F. Bonvalet : "Si les étudiants ne sont pas formés à la RSE, notre mission n'est pas remplie"

Eva Mignot Publié le
F. Bonvalet : "Si les étudiants ne sont pas formés à la RSE, notre mission n'est pas remplie"
TBS a inscrit la RSE dans ses enseignements depuis dix ans. // ©  Huynh Manuel
Si la RSE était en vogue dans les écoles de commerce il y a une dizaine d’années, depuis, l’intérêt est depuis quelque peu retombé. Pour François Bonvalet, vice-président du Chapitre des écoles de management à la CGE et directeur général de Toulouse Business School, c'est un domaine dans lequel il est pourtant nécessaire d’investir.

Diriez-vous que la RSE est encore au programme des écoles de commerce ?

Il y a quinze ans, les écoles de commerce ont beaucoup investi et communiqué autour de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Mais aujourd’hui, à l’instar des systèmes d’information ou de la mondialisation, le sujet n’est plus nouveau. Les business school investiront donc moins dans ce domaine, ne serait-ce qu’au niveau de la communication.

François Bonvalet
François Bonvalet © Toulouse Business School

Pour moi, désormais, il y a trois types d’écoles : celles qui font de la RSE un cheval de bataille majeur et qui en profitent pour former leurs étudiants à des pratiques responsables. Dans ces établissements, la RSE ne se limite pas au seul volet formation : les écoles doivent s’appliquer le principe à elles-mêmes. Il y a ensuite celles qui communiquent peu mais qui ne s'investissement finalement que dans peu de réalisations. Et enfin, il y a celles qui n’en parlent pas.

Aujourd’hui, il me semble que les établissements appartenant à la première catégorie, comme Toulouse Business School, ne sont plus très nombreux. Cependant, toutes les écoles du Chapitre des écoles de management sensibilisent a minima leurs étudiants au travers des cours ou des modules.

Nous savons, de manière scientifique, que le business d’aujourd’hui n’est pas soutenable : face à ce défi mondial, nous avons un devoir de sensibilisation.

À Toulouse Business School, la RSE est inscrite dans vos valeurs. En quoi est-ce un sujet pour les écoles de commerce et plus particulièrement ?

La RSE est pour nous un sujet depuis plus de dix ans. Nous sommes engagés par le PRME (Principles for Responsible Management Education), un programme mondial rattaché à l’ONU. Des enseignants-chercheurs de business schools se réunissent plusieurs fois par an et partagent leurs bonnes pratiques. À TBS, nous organisons des tables-rondes d’experts pendant les ANEDD (Assises nationales étudiantes du développement durable). Dans le programme grande école, les étudiants participent à des "Ateliers Think and Create", où ils planchent sur des sujets de la vie quotidienne, comme les menus de la cafétéria ou la mobilité sur le campus.

Il est clair qu’aujourd’hui, nous formons des jeunes à des postes à responsabilité. Certes, plus une entreprise gagne d’argent, plus elle peut embaucher et donc favoriser l’emploi. Mais les pratiques doivent évoluer. Nous savons, de manière scientifique, que le business d’aujourd’hui n’est pas soutenable : notre planète va mourir. Face à ce défi mondial, nous avons un devoir de sensibilisation. Si nous ne formons pas les étudiants à la RSE, nous ne remplissons pas correctement notre mission.

Aujourd’hui, la grande majorité des candidats aux écoles de commerce prennent ces questions-là au sérieux et aspirent à une formation tournée vers ces enjeux. Ils ne se contentent plus d’artifices et de discours sur la responsabilité sociale des entreprises : ils veulent en être acteurs.

Tant que la RSE ne deviendra pas une exigence pour les entreprises, les établissements ne feront pas évoluer leur offre de formation.

Mais s’il y a une demande des étudiants, pour quelle raison les établissements de management ne s’impliquent-ils pas davantage dans la RSE ?

Aujourd’hui, les écoles conçoivent leurs formations en fonction des demandes des recruteurs. Tant que la RSE ne deviendra pas une exigence pour les entreprises, les établissements ne feront pas évoluer leur offre de formation. Or, je ne crois pas qu’il y ait une vraie demande en ce sens actuellement. Il en existe pour les soft skills, pas forcément pour la RSE ou le développement durable. Du moins, cela ne se traduit pas dans les recrutements.

Je peux vous donner un exemple : un professeur de finance a monté dans le programme grande école de TBS une spécialité "finance responsable". La première année, cette spécialisation a fait un carton plein. L’année suivante, très peu d’étudiants se sont inscrits alors que nous n’avions eu que de très bon retours. Les élèves n’avaient pas trouvé d’emploi directement lié à la spécialité, cela avait découragé la promotion suivante.

Autre exemple : il y a deux ans, nous avons essayé de monter une chaire en comptabilité durable. C’est un sujet de recherche important dans notre établissement Des entreprises s’étaient montrées intéressées pour nous soutenir financièrement mais elles se sont désistées. Parfois, les actionnaires mettent une telle pression pour que les sociétés investissent dans ce qui concourra à leur rentabilité qu’elles renoncent à certains placements, alors qu'à moyen ou long terme, la RSE contribue à la rentabilité.

La responsabilité sociale des entreprises ne doit pas être l’affaire de quelques personnes seulement.

Ne serait-ce pas le rôle du Chapitre des écoles de management d’inciter au développement de la RSE au sein des établissements ?

Ce n'est pas sa vocation aujourd'hui. En plus de son rôle de représentation, le Chapitre anime aussi la communauté des établissements au travers de groupes de travail. On pourrait imaginer en monter un dédié à cette thématique. Mais personnellement, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Il me semble que la responsabilité sociale des entreprises ne doit pas être l’affaire de quelques personnes seulement.

C’est, pour moi, la même problématique que celle du Chief Hapiness Officer : en entreprise, tous les acteurs doivent contribuer au bien-être de l’ensemble des collaborateurs et cela ne doit pas reposer sur les épaules d’un individu isolé. De la même façon, la RSE et le développement durable doivent concerner tout le monde.

vToulouse Business School, une personne se consacre à la responsabilité sociale des entreprises, mais sa mission est justement transversale : elle est censée animer la communauté et faire le point sur les actions menées dans ce domaine.

Pensez-vous que les organismes d’accréditation pourraient pousser les écoles à davantage s’investir dans ce domaine ?

Les organismes d’accréditation jouent déjà ce rôle. La RSE fait partie des standards d’Equis. Lorsque nous demandons l’accréditation AACSB, nous devons définir nos missions, notre vision et nos valeurs.

À TBS, nous avons indiqué parmi elles notre attachement à la responsabilité sociale des entreprises. Bien sûr, nous avons d’autres valeurs, comme l’audace ou l’excellence. Mais nous voulons une audace et une excellence responsables.

Eva Mignot | Publié le