Entrée à l'université : le projet de loi adopté au Sénat

Laura Taillandier Publié le
Entrée à l'université : le projet de loi adopté au Sénat
Après deux courtes journées de débat, le Sénat a adopté le projet de loi ORE jeudi 8 février 2018. // ©  Sénat
À une large majorité, le Sénat a adopté le projet de loi sur l'orientation et la réussite des étudiants, jeudi 8 février 2018. Les parlementaires ont souhaité mettre l'accent sur l'insertion professionnelle des étudiants et l'autonomie des établissements.

Le projet de loi sur l'orientation et la réussite des étudiants termine sa course parlementaire. Sans rencontrer d'obstacle. Après deux courtes journées de débat, le Sénat a adopté le texte, avec 231 votes pour et 93 contre, jeudi 8 février 2018. Des débats "sereins" pour Frédérique Vidal, la ministre de l'Enseignement supérieur, même si "des points de désaccord" restent encore à arbitrer en CMP (commission mixte paritaire).

Le rôle du recteur en toile de fond

Qui, du recteur ou du président d'université, aura le dernier mot ? C'est sur cette question que se cristallisent une partie des divergences. Pour "préserver l'autonomie des établissements", les sénateurs ont souhaité déplacer le curseur de la procédure d'affectation des bacheliers sans proposition d'inscription du recteur vers le président d'université. Ce dernier devra donner son accord à l’inscription d’un candidat par l'autorité académique.

Dans les débats, le gouvernement a tenté de trouver un compromis : conserver une phase de dialogue préalable entre le candidat et l'établissement, mais en laissant à la commission d'accès à l'enseignement supérieur "les conditions de son bon fonctionnement". Une proposition rejetée par les sénateurs. "La position qu'a prise le Sénat sur le rôle du recteur ne me satisfait pas", regrette André Gattolin, sénateur LREM des Hauts-de-Seine. "Nous aurions pu trouver des voies de passage entre autonomie des universités et droit des étudiants à être affectés dans l'établissement de leur choix. Espérons qu'elles le seront en CMP", expose-t-il, rejoint par les socialistes sur ce point. "Pourquoi le groupe SOCR votera-t-il contre ce texte ? Parce que le rôle du recteur, garant de l'équilibre du système, n'a pas été suffisamment réaffirmé."

Les sénateurs ont également exaucé une demande forte des universités en matière d'autonomie. Celles-ci pourront fixer librement les tarifs applicables aux étudiants étrangers hors de l'Union européenne. "Le but n'est pas d'imposer un tarif spécifique pour les étudiants étrangers non communautaires, mais d'offrir cette possibilité aux établissements qui souhaiteraient par ce biais abonder leur trésorerie et donc renforcer leur attractivité", argumente Olivier Paccaud, sénateur Les Républicains de l'Oise.

Quel périmètre pour la commission d'accès au supérieur ?

Les sénateurs ont également assoupli la détermination du périmètre géographique de la commission d'accès au supérieur. Le soin est laissé au pouvoir réglementaire d’adapter territorialement le champ d’action des autorités. Pour Laurent Lafon, sénateur centriste du Val-de-Marne, "le périmètre géographique de la région académique n’est pas nécessairement le plus adapté pour permettre aux établissements et aux recteurs de travailler au plus près des bacheliers qui n’auraient pas trouvé d’affectation sur la plate-forme Parcoursup".

En la matière, les sénateurs instituent d'ailleurs une exception parisienne. Le pourcentage minimal de bacheliers hors académie ne sera pas fixé par les recteurs mais par le ministère. Objectif : "Garantir un égal accès à l’ensemble des bacheliers aux prestigieuses universités parisiennes."

Quant aux éléments à prendre à compte dans le cadre de la procédure réservée aux candidats sans affectation, est introduit un critère fondé sur leur projet de formation, figurant parmi les considérations à prendre en compte lors du classement des candidats dans les filières en tension. En ce qui concerne le tri des dossiers, les candidats auront accès aux documents leur permettant de comprendre les motivations de la décision de l’établissement.

L'insertion professionnelle en ligne de mire

Dans le viseur des sénateurs également, l’adéquation entre les places en licence et les débouchés professionnels. Désormais, la modification des capacités d’accueil devra prendre en compte les taux de réussite et d’insertion professionnelle observés pour chacune des formations. Un observatoire national de l’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement supérieur sera créé. Son rôle : agréger les statistiques produites par les observatoires d’établissements et coordonner leurs actions communes. "Chaque étudiant construira son propre parcours mais il le fera en fonction de ses envies, en connaissance de cause", souligne Max Brisson, sénateurs Les Républicains des Pyrénées-Atlantiques.

Le texte substitue également des observatoires aux bureaux d’aide à l’insertion professionnelle. Dans chaque université, ces instances seront chargées de diffuser aux étudiants des offres de stage et d’emploi, de les assister et de les conseiller dans leur recherche. En outre, la mission d'aide à l'insertion professionnelle sera intégrée dans les axes du contrat pluriannuel des établissements d'enseignement supérieur avec l'État. À l’exception des classes préparatoires aux écoles et instituts, toutes les formations du premier cycle proposeront une préparation du projet professionnel et des enseignements de professionnalisation, permettant aux étudiants qui le souhaitent une insertion professionnelle immédiate.

Les autres modifications apportées au texte

Comité éthique. Le comité éthique de Parcoursup figure désormais dans le projet de loi. Ses missions, sa composition et ses modalités de fonctionnement du comité sont fixées par arrêté.

Semestrialisation. La notion de semestrialisation est également introduite dans le texte. Les établissements d’enseignement supérieur déploient un enseignement modulaire capitalisable, "dans lequel le principe de semestrialisation est reconnu, favorisant l’élaboration du projet professionnel".

Bourses. Les sénateurs ont souhaité mettre en place un contrôle de l'assiduité de l'étudiant, dont dépendra le versement de la bourse. "La remise d'une copie blanche aux examens ne peut suffire à justifier de l'assiduité de l'étudiant", justifie Christine Lavarde, sénatrice Les Républicains des Hauts-de-Seine. Un arrêté ministériel fixera les conditions générales de scolarité et d’assiduité auxquelles est subordonné le droit au maintien à la bourse sur critères sociaux.

Paces. Les parlementaires ont également profité du débat pour allonger le délai d’expérimentation de la Paces, qui court désormais jusqu’à la fin de l’année universitaire 2022 au lieu de 2020, comme prévu initialement.

Parcoursup. Une possibilité de dérogation à l'obligation de rejoindre Parcoursup au plus tard le 1er janvier 2019 est instituée pour certains établissements comme les IEP (instituts d'études politiques). En outre, ne seront répertoriées sur Parcoursup que les formations initiales conduisant à un diplôme national d’enseignement supérieur reconnues par l’État, quelle que soit la procédure mise en œuvre par celui-ci pour leur délivrer cette reconnaissance.

Statistiques. Les établissements d'enseignement supérieur devront publier sur leur site les statistiques comportant des indicateurs d'inscription dans toutes les formations dispensées, de réussite aux examens et aux diplômes, de poursuite d'études et d'insertion professionnelle des étudiants. Les lycées ne sont pas en reste : ils devront rendre publiques les statistiques comprenant des indicateurs de réussite aux examens et aux diplômes qu’ils délivrent, de poursuite d’études et d’insertion professionnelle.

C'est désormais à la commission mixte paritaire d'arbitrer la version finale du texte. La séance est prévue le mardi 13 février 2018.

Laura Taillandier | Publié le