Cordées de la réussite : des succès et des dérives

Isabelle Dautresme Publié le
Cordées de la réussite : des succès et des dérives
Lycée Michelet // © 
Parmi les 17 rapports rendus publics le 25 mai 2012 sur le site du ministère de l’Éducation nationale, celui sur les cordées de la réussite dresse un bilan pour le moins mitigé de ces actions d’égalité des chances. En voie de généralisation, les cordées peinent à se structurer.

Lancées officiellement le 18 novembre 2008 pour encourager les élèves issus de milieux défavorisés à “oser” des études d’excellence, les “cordées de la réussite” s’inscrivent dans un programme plus vaste de réduction de l’inégalité des chances. Le constat de départ est connu : les enfants des milieux défavorisés sont sous-représentés parmi les bacheliers généraux, en classes préparatoires, puis dans les grandes écoles. En instituant un partenariat entre grandes écoles, universités, entreprises, lycées et collèges implantés dans des quartiers prioritaires, les cordées ont pour but de pallier ces inégalités.

Trois ans après leur lancement, quel bilan peut-on tirer ? Une lecture rapide des chiffres pourrait laisser penser que les cordées sont une réussite. D’après le rapport réalisé par l’inspection générale “plus de la moitié des grandes écoles sont impliquées et 10.000 lycéens tutorés”. Mais ce succès apparent peine à dissimuler la confusion et les incohérences qui accompagnent la mise en place du dispositif.

Les critères de labellisation en question

En cause : la manière d'appréhender les critères d’attribution de la labellisation, préalable à tout financement. Pour être labellisée, une cordée doit respecter des indicateurs définis dans le cadre de la politique de la ville. Ce qui n’est pas sans entraîner quelques dérives. Les Inspections n’hésitent pas à parler de “multiplication d’errements” qui hypothèquent, à terme, l’existence même de ce dispositif.

Selon le rapport, des cordées n’hésiteraient pas à faire figurer dans leur dossier des établissements de quartiers populaires qui respectent les critères et à les remplacer sur le terrain par d’autres. Ainsi, certains lycées de l’académie de Créteil ont eu la surprise d’apprendre, le jour de la visite des rapporteurs, leur adhésion à des cordées versaillaises et parisiennes. “Cordée virtuelle, établissements-alibis ?” s’interrogent les Inspections générales.

Autre effet nuisible de ce processus de labellisation : des établissements qui concentrent un nombre important d’élèves issus de populations défavorisées se voient refuser des aides au prétexte qu’ils se situent en zone rurale, ou encore des lycées, bien que géographiquement proches d’une cordée, ne peuvent la rejoindre parce qu’ils sont situés dans une académie différente. Et comment expliquer le faible nombre de cordées labellisées dans l’académie de Créteil (seulement 9, contre 28 à Versailles), malgré la très forte concentration de quartiers défavorisés ?

Absence d’outils d’évaluation

Les Inspections générales déplorent également l’absence quasi systématique de “l’intégration des cordées dans le projet d’établissement”, alors même que l’implication des équipes pédagogiques, et plus particulièrement celle des enseignants référents, est déterminante dans la réussite du dispositif.

L’absence d’outils d’évaluation sérieux et fiables finit d'ajouter à la confusion.

Un comité national d’orientation et de suivi des cordées de la réussite

À l’issue de son rapport, les Inspections générales dressent une liste de neuf préconisations, parmi lesquelles “la mise en place d’un comité national d’orientation et de suivi des cordées de la réussite” qui aurait la charge d’inscrire les cordées dans un cadre national, tout en tenant compte des particularités locales.

Une préconisation ambitieuse, mais indispensable pour que les cordées de la réussite, en voie de généralisation, s’inscrivent dans la durée.

strong>Lire le rapport

Légende photo : le lycée Michelet à Vanves partenaire d'une cordée de la réussite avec HEC - © Jessica Gourdon

Isabelle Dautresme | Publié le