Bacheliers sans fac : faut-il faire le procès d’APB ?

Natacha Lefauconnier Publié le
Bacheliers sans fac : faut-il faire le procès d’APB ?
L'Unef a ouvert en juillet 2015 la hotline "SOS inscriptions" pour venir en aide aux bacheliers sans proposition d’admission ou affectés dans une filière autre que celle souhaitée. // ©  Camille Stromboni
Des "milliers de bacheliers" n'ont pas trouvé de place dans l'enseignement supérieur : 7.000 en juillet, 900 en septembre et une centaine mi-septembre. Le site APB est-il coupable de les laisser sur le carreau ? Réponse à trois chefs d'accusation. 

#1 "Les bacheliers sans proposition d’admission sont de plus en plus nombreux"

FAUX. La proportion de bacheliers sans proposition (ayant fait au moins un vœu sur APB, que ce soit en procédure normale ou complémentaire) est stable depuis 2013. D’après les chiffres du ministère, il est d’environ 1,7% pour les filières générales du bac. En juillet, on recensait ainsi plus de 7.000 dossiers de bacheliers 2015 n'ayant pas eu leur vœu 1 dans leur académie. Un chiffre qui s'était réduit à 900 cas non résolus début septembre, et à une centaine à la clôture de la procédure complémentaire d'APB, le 15 septembre.

Si le phénomène a paru prendre plus d’ampleur cette année, c’est sans doute en partie en raison de la mobilisation de l’Unef. Le syndicat étudiant s’est emparé du problème des "sans-fac" dès la fin juillet, ouvrant pour la première fois une hotline “SOS inscriptions” pour aider les bacheliers à trouver une solution à leur problème d’affectation. Un appel largement relayé dans les médias et entendu par plus de 4.000 futurs étudiants sans proposition d’admission ou affectés dans une filière autre que celle souhaitée.

#2 “Le système d’affectation d’APB laisse de bons élèves sans établissement d’accueil”

FAUX. Des élèves avec de très bons dossiers se sont en effet retrouvés sans "plan" pour la rentrée. En imputer la responsabilité aux algorithmes d’APB, ce serait oublier les erreurs ou omissions des utilisateurs. Ainsi, certains futurs bacheliers, confiants dans leur dossier, ont-ils formulé des vœux uniquement dans des classes prépas très cotées, assaillies d’excellentes candidatures.

D’autres visaient des concours d’écoles qui recrutent hors APB (Sciences po, écoles de commerce, écoles d’art…). Manque d’information ? Oubli ? Quelle qu’en soit la raison, ils ne s’étaient pas inscrits en parallèle sur Admission-postbac pour s’assurer une porte de secours. Et lorsqu’ils se sont tournés vers la procédure complémentaire, une mauvaise surprise les attendait : rares sont les CPGE où il reste des places.

Certaines licences ne sont pas non plus sur la procédure complémentaire, ayant déjà fait le plein d’effectifs. Un phénomène particulièrement prégnant en Île-de-France et dans les filières les plus demandées : droit, psycho, staps et paces.

Pour les filières universitaires à capacité limitée (près de 30%, selon le rapport parlementaire sur les liens entre le lycée et l'enseignement supérieur, cité par l’Unef), les candidats reçoivent un message d’alerte lorsqu’ils font leurs vœux. APB les incite à faire au moins six choix de L1 "sans modalités particulières d’admission". Mais tous ne prêtent pas forcément attention à ces messages d’alerte, et ils sont "servis" après ceux ayant respecté la consigne.

#3 “La sélection sur APB n’est pas totalement transparente”

VRAI. Pour les écoles qui recrutent sur concours, nombre de places et statistiques sont clairement affichés sur les sites dédiés. Mais pour les licences ? Des efforts ont été faits pour la session 2015 : lorsqu’il sélectionne une formation, le candidat est informé du nombre de places offertes, mais aussi, pour les licences à capacité limitée, du nombre de candidats de l’année précédente et du nombre de vœux 1.

Un candidat attentif et informé peut ainsi rapidement se rendre compte qu’à moins de mettre cette licence en vœu 1, il n’a pratiquement aucune chance d’être pris… Encore faut-il être attentif et informé !

Cependant, certaines procédures de recrutement restent floues. Alors que la sélection en licence est illégale, certaines universités annoncent clairement regarder le dossier des candidats avant d’accepter leur candidature : c’est le cas pour la paces (par exemple à Paris, Tours, Bordeaux…), où il faut remplir CV et lettre de motivation avant de pouvoir confirmer sa candidature.

Des pratiques dénoncées par l’Unef
, qui a recensé dans son enquête de juillet 2015 pas moins de 334 filières de licence concernées dans 54 universités. Du côté des BTS, on tombe parfois sur des établissements privés figurant sur APB qui acceptent aussi des dossiers directement via leur service des admissions (ce qui est contraire à la charte d’Admission-postbac).

Autre difficulté : le cas des bacs + 1 qui souhaitent se réorienter après un échec dans une filière ou simplement une année de césure postbac. Or, nombreuses sont les formations qui accueillent prioritairement les bacheliers de l’année, ne réservant que quelques places aux bacs + 1… sans toutefois l’indiquer sur APB.

Enfin, reste à résoudre l’orientation des bacheliers professionnels : ils sont plus de 30.000 à exprimer un vœu de poursuite d’études supérieures sur APB chaque année, et près d’un quart ne reçoit aucune proposition.

Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Mandon ont annoncé, lors de la conférence de rentrée universitaire du 16 septembre 2015, “des améliorations du logiciel APB pour la rentrée 2016, afin d’aider les étudiants à s’orienter et les informer sur les chances de réussite par filière.” Ce qui laisse moins de trois mois pour agir, le site Admission-postbac ouvrant sa prochaine session début décembre pour la partie "information" sur les filières présentes sur le site.

Natacha Lefauconnier | Publié le