La transition énergétique en demande de formations spécialisées... mais pas trop

Delphine Dauvergne Publié le
La transition énergétique en demande de formations spécialisées... mais pas trop
Construction d'un parc éolien aux Pays-Bas. // ©  Siebe Swart/Hollandse Hoogte-REA
Alors que la loi sur la transition énergétique est en cours de discussion à l’Assemblée nationale, écoles et universités proposent de plus en plus de formations dans ce domaine porteur. Si les entreprises sont en recherche de compétences, elles mettent en garde établissements et étudiants contre l'hyperspécialisation.

"Aujourd'hui, il y a 75.000 emplois dans les énergies renouvelables, 100.000 emplois supplémentaires sont prévus d'ici à 2020", affirme Damien Mathon, délégué général du syndicat des énergies renouvelables. Les politiques publiques œuvrent pour que ce développement continue. Le projet de loi de transition énergétique, dont l'examen en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale a débuté le 19 mai 2015, prévoit 23% d'énergies renouvelables dans la consommation en 2020 (contre 14% aujourd'hui) et 32% en 2030.

La transition énergétique concerne les énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque...) mais aussi l'économie d'énergie. De la conception à l'utilisation, la palette de métiers est assez large et couvre les différents niveaux de qualification : ingénieur chargé d'exploitation, conducteur de travaux, technicien de maintenance en électromécanique ou électrotechnique, développeur, responsable de la gestion d'énergie...

une cinquantaine de formations spécialisées

Une cinquantaine de formations dans ce domaine existent déjà. Le réseau associatif pour la transition énergétique, le CLER (Comité de liaison énergies renouvelables), les liste dans un moteur de recherche dédié.

"De nombreux étudiants en physique partent dans d'autres régions pour continuer dans des masters plus spécialisés", remarque Alain Bernès, professeur de physique à Toulouse 3. Son université a donc décidé d'ouvrir à la rentrée 2015 un nouveau master intitulé "physique de l'énergie et de la transition énergétique". Cette formation initiale, mais aussi continue, est financée grâce à un partenariat avec EDF. Le fournisseur d'énergie participera également au contenu du cursus, avec des intervenants et en donnant ses conseils pour son amélioration. En 2015, EDF a prévu de recruter plus de 5.000 personnes et 3.000 alternants. "L'insertion professionnelle est une mission de l'université, nous devons donc viser les secteurs porteurs, comme celui de l'énergie", justifie Jean-François Georgis, responsable pédagogique de cette formation. 

L'insertion professionnelle est une mission de l'université, nous devons donc viser les secteurs porteurs, comme celui de l'énergie.
(J-F. Georgis)

La nécessité d'intégrer le numérique

"Il est nécessaire de s'approprier les possibilités du numérique, qui permet de collecter et diffuser des données pour une meilleure performance énergétique", assure Marie-Françoise Guyonnaud, responsable de quatre nouveaux MBA de l'Institut Léonard de Vinci (ILV).

L'école d'ingénieurs propose ces nouvelles formations à la rentrée 2015 : Bâtiment intelligent et transition énergétique, Management de la performance énergétique des process, Smart Building et Internet des objets, Smart City et management des éco-quartiers. Nouvelles technologies et efficacité énergétique sont au cœur de ces nouveaux parcours.

"Il faut prendre en compte la digitalisation dans les nouvelles formations sur la transition énergétique, notamment pour sensibiliser les consommateurs en temps réel", insiste Jean-Christophe Bourgeois, expert systèmes d'information efficacité énergétique et environnementale à Cofely Services, filiale de GDF.

un potentiel important mais des débouchés encore limités

À l'Université catholique de l'Ouest, deux licences professionnelles (protection de l'environnement ; énergies renouvelables) et un master (écologie et développement durable) existent depuis une dizaine d'années. "Initialement ces formations étaient plutôt tournées vers la gestion de l'environnement, mais avec l'arrivée de la problématique de la transition énergétique, leur contenu a évolué, en intégrant la rénovation thermique par exemple", explique Jonathan Lulé, chargé de mission développement durable à l'UCO.

La taille des promotions, une vingtaine d'étudiants par niveau, reste "adaptée aux besoins du marché". Jonathan Lulé pense toutefois qu'"il y a un potentiel très important dans ce domaine, les entreprises seront bientôt obligées d'aller vers des énergies plus vertes, toutes les formations vont devoir suivre cette évolution si elles veulent garantir une employabilité à leurs étudiants".

Se spécialiser dès la sortie du lycée dans les énergies renouvelables n'est pas forcément une bonne idée.
(D. Mathon)

Des opportunités en formation continue

En dehors des nouveaux métiers concernant l'économie d'énergie ou les logiciels et réseaux, les postes à pourvoir restent assez traditionnels et sont enrichis au fur à mesure par la formation continue. "La transition énergétique est encore un marché naissant, nous recrutons encore peu dans ce domaine-là, mais nous faisons de la formation en interne", souligne Jean-Christophe Bourgeois.

La mission numérique du bâtiment, dans son rapport de 2014, incite ainsi à la formation continue pour que les professionnels puissent suivre l'évolution de leurs métiers.

Gare à la spécialisation à outrance...

Si les formations adaptées à ces nouveaux métiers sont appréciées des recruteurs, "se spécialiser dès la sortie du lycée dans les énergies renouvelables n'est pas forcément une bonne idée. Il vaut mieux choisir un cursus plus généraliste dans le génie électrique ou énergétique, pour être sûr d'avoir tous les prérequis. Ensuite, l'étudiant peut suivre une formation complémentaire ou une spécialité plus orientée", conseille Damien Mathon.

Jens Bicking, dirigeant du cabinet de recrutement Elatos, spécialisé dans l'environnement, partage cette analyse : "Cet effet de mode auprès des établissements ne se retrouve pas forcément du côté des entreprises, à la recherche avant tout de profils techniques expérimentés, car la transition se terminera bien un jour..."

Delphine Dauvergne | Publié le