Enquête

Après les attentats du 13 novembre, les métiers du maintien de l'ordre plébiscités

Par Catherine de Coppet, publié le 10 novembre 2016
Durée de lecture : 
1 min

Les attentats du 13 novembre ont provoqué un afflux de candidats vers les métiers de la police et de la gendarmerie. Zoom sur les recrutements encore en cours.

Policier (-ère) : un concours supplémentaire

Les chiffres parlent d'eux-mêmes concernant le métier de policier. Après les attentats du 13 novembre 2015, c'est le président de la République en personne qui avait annoncé une augmentation du nombre de postes au concours de gardien de la paix, premier niveau pour devenir fonctionnaire de police. "En 2016, ce sont 5.000 postes de gardiens de la paix qui ont été ouverts", rappelle la commissaire Camille Chaize, du service d'information et de communication de la Police nationale, "si on ajoute les postes de plus haut niveau, et les postes à durée déterminée, on dépasse les 10.000 recrutements."

Un concours exceptionnel de gardien de la paix a dû être organisé en mars 2016 pour honorer le volume de recrutement annoncé. Quelque 36.000 jeunes s'y sont inscrits ! "Chaque année, au concours classique, nous enregistrons 20.000 inscriptions. Nous avons été surpris par cet afflux", avoue la commissaire, qui souligne que la moyenne d'âge des inscrits se situe autour de 23 ans. "Un âge habituel", commente-t-elle. 3.000 jeunes ont intégré une école de gardiens de la paix à l'issue du concours de mars 2016, 2.000 après le concours classique qui s'est tenu en septembre dernier.

Un effet de masse qui s'est également traduit dans le recrutement des adjoints de sécurité (ADS). Ces postes à durée déterminée (3 ans, renouvelable une fois) sont ouverts aux jeunes de 18 à 30 ans, sans niveau de diplôme minimum, pour des missions d'assistance à différentes directions : police aux frontières, sécurité publique, CRS, etc. L'objectif pour 2016 est de recruter 5.000 ADS, contre près de 3.200 recrutés en 2015 !

"Beaucoup d'ADS se sont tournés vers le concours de gardien de la paix, commente Camille Chaize. Pour atteindre ces volumes de recrutement, la formation a d'ailleurs été ramenée à 6 mois au lieu de 11 pour les anciens ADS."

À côté des chiffres, les motivations des nouvelles recrues poussent également à penser que les attentats du 13 novembre, mais aussi ceux de juillet 2016, ont eu un impact sur l'envie d'entrer dans la police. "Les recruteurs qui ont fait passer les oraux du concours expliquent que les jeunes emploient de nouveaux mots et expressions, comme 'défendre les valeurs de la République' et 'l'envie de servir son pays'", précise Camille Chaize, "ils évoquent également beaucoup le désir d'intégrer les métiers de l'intervention, comme la BAC ou le RAID. Nous pensons que les jeunes, qui ont été spectateurs des attentats, ont envie de devenir acteurs face à la menace."

À noter, l'évolution de la formation des gardiens de la paix suite aux attentats. "La doctrine d'intervention sur les tueurs de masse, réservée habituellement aux unités spécialisées, concerne désormais la formation de ce qu'on appelle les premiers intervenants, les gardiens de la paix qui sont les premiers à intervenir sur le terrain", explique la commissaire.

En 2017, le volume de recrutement devrait se maintenir, puisque quelques 4.600 postes de gardien de la paix sont ouverts.

Gendarme : un nombre record de candidats

Même intérêt croissant chez les jeunes pour les métiers de la gendarmerie, puisque près de 25.000 candidats se sont inscrits au concours de sous-officier de mars dernier, accessibles aux 18 – 35 ans. "C'est une volumétrie jamais atteinte, d'habitude ça tourne autour de 17.000", explique le commandant Morgane Mahieux, chef de la section des études au Bureau des concours, du recrutement et des examens de la Gendarmerie nationale.
Sur la seule semaine qui a suivi les attentats du 13 novembre, 4.500 personnes se sont inscrites au concours ! "Il y a un concours en mars et un en septembre", poursuit le commandant, "face aux nombreux appels juste après le 13 novembre, nous avons prolongé la période d'inscription de presque un mois."

Un engouement qui a coïncidé, là encore, avec les annonces gouvernementales. "En tout, près de 7.100 postes de sous-officier ont été ouverts en 2016, contre 2.000 à 3.500 les années précédentes", explique Morgane Mahieux, "les annonces du gouvernement se sont ajoutées aux nombreux départs à la retraite prévus cette année." 

Entre 2.500 et 3.500 postes devraient être ouverts en 2017

Après un an de formation, les sous-officiers intègrent les unités de gendarmerie mobile, ou les brigades territoriales. La Gendarmerie a même instauré un parcours hybride de formation, associant enseignement à distance et présentiel en école afin de renforcer la qualité des enseignements dispensés.

Quant aux postes accessibles hors concours, ils ont eux aussi été plébiscités. "Nous avons eu près de 23.000 candidatures pour être gendarme adjoint volontaire", souligne le commandant, "nous en aurons recrutés en 2016 presque 7.000, contre 4.800 en 2015." Les gendarmes adjoints volontaires, ou GAV, servent dans les brigades territoriales, moyennant des contrats de deux ans, renouvelables, accessibles jusqu'à 26 ans. Certains travaillent comme opérationnels, d'autres sur des missions supports.
"Beaucoup de GAV ont passé le concours de sous-officier, les brigades sur le terrain ont donc eu de forts besoins à ce niveau-là", commente Morgane Mahieux. En outre, la durée de la formation des GAV est passée de 13 à 9 semaines cette année, pour répondre aux objectifs de recrutement.

Quid de la parole des jeunes recrutés ? "Que ce soit dans les entretiens pour devenir GAV, ou sur les salons où la gendarmerie est présente, beaucoup de jeunes intéressés par nos métiers font référence à l'attentat contre Charlie Hebdo, au Bataclan aussi. Chez les candidats au concours d'officier, on a plus facilement entendu l'envie de défendre le drapeau."

Et les réservistes ?

L'engouement pour les métiers du maintien de l'ordre s'est ressenti également dans l'afflux de candidats vers les réserves des différents corps, qui, ensemble, constituent la garde nationale créée après les attentats du 13 novembre 2015. Des missions sous contrats, rémunérées à la mission, ouverts à tous les citoyens selon des critères d'âge.

Dans la police, l'objectif est d'atteindre 4.000 réservistes en 2018, la réserve civile étant constituée de 3.000 personnes actuellement. Leur rôle ? Épauler les policiers, en commissariat ou sur le terrain, en fonction du niveau de compétences. "L'idée est de recruter, en plus des policiers retraités qui forment la majorité des troupes, des anciens ADS et des citoyens", souligne la commissaire Chaize. Les demandes d'anciens ADS ont de fait augmenté après les attentats.

La gendarmerie a vu également ses effectifs de réservistes augmenter. "Nous sommes passés de 26.000 environ en 2015 à 28.500 en 2016", explique le lieutenant-colonel Frédéric Bastide, du commandement de la réserve de la gendarmerie nationale. Ici, c'est l'attentat du 14 juillet dernier à Nice qui a provoqué un afflux de candidats. "Nous avons dû organiser trois sessions de formations supplémentaires sur le mois d'août", souligne le lieutenant-colonel, "2.329 personnes ont été recrutées, dont 500 uniquement en août." Pour faire face à l'augmentation des candidats de plus de 30 ans, la limite d'âge a été reculée à 40 ans. "Nous avons vu de nouveaux profils, plutôt des pères de famille, motivés pour s'engager." La formation des réservistes a quant à elle été allongée, passant de 12 à 24 jours. "Compte-tenu de la nature des interventions que sont amenées à effectuer les réservistes avec la multiplication du terrorisme, c'était nécessaire", conclut Frédéric Bastide.