’ennuyais. Je sentais que les professeurs ne m’aimaient pas, alors je suis parti avant les bacs blancs et je suis revenu en mai, pour les épreuves – que j’ai ratées.

Je suis arrivé en terminale un peu plus tranquille. En fait, j’avais mûri. J’ai cherché à savoir pourquoi j’avais du mal avec l’autorité, celle de mes parents et celle de mes enseignants. J’ai vu un psy. Des problèmes personnels m’empêchaient de réussir. Maintenant, ça va ! C’est drôle, je vais devenir professeur et je veux aider les élèves… Il faut savoir pourquoi on est comme ça et qu’est-ce qui cloche. »

Même conseil donné par Alexandre, 20 ans, en première année de sociologie à l’université Lyon 2 : « J’ai repris après des périodes d’absentéisme au lycée – je ne comprenais pas mon rôle, comme si cela ne me concernait pas. La seconde terminale a été efficace. J’ai réfléchi, j’ai trouvé un sens et une méthode. Jusqu’alors, j’avais suivi toute ma scolarité sans savoir ce qui était le mieux pour moi. Je ne savais ni mémoriser ni travailler. »

Son image de lui-même a également profondément changé. « Je me croyais ‘naze’ à force de n’entendre que des trucs négatifs sur moi. »

Croyez en vous… et en votre entourage

Lorine, 20 ans, en L1 en psychologie à l’université de Mulhouse (68), n’a jamais baissé les bras tout à fait… même si elle a souvent été tentée ! C’est au collège, en cinquième, qu’elle a commencé à décrocher. « J’étais nulle. J’ai vécu des humiliations en cours, les professeurs ne corrigeaient pas mes copies et disaient à mes parents que j’avais des problèmes. »

En seconde, elle décide d’arrêter. Elle a 16 ans. « J’ai abandonné avant la fin du premier trimestre et travaillé dans une boutique pendant deux mois, puis je me suis réinscrite au lycée, je voulais mon bac ! » Sa scolarité en dents de scie ne l’a jamais empêchée d’aller de l’avant, parce qu’elle a toujours été soutenue : parents, sœurs, parrains, enseignants. « C’était dur, et je me décourageais parfois, mais il y a toujours eu quelqu’un pour me remonter le moral. »

« Ce qui relance les jeunes sur leur trajectoire, c’est le regard bienveillant que les adultes portent sur eux, précise la psychologue Jeanne Siaud-Facchin. Quand cela ne va pas en cours et que les enfants se sentent décrocher, il faut parler de ce qui va bien, de ce qui fonctionne, des points positifs. »

Trouvez votre coach

C’est ce regard encourageant posé sur lui qui a remis Mathieu en L1 de droit à Nîmes, en selle. Il était prêt à abandonner à la fin du premier trimestre de terminale STL.

« J’allais peu au lycée, j’avais plein de problèmes, ma mère ne savait pas quoi faire. Je me disais ‘à quoi bon venir en cours si personne ne s’inquiète pour moi ? Autant rester à la maison !’ C’est le CPE du lycée qui m’a appelé. J’ai accepté de discuter avec lui et il est allé parler aux professeurs. J’étais content que quelqu’un de l’administration s’occupe de moi, qu’on me comprenne. Il me réconfortait, me disait que c’était une question de mois, que l’année était bientôt finie, que ce serait du gaspillage d’arrêter. La professeure d’anglais a été aussi super, elle m’envoyait des mails, et je me suis senti entouré, compris et pas lâché par le système scolaire.”

Mathieu a raccroché. « Même si ça a été dur parce que j’avais des cours en retard, et j’ai dû travailler plus. » Il a eu son bac avec mention. Laïziz Hadjad est CPE du Lycée Albert-Camus de Nîmes. C’est lui qui a rappelé l’adolescent. « Sanctionner n’aurait servi à rien. Il faut écouter et entendre ce que ces jeunes ont à dire, il y a toujours une explication. »

Ayez le mental d’un sportif

Le CPE se transforme alors en coach sportif. « Je leur dis qu’ils sont en compétition, non pas avec les autres mais avec eux-mêmes. Et dans tout sport, il y a des chutes, des défaites, et il faut se relever, se préparer et recommencer, y retourner, insister ! Ce n’est pas facile, les ados d’aujourd’hui subissent la pression de la société, du système. C’est compliqué pour eux mais pas impossible. »

Lucas, 17 ans, en terminale L au lycée Turgot, à Paris, applique les règles des arts martiaux : « Depuis le collège, j’ai du mal. J’ai souvent baissé les bras. Cette année, j’ai été embarqué par un copain au karaté. Petit à petit, j’essaie d’être régulier et de ne pas brûler les étapes. Finalement, tout arrive et tout est possible à condition de ne pas s’énerver. Maintenant je suis constant, calme et, quand je me sens démotivé, je visualise mes réussites futures. »

Restez en contact

Adrien, 21 ans, en L1 sciences humaines et sociales à l’université de Marne-la-Vallée (77), a été absentéiste en première. Il a raccroché au bout de quelques mois grâce, dit-il, aux contacts maintenus au sein de l’établissement. « J’allais au lycée mais pas en cours. Je me suis toujours forcé à ne pas rester chez moi. Je discutais avec les surveillants, je croisais des amis, je me sentais quand même lycéen, c’est important. Et j’ai fini par y retourner vraiment. »

Même discours chez Marguerite, 16 ans, en première ES au lycée Sophie Germain, à Paris : « Il faut garder un peu de motivation, une légère envie, une ou deux matières qu’on aime bien, des petits trucs agréables auxquels s’accrocher. » Malgré des périodes « compliquées », la jeune fille continuait de se rendre près du lycée où elle entendait « parler de l’ambiance des cours, des anecdotes ». Un jour, au café, elle rencontre son professeur de lettres qui lui propose de l’aide. « Je voulais y retourner, dit-elle, mais je n’osais pas. Elle m’a convaincue. »

L’avis de Jeanne Siaud-Facchin, psychologue clinicienne, auteure de « Mais qu’est-ce qui l’empêche de réussir ? » (Éditions Odile Jacob)

« Sachez qu’ il n’y a pas d’adolescent paresseux. Quand on vous dit que vous n’êtes pas motivé(e), c’est comme vous coller une étiquette et vous imposer une identité. Or, cela ne veut pas dire que vous êtes démotivé(e) partout et dans toutes les matières.

Si vous n’avez plus envie d’être au lycée, demandez-vous pourquoi. Tout le monde a envie de réussir.

Ensuite, il me semble indispensable de vous aider, de ne pas vous condamner. Vos parents et votre entourage ne doivent pas en faire un sujet de conversation, mais plutôt trouver et pointer ce que vous faites de bien, vous exprimer leur fierté. Alors la spirale s’inverse et devient vertueuse. »