APB : micmac autour des étudiants en réorientation

Aurore Abdoul-Maninroudine Publié le
APB : micmac autour des étudiants en réorientation
Les universités pourront cette année encore choisir de passer ou non par APB pour gérer la réorientation interne de leurs étudiants. // ©  Bruno LEVY/CHALLENGES-REA
Deux décisions prises ces derniers jours par le ministère modifient les règles du jeu pour les étudiants souhaitant se réorienter en licence. Désormais, sur APB, ils seront traités sur un pied d'égalité avec les néobacheliers. Un changement qui suscite l'inquiétude des présidents d’université.

Nous n'avons désormais plus aucune marge de manœuvre pour augmenter nos capacités d'accueil !" C'est le cri de protestation, lancé par cinq présidents d'universités parisiennes (Paris 3, Paris 4, Paris 5, UPMC et Paris 7) dans une lettre adressée le 27 janvier 2017 à la Dgesip et au recteur de Paris.

Ils réagissent à une missive, émanant cette fois-ci de la Dgesip. Mi-janvier, la Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle informait les universités que les étudiants en réorientation vers un autre établissement seraient désormais traités comme les néobacheliers. Une décision qui a provoqué l'inquiétude dans les établissements dont certaines licences sont déjà sous tension.

"L'addition des réorientés et des néobacheliers va faire exploser le système à Paris [...]. Certains d'entre nous sont bien décidés à fermer les inscriptions lorsque leurs capacités d'accueil seront saturées", mettent en garde les cinq présidents parisiens.

"la Dgesip doit renoncer à cette mesure"

Si les bac+1 venant d'une autre licence ou de filières sélectives viennent grossir les rangs des candidats prioritaires - ceux de l'académie ayant classé la licence en vœu 1 -, le nombre de licences ayant recours au tirage au sort risque d'augmenter. Un nombre que le ministère s'enorgueillit d'avoir fait tomber de 189 en 2015 à 76 en 2016.

Les cinq présidents parisiens demandent par conséquent à la Dgesip de "renoncer à la mise en œuvre" de la mesure concernant les étudiants en réorientation externe, rappelant qu'elle "semble avoir été prise sans concertation avec les universités".

"Nous avons découvert le 19 janvier après-midi que le ministère avait modifié le paramétrage de nos formations dans APB, sans nous en informer !" confirme Cécile Lecomte, présidente de la Courroie, l'association regroupant l'ensemble des responsables universitaires de l'orientation et de l'insertion professionnelle des étudiants, et directrice du SOIE (service orientation insertion entreprise) de l'université Rennes 1.

Surtout, les présidents dénoncent le climat d'incertitude entraîné par cette décision : "Changer la règle au milieu du gué nous semble non seulement discutable en termes de transparence et d'équité, mais a, de plus, ruiné le travail des personnels."

Changer la règle au milieu du gué nous semble non seulement discutable en termes de transparence et d'équité, mais a, de plus, ruiné le travail des personnels.

30.000 candidats concernés selon des projections

Le secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, Thierry Mandon, affirme pourtant vouloir mettre fin au système du tirage au sort et rétorque aux présidents inquiets qu'"[il] ne doute pas que les 100 millions d'euros supplémentaires affectés aux universités pour l'accompagnement des hausses d'effectifs seront utilisés à cet effet". Il compte donc sur une augmentation des capacités d'accueil des universités pour accueillir ces nouveaux flux.

Des flux qui n'inquiètent pas le ministère, ce dernier précisant que le nombre d'étudiants souhaitant se réorienter en licence est "marginal". Or, dans l'académie de Versailles, l'une des plus grosses du pays, ces réorientations en licence ont représenté en 2016 un peu plus de 20 % du total des réorientations. Si l'on projette ce résultat au niveau national, cela représenterait tout de même 30.000 candidats. Et si la majorité des étudiants ont vu leur demande aboutir, quelques milliers n'ont pas pu être réorientés dans la licence de leur choix.

le casse-tête des réorientations internes...

L'autre décision prise par les services ministériels concerne les étudiants en réorientation au sein d'un même établissement. Fin janvier, la Dgesip informe les universités que, pour la première fois, toutes les réorientations internes seront sorties d'Admission postbac pour être traitées directement par les établissements.

"Cette décision ne nous satisfaisait pas, déplore François Germinet, président de l'université de Cergy-Pontoise et de la Commission formation de la CPU ; environ la moitié des universités passe actuellement par APB pour gérer ces réorientations, l'autre moitié gère ces étudiants via leurs services administratifs." Une gestion à la carte qui n'était d'ailleurs pas forcément connue des candidats.

Finalement, face à la grogne des présidents, la Dgesip a préféré faire marche arrière. Dans un courrier adressé aux responsables d'établissement le 6 février, elle laisse finalement le choix aux universités, du moins pour cette année, en ajoutant même une troisième option : les établissements pourront choisir de passer par APB pour certaines mentions seulement.

fin des places rÉservÉes pour les réorientés

Alors, retour à la case départ ? Pas tout à fait. Il existe une différence notable avec la situation antérieure : désormais, les étudiants en réorientation interne passant par APB seront, eux aussi, traités à égalité avec les néobacheliers alors qu'auparavant les universités leur réservaient un nombre de places.

Un système qui permettait aux établissements d'accompagner leurs étudiants en réorientation pour "construire un projet professionnel réfléchi", argumente Cécile Lecomte. Avant d'ajouter : "Ceux-là devraient être traités à part, être prioritaires et ne pas risquer un tirage au sort !"

Les universités ont jusqu'au 20 février pour se décider. En l'absence de réponse, le ministère considérera que les équipes traitent en interne toutes les réorientations.

Aurore Abdoul-Maninroudine | Publié le