Des universitaires appellent à voter Macron tout en dénonçant son programme

Aurore Abdoul-Maninroudine Publié le
Des universitaires appellent à voter Macron tout en dénonçant son programme
Manifestation place de la République, au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle, le 24 avril 2017. // ©  Catherine de Coppet
Après les appels de la CPU et de plusieurs présidents d'université à voter contre le Front national, deux pétitions ont été lancées, vendredi 28 avril 2017, par des personnels de l'enseignement supérieur. L'une d'elles, sous le nom de code RogueESR, appelle à faire barrage au Front national tout en luttant contre le programme "libéral" d'Emmanuel Macron.

Dans "Le Monde" du 26 avril 2017, un collectif d'universitaires composé d'une cinquantaine d'enseignants-chercheurs appelait à voter en faveur d'Emmanuel Macron, d'une part pour "faire résolument barrage au Front national" et d'autre part par "adhésion à un projet tourné résolument vers l'avenir". Prenant le contre-pied de cet appel, deux pétitions ont vu le jour, vendredi 28 avril, publiées sur rogueesr.fr et petitions24.net. Elles ont respectivement recueilli, mardi 2 mai 2017, plus de 900 et 200 signatures.

Parmi les signataires de la première pétition, Mathilde Bertrand, maître de conférences en civilisation britannique à l'université Bordeaux-Montaigne ou encore Yann Bisiou, enseignant-chercheur en droit et ancien vice-président de l’université Montpellier 3. La seconde pétition a été signée, notamment, par Axel Kahn, chercheur à l'Inserm et ancien président de l'université Paris-Descartes, et Rachid El Guerjouma, président de l'université du Maine.

Dans un texte de trois pages, les initiateurs de la pétition "RogueESR", qui disent s'inspirer de "la stratégie de rebellion expérimentée par les scientifiques américains contre la mise au pas des mondes académiques", se désolidarisent clairement de la tribune du "Monde".

Ils affirment en effet à la fois leur intention de voter pour Emmanuel Macron au second tour de l'élection présidentielle – le Front national restant leur "principal adversaire" – mais aussi de "combattre" le programme du candidat d'En Marche si celui-ci est élu.

Voter pour Emmanuel Macron mais combattre son programme

Ces universitaires font part du "choc" qu'ont été les résultats du premier tour, dû à la fois à l'accession de Marine Le Pen au second tour et au fait "que cela n'étonne plus qui que ce soit". Ils font donc part de leur décision de "voter pour Emmanuel Macron contre Le Pen" mais se disent "conscients" que ce barrage aura pour conséquence "l'application d'une politique libérale qui contribuera à l'accroissement des inégalités".

Ciblant plusieurs points du programme du candidat d'En Marche, les auteurs de ce texte dénoncent "l'illusion de l'autonomie et de l'excellence", rappelant que l'autonomie telle qu'elle a été mise en place en France, avec la loi LRU (loi relative à l'autonomie des universités), est allée de pair avec "un appauvrissement des universités", de nombreux gels de postes, la suppression d'heures d'enseignement et une "dégradation des locaux".

Approfondir l'autonomie de l'université aura pour effet, selon eux, d'"accentuer la concurrence darwinienne entre les établissements et la division brutale entre les universités dites d'excellence [...] et les autres".

Nos collègues chercheurs étrangers seront refoulés.

La tribune publiée sur petitions24.net, dont les auteurs indiquent avoir voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l'élection présidentielle, insiste de son côté sur l'impact du programme de Marine Le Pen en matière d'éducation et d'enseignement supérieur et de recherche. L'élection de cette dernière constituerait "une menace mortelle pour les valeurs auxquelles nous sommes indéfectiblement attachés en tant que citoyens, humanistes, universitaires et Français", écrivent-ils.

"Nos collègues chercheurs étrangers seront refoulés des universités, devenues si peu universelles quand la préférence nationale aura été mise en œuvre. [...] Nous ne regarderons pas deux siècles de progrès politiques et sociaux taillés en pièces. […] Nous ne serons pas indifférents", concluent-ils. Seront-ils entendus ? Réponse le 7 mai 2017.

Aurore Abdoul-Maninroudine | Publié le