Bilan du quinquennat Sarkozy. Loi LRU : quels moyens pour l'autonomie des universités ?

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Présentée comme la réforme phare de Nicolas Sarkozy, la loi LRU sur l'autonomie des universités fait désormais partie du paysage de l'enseignement supérieur. Si plusieurs voix s'élèvent pour demander des modifications, un certain consensus prévaut en sa faveur. Le point d'achoppement est ailleurs : sans le budget nécessaire, point d'autonomie possible. Retour sur cette réforme de l'université emblématique du quinquennat.

"Dès la session extraordinaire de cet été [2007], vous présenterez au Parlement un projet de loi réformant la gouvernance des universités et leur permettant d'accéder à de nouvelles compétences et à de nouvelles responsabilités dans un délai maximum de cinq ans", écrivait le 5 juillet 2007, Nicolas Sarkozy, dans sa lettre de mission à Valérie Pécresse , alors ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

"Dans tous les pays du monde, la réussite universitaire repose sur une plus grande liberté des universités pour recruter leurs enseignants et leurs chercheurs, moduler leurs rémunérations et revaloriser leur situation, choisir leurs filières d'enseignement, optimiser l'utilisation de leurs locaux, nouer des partenariats. L'accès des universités à ces nouvelles responsabilités s'accompagnera, dans le cadre d'une relation modernisée avec l'Etat, de moyens supplémentaires", ajoutait le Président.

Ce qui a été fait

Cinq ans après le vote de la loi LRU (relative aux libertés et responsabilités des universités), surnommée "loi Pécresse", le pari est réussi : la quasi-totalité des universités françaises (80 des 83 universités) sont passées aux responsabilités et compétences élargies (RCE).

Cela s'est déroulé par vagues successives. 18 universités sont devenues autonomes au 1er janvier 2009, 33 au 1er janvier 2010, 22 au 1er janvier 2011 et 8 au 1er janvier 2012. "Les universités de La Réunion et Antilles-Guyane deviendront autonomes courant 2012, celle de Polynésie française en 2013", indique le ministère.

"C'est la première fois depuis les années 1960 qu'on s'intéresse à l'université. Cela a permis aux universités de se prendre en main"

Outre une nouvelle gouvernance recentrée autour du président et du conseil d'administration, les universités disposent désormais de la maîtrise de leur budget (dont la masse salariale) et de la gestion des ressources humaines.

L'insertion professionnelle fait partie de leurs missions, la possibilité de créer des fondations partenariales ou universitaires est inscrite dans la loi, ainsi que la possibilité pour l'État de transférer aux universités la pleine propriété des biens mobiliers et immobiliers (voir le détail de la loi LRU ).

"C'est la première fois depuis les années 1960 qu'on s'intéresse à l'université, se réjouit Jean-Charles Pomerol, ex-président de l'UPMC et défenseur de la première heure de la loi LRU. Ce qui s'est accompagné d'une augmentation des financements. Cela a permis aux universités de se prendre en main, d'être bien plus réactives, cela a créé de l'émulation."

Les difficultés

Les grèves de 2009. Si la loi LRU a été votée à l'été 2007 dans une relative indifférence, ce n'est pas le cas de ses décrets , précisément celui fixant le nouveau statut des enseignants-chercheurs, qui a provoqué une mobilisation inédite de la communauté universitaire durant l'année 2009.

"Même les plus favorables à l'autonomie dénoncent aujourd'hui l'investissement financier insuffisant qui oblige les universités à geler des postes"

La question financière. Plusieurs présidents d'université se sont alarmés, à l'hiver 2011, des difficultés à boucler leur budget, notamment ceux des universités de Bretagne Sud et de Pau . Laurent Wauquiez, ministre de l'Enseignement supérieur, a alors annoncé, dans une certaine confusion, la mise sous tutelle rectorale de plusieurs universités , en raison de deux budgets consécutifs en déficit.

Un comité des pairs a été mis en place pour une mission d'accompagnement, tandis que le ministère a lâché du lest en accordant une rallonge budgétaire au titre du GVT (glissement - vieillesse - technicité) de 14 millions d'euros.

Mais le compte n'y est pas encore, selon la communauté universitaire, assez unanime à souligner que le transfert de charges de l'autonomie a été supérieur aux moyens accordés par l'État.

"Même les plus favorables à l'autonomie dénoncent aujourd'hui l'investissement financier insuffisant qui oblige les universités à geler des postes, fermer des formations, réduire les heures de cours aux étudiants ou stopper les investissements", écrivait ainsi Anne Fraïsse, présidente de Montpellier 3, dans une lettre adressée à François Hollande .

"Si l’autonomie n’est pas accompagnée d’un financement suffisant, elle ne peut pas être mise en place de manière correcte. L’État doit mettre les moyens", confirme Louis Vogel, président de la CPU (Conférence des présidents d'université).

Une autonomie encore limitée. Si toutes les universités sont passées aux responsabilités et compétences élargies, elles ne disposent pas encore d'une véritable autonomie, selon l'analyse du comité de suivi de la loi LRU .

"80% des ressources des universités dépendent de l’Etat, et 80% du budget des universités est consacré à la masse salariale"

"Du point de vue des fonctions administratives et budgétaires, l’autonomie est acquise, souligne Jean-Marc Schlenker, professeur qui préside le comité. Il faut maintenant en faire quelque chose de cette autonomie. Les conseils d’administration doivent arrêter de gérer des micro-problèmes et avoir la capacité de se concentrer sur la dimension stratégique. Cela nécessite des compétences."

Un point de vue confirmé par l'étude comparative de l'EUA (Association européenne des universités), qui soulignait le retard français en la matière.

"Il faut bien prendre en compte deux chiffres : 80% des ressources des universités dépendent de l’État, et 80% du budget des universités est consacré à la masse salariale. Les universités ne peuvent rien faire sans un vrai dialogue avec l’État", expliquait le président de la CPU, Louis Vogel.

L'autonomie immobilière : 3 universités propriétaires

Il s'agit d'un dossier complexe , ce qui explique le peu d'universités concernées. 9 ont demandé à devenir propriétaire de leur patrimoine (UPMC, Clermont 1, Toulouse 1, Poitiers, Marne-la-Vallée, Cergy Pontoise, Paris 2, Corte et Avignon), cinq ont été retenues par l'État en novembre 2010, 3 ont obtenu la dévolution immobilière en 2011 (Auvergne , Toulouse 1 , Poitiers ).

Une autonomie par vague

- 8 universités autonomes au 1er janvier 2012

Grenoble 3, Lille 3, Lyon 2, Montpellier 3, Paris 8, Paris 10, Perpignan, Toulon

- 22 universités autonomes au 1er janvier 2011

Amiens - Arras - Bordeaux 3 - Bordeaux 4 - Caen - Chambéry - Evry - Grenoble 2  - Le Havre - Le Mans - Lille 1 - Nancy 2 - Nîmes - Nouvelle Calédonie - Orléans - Paris 1 - Paris 3 - Paris 4 - Dauphine - Reims - Rouen - Toulouse 2

À ces universités s'ajoutent 8 établissements : ENS Cachan, ENSIB (Ecole nationale supérieure d'ingénieurs de Bourges), Ecole nationale supérieure de Chimie de Montpellier, Ecole centrale de Nantes, Ecole centrale de Paris, Ecole nationale d'ingénieurs de Tarbes, INSA de Rouen, Chimie Paris Tech.

- 33 universités autonomes au 1er janvier 2010

Aix-Marseille 1 - Aix-Marseille 3 - Angers - Avignon - Besançon - Bordeaux 1 - Bordeaux 2 - Brest - Clermont-Ferrand 2 - Compiègne - Dijon - Grenoble 1 - Lille 2 - Littoral – Bretagne-Sud - Lyon 3 - Metz - Montbéliard - Montpellier 2 - Nantes - Nice - Paris 2 - Paris 11 - Paris 12 - Paris 13 - Pau - Poitiers - Rennes 1 - Rennes 2 - Toulouse 3 - Tours - Valenciennes - Versailles-Saint-Quentin

À ces universités s'ajoutent 6 établissements d'enseignement supérieur : ENS Ulm, ENS Lyon, ENS LSH Lyon, INPG (Institut national polytechnique de Grenoble), INPL (Institut national polytechnique de Lorraine), INPT (Institut national polytechnique de Toulouse).

- 18 universités autonomes au 1er janvier 2009

Aix-Marseille 2 - Cergy-Pontoise - Clermont-Ferrand 1 - Corte - La Rochelle - Limoges - Lyon 1 - Marne-la-Vallée - Montpellier 1 - Mulhouse - Nancy 1 - Paris 5 - Paris 6 - Paris 7 - Saint-Étienne - Strasbourg - Toulouse 1 – Troyes

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Le billet de Pierre Dubois : Acte de décès de la LRU
Le billet de Philippe de Lara : Assez de “l’autonomie” !
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