Exclusif. Antoine Tesnière : "La Paces laisse place à une orientation progressive sur trois ans"

Martin Rhodes Publié le
Exclusif. Antoine Tesnière : "La Paces laisse place à une orientation progressive sur trois ans"
Le concours en fin de Paces devrait être remplacé par "une orientation progressive entre la première et la troisième année de formation", selon Antoine Tesnière. // ©  Virginie Bertereau
Missionné par les ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur, le professeur Antoine Tesnière dévoile les principales pistes et mesures du volet formation de la "Stratégie de transformation du système de santé".

Le dernier arrêté sur le numerus clausus portera sur l'année 2019-2020. Pourquoi le supprimer ?

Aujourd'hui, le numerus clausus n'a plus de sens, il n'est plus pertinent. Premier constat : il restreint l'entrée aux études de santé aux étudiants français, alors que les ECN (épreuves classantes nationales) sont ouvertes à l'ensemble des candidats européens. Le système actuel est fermé à l'entrée et ouvert à la sortie.

Antoine Tesnière est chargé de la partie formation de la réforme du système de santé.
Antoine Tesnière est chargé de la partie formation de la réforme du système de santé. © Photo fournie par le témoin

Par ailleurs, l'augmentation du numerus clausus [+ 86 % en médecine entre 2000-2001 et 2015-2016] a des effets retardés à dix ou quinze ans, c'est-à-dire le temps nécessaire pour former les médecins. En d'autres termes, nous payons aujourd'hui la régulation très restreinte fixée il y a dix ou quinze ans. Enfin, le numerus clausus et le concours Paces opèrent une sélection beaucoup trop homogène, injustice et stressante.

Vous préconisez donc d'ouvrir grand les vannes ?

Il faut supprimer le numerus clausus, sans pour autant déréguler complètement le nombre de professionnels de santé formés. Le gouvernement souhaite notamment prendre en compte les besoins réels des différents territoires, ainsi que les capacités d'accueil de chaque faculté de santé. Une concertation est toujours en cours avec les syndicats étudiants, les doyens et le monde hospitalier.

Le concours de première année n'a donc plus de raison d'être...

En effet, la Paces [première année commune aux études de santé] est elle aussi supprimée. Rien n'est encore acté, mais il y a de fortes chances pour que ce concours soit remplacé par une orientation progressive entre la première et la troisième année de formation. Le premier cycle serait donc commun aux quatre filières de santé [médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique], et suffisamment ouvert pour éviter le découragement et la perte de temps [seul un bachelier sur trois réussit à passer en deuxième année après une ou deux tentatives à un concours].

Le premier cycle serait donc commun aux quatre filières de santé, et suffisamment ouvert pour éviter le découragement et la perte de temps.

Par conséquent, le programme pédagogique du premier cycle évoluera, afin, notamment, d'intégrer l'évaluation des compétences humaines et relationnelles, aujourd'hui absente. Sur le modèle des autres cursus universitaires, des partiels seront mis en place.

Qu'entendez vous par "premier cycle ouvert" ?

Des passerelles entrantes et sortantes seraient déployées à différents moments du premier cycle, vers et en provenance des métiers médicaux et paramédicaux, mais aussi vers des cursus universitaires, comme l'ingénierie biologique ou l'intelligence artificielle. Ces pistes d'évolution, proposées par la faculté en fonction, entre autres, de critères académiques, auraient pour but qu'aucun étudiant ne se retrouve bloqué et démoralisé. L'ensemble de ces réflexions se base sur l'enseignement des dispositifs alternatifs au concours Paces [AlterPaces, par exemple], ayant montré leur efficacité pour diversifier le profil des futurs professionnels de santé.

J'ajouterais que l'entrée en première année se fera toujours via la plate-forme Parcoursup et que les attendus resteront strictement les mêmes. Tous les bacheliers pourront donc continuer à postuler.

Qu'advient-il des quotas, équivalent des numerus clausus, pour les professions paramédicales (infirmier, masseur-kinésithérapeute, orthophoniste, psychomotricien, orthoptiste et audioprothésiste) ?

Les quotas paramédicaux disparaissent pour laisser place à un premier cycle en trois ans et une orientation à la fois active et progressive. Ce premier cycle paramédical pourrait être construit sur le modèle du premier cycle médiclal, et, pourquoi pas, être commun à celui-ci. Sur ce point, des discussions sont toujours en cours.

Martin Rhodes | Publié le