10 points clefs pour réussir son MOOC

Caroline Franc Publié le
10 points clefs pour réussir son MOOC
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Ils fleurissent jour après jour depuis quelques mois, portés notamment par la plate-forme FUN (France université numérique). Les "massive open online courses", autrement dit, MOOC, ont mis un peu de temps à s'implanter en France, mais les initiatives réussies de certains établissements d'enseignement supérieur prouvent qu'il ne faut pas nécessairement s'appeler Harvard pour innover pédagogiquement. Néanmoins, si tout le monde désormais veut se targuer d'avoir son MOOC, nombreux sont encore ceux qui n'ont pas perçu tous les enjeux, pensant parfois à tort que ce nouveau mode d'enseignement n'est ni plus ni moins qu'un cours filmé bien élaboré. Explications et conseils d'experts.

1. Avoir un très bon cours de départ

Premier conseil, pouvant sembler évident, "il faut avant tout avoir un très bon cours comme point de départ", avance Rémi Bachelet, maître de conférence à Centrale Lille, créateur du MOOC "Gestion de projet".

2. Prendre en compte le facteur temps

"Il faut se rendre très disponible, beaucoup plus que ce qu'on peut imaginer au démarrage du projet", prévient Christine Vaufrey, consultante et co-créatrice de plusieurs MOOC, pour le compte notamment de Télécom Bretagne et Centrale Nantes. Même lorsqu'on a la chance de posséder un contenu qui semble 'prêt à l'emploi', l'ampleur de la tâche est considérable", insiste-t-elle.

 "La quantité de travail est l'une des principales difficultés que j'ai pu rencontrer", confirme Rémi Bachelet.

3. Ne pas confondre cours filmé et Mooc

C'est la grosse erreur à ne pas commettre, s'accordent à dire nos trois experts. "Lorsque vous assistez à un cours filmé, vous êtes passif. Vous ne faites pas partie du cours. Cela peut être intéressant pour découvrir un nouveau sujet, mais on n'approfondit pas vraiment et bien sûr, on ne peut pas poser de question", explique Philippe Silberzahn, professeur à l'EM Lyon et à l'origine d'un MOOC sur l'entrepreneuriat.

"Un cours filmé est une ressource alors qu'un MOOC est un parcours de formation, ajoute Christine Vaufrey. Or, qui dit parcours dit contenu bien sûr, mais aussi activités d'apprentissage et d'évaluation, interaction avec les autres apprenants et l'enseignant ou des tuteurs / facilitateurs".

Ce qui n'empêche pas d'utiliser des cours filmés comme ressources dans un MOOC. Cependant, souligne Christine Vaufrey, "je dirais qu'une fois les cours en boîte, il reste 75 % du travail de conception à faire". "Filmer un cours ne fait pas un MOOC", résume Rémi Bachelet : a minima, il faut y ajouter des cours particuliers sous forme de plusieurs séquences de 10 minutes".

Un cours filmé est une ressource alors qu'un MOOC est un parcours de formation (C. Vaufrey)

4. Ne pas avoir peur de s'exposer aux critiques

Attention, enseignants susceptibles ou réfractaires à la critique, passez votre chemin. "Vous vous retrouvez face à des milliers de personnes très exigeantes (même si elles ne paient pas). Il faut donc se faire à l'idée qu'elles auront des choses à reprocher à votre MOOC", prévient Philippe Silberzahn.

5. Bien s'équiper techniquement

"Il ne faut surtout pas sous-estimer la dimension technique, qui doit être fiable, et ne pas penser que ce sera simple et rapide", insiste Christine Vaufrey, soulignant qu'il faut aussi faire en sorte que les possibilités techniques de la plate-forme choisie coïncident avec les ambitions pédagogiques du créateur du MOOC, "et inversement" !

6. Interagir avec les participants

Raisonner en termes d'interactivité plus que de contenus : tel est l'un des secrets de la réussite d'un MOOC. "C'est à ce niveau que va se jouer la créativité, que va s'exprimer son talent de pédagogue", souligne Christine Vaufrey.

Cette interaction implique également qu'un soin particulier soit apporté à la forme et à la façon dont l'enseignant dispense son cours. Philippe Silberzahn recommande "de bien garder à l'esprit qu'on ne parle pas à une caméra comme à une classe. En particulier, celle-ci ne permet pas de savoir en temps réel si le message passe, contrairement à une classe que l'on peut 'sentir' en face-à-face", précise-t-il. D'où la nécessité de bien articuler et de ne pas surcharger le contenu du cours.

L'un des principaux enjeux du MOOC, ajoute Christine Vaufrey, est de parvenir à "engager les apprenants sur la durée. Il ne faut pas faire comme si c'était évident et tâcher de ne laisser personne en arrière". Avec un bénéfice côté enseignant : "la majeure partie de l'apprentissage et du plaisir de l'expérience vient de l'interaction sur les forums", relève Philippe Silberzahn.

7. Ne pas hésiter à expérimenter

L'un des risques lorsque l'on se lance dans cette entreprise pharaonique qu'est la conception d'un MOOC est de se laisser submerger par des craintes non fondées. Philippe Silberzahn se souvient avoir redouté que la correction des copies par les pairs soit un échec : "c'était le début des MOOC, donc nous n'avions aucune idée de l'impact de beaucoup des choses que nous pensions faire. Or, en ce qui concerne la correction des copies, cela a très bien marché !". Mieux vaut donc ne pas avoir peur de prendre des risques : "c'est un domaine en émergence, les bonnes pratiques restent encore à établir", remarque l'enseignant.

C'est un domaine en émergence, les bonnes pratiques restent encore à établir (P. Silberzahn)

8. Ne pas y aller seul !

"Il faut se constituer une équipe !, martèle Christine Vaufrey. Non seulement pour se distribuer les tâches, mais aussi et surtout pour réfléchir ensemble, trouver de nouvelles astuces, se relayer aux postes clés, se soutenir mutuellement quand on a l'impression que ça patine". D'où les avantages mais aussi les contraintes du travail en équipe : "il faut être prêt à apprendre, à changer de posture, et donc à abandonner une partie de ses prérogatives", prévient-elle également.

Philippe Silberzahn souligne lui aussi l'importance du soutien "d'une bonne équipe pédagogique, animée d'une passion pour cette nouvelle forme d'enseignement".

9. Bénéficier d'une certaine autonomie

Pour Christine Vaufrey, il est indispensable d'obtenir de la part de la gouvernance de son établissement une liberté de manœuvre et de bienveillance, comme dans tout projet innovant. "Nous sommes dans un format de cours en ligne complètement évolutif et il faut s'emparer de cette dimension, en oubliant le cahier des charges rigide, la gestion de projet classique". Par conséquent, déclare-t-elle, "quand on conçoit et anime un MOOC, on a besoin d'un chef compréhensif qui nous accorde une large autonomie et nous fait confiance. Qui ne nous 'cassera' pas à la première difficulté".

10. S'imprégner de la culture MOOC avant de se lancer

Pour ne pas tomber dans le piège du cours magistral et bien animer sa communauté, Rémi Bachelet insiste sur l'intérêt de posséder une bonne culture Internet mais aussi de "suivre en amont un MOOC pour comprendre quel est cet objet pédagogique particulier". Car vous l'aurez compris, devenir un bon MOOCer ne s'improvise pas.

 

"Monter un MOOC de A à Z" ou le "MOOC MOOC"
Un MOOC pour apprendre à concevoir un MOOC ? Logique. C'est en tout cas l'ambition portée par Matthieu Cisel (ENS Cachan), Jean-Marie Gilliot (Télécom Bretagne), Rémi Bachelet (Centrale Lille), Rémi Sharrock (Télécom ParisTech), Audrey Ego (Lille 2).
Construit autour des questions de propriété intellectuelle, de gestion de projet et d'ingénierie pédagogique, ce cours, disponible sur la plate-forme FUN (France université numérique) se veut avant tout pratique.
Les séances auront lieu du 11 mai au 29 juin 2014. Inscriptions et informations complémentaires sur le site du MOOC.

 

Caroline Franc | Publié le