Santé : vers un DU d’homéopathie plus critique ?

Martin Rhodes Publié le
Santé : vers un DU d’homéopathie plus critique ?
Sur fond de débat de santé public sur les effets réels de l'homéopathie, des universités remettent leurs formations sur la médecine douce en question. // ©  ©Richard DAMORET/REA
Emboîtant le pas à la faculté de médecine de Lille, l’UFR de santé d’Angers a annoncé la suppression définitive de son DU d’homéopathie. Alors que la Haute autorité de santé évalue actuellement l'efficacité de cette médecine douce, d’autres universités pourraient décider de fermer ou de repenser le contenu de leur formation.

Le 31 août 2018, la faculté de médecine de Lille a annoncé, sur Twitter, la suspension de son DU (diplôme universitaire) d’homéopathie pour l’année universitaire 2018-2019, "dans l’attente de la position de la HAS [Haute autorité de santé]". Saisie par la ministre de la Santé pour évaluer l'efficacité de la médecine douce, ainsi que le bien-fondé de son remboursement par l'Assurance maladie, la HAS doit rendre son verdict d'ici au mois de février 2019.

Le 6 septembre 2018, c'est au tour de l'UFR (unité de formation et de recherche) de santé d'Angers de faire savoir, elle aussi sur Twitter, la fermeture définitive de son DU d'homéopathie. Cette formation d'une durée d'un an, au prix de 1.500 € hors frais universitaires, était essentiellement suivie par des médecins en exercice en formation continue.

La décision de fermeture a été prise "après une année de réflexion" par le doyen de l’UFR, ainsi que par les directeurs des départements de médecine et de pharmacie. Faute de publicité de la part de l'université, le DU d’homéopathie angevin, qui a ouvert ses portes en 2006, n'accueillait plus d'étudiants depuis un an.

"Nous ne voulons plus cautionner"

Les raisons de ce clap de fin sont déontologiques et liées à l'actuel débat de santé public sur l'homéopathie, relancé par une tribune publiée en mars dans "Le Figaro" par un collectif de médecins. "Les effets de l'homéopathie étant pour le moment très incertains, nous ne voulons plus que notre diplôme justifie ou cautionne cette pratique sur le plan universitaire", argumente Nicolas Lerolle, le doyen de la faculté de santé d'Angers.

À Angers, un groupe de travail rassemblant notamment des médecins, des pharmaciens, des sages-femmes et des philosophes se penche sur une formation de remplacement, dont l'ouverture est prévue pour septembre 2019.

"Nous souhaitons passer d’un DU militant, qui promeut l’homéopathie, à un cursus plus critique, portant sur la médecine non conventionnelle de manière globale, confie Nicolas Lerolle. Il est important de ne pas mépriser la demande des patients et de ne pas laisser les praticiens désarmés devant elle." La nouvelle formation fera mention des différentes études scientifiques, des effets et des limites prouvés, ainsi que des interrogations propres aux pratiques alternatives.

Un probable référentiel de formation

Dans un communiqué de presse publié le jour même de l'annonce de l'UFR de santé d'Angers, la CPU (Conférence des présidents d'université) et la Conférence des doyens de médecine et de pharmacie ont fait savoir qu'elles planchaient sur "la mise en place d'un observatoire universitaire des médecines alternatives et intégratives", dont l'une des missions consistera à répertorier les programmes, les objectifs et les publics concernés par les différents DU d'homéopathie. À l’heure actuelle, entre 15 et 20 facultés de pharmacie et de médecine dispensent un enseignement en homéopathie.

"Cet observatoire pourrait aboutir à un référentiel de formation", confie Bernard Muller. Pour le président de la Conférence des doyens de pharmacie, l’enseignement universitaire de l’homéopathie implique nécessairement un regard critique.

"L'homéopathie n'est pas sans risque, puisqu'elle peut retarder une thérapie plus lourde et plus appropriée. Pour le moment, je ne saurais dire si les formations existantes sont suffisamment prudentes [ce sera le rôle de l’observatoire], mais je plaide pour un cursus qui fasse aussi bien mention des bénéfices et des limites, que des arguments pour et contre", propose Bernard Muller. Des réflexions qui pourraient également concerner la formation initiale des pharmaciens qui – contrairement à celle des médecins – comporte plusieurs heures de cours dédiées à l’homéopathie.

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