APB : le médiateur de l'Éducation veut former les enseignants

Natacha Lefauconnier Publié le
APB : le médiateur de l'Éducation veut former les enseignants
Pour éviter qu'APB ne vire au casse-tête, le médiateur de l'Éducation nationale propose de davantage former et informer familles et enseignants. // ©  Patrick Allard / R.E.A
Rendre le portail Admission-postbac plus lisible, plus transparent et en adéquation "fidèle" avec la réglementation : voilà les objectifs de Claude Bisson-Vaivre, médiateur de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur. Dans son rapport annuel au ministère, rendu public jeudi 29 juin 2017, il propose plusieurs pistes en ce sens, dont une formation accrue des enseignants pour mieux accompagner les familles.

Dans un contexte de généralisation de l’utilisation d’algorithmes pour la mise en oeuvre de politiques publiques, le médiateur de l’Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur, Claude Bisson-Vaivre, a souhaité se pencher sur APB dans son rapport annuel qui porte sur 2016. L'année dernière, en effet, la plate-forme nationale de préinscription en première année d’études supérieures a occupé le devant de la scène. D’une part, en raison de la montée de la contestation – parfois jusque devant les tribunaux – des candidats face au tirage au sort dans les licences en tension. D’autre part, pour exiger que le code de l’algorithme d’APB soit rendu public – une demande portée par l’association Droits des lycéens, qui avait finalement abouti en octobre 2016.

Fort de ce constat, Claude Bisson-Vaivre a souhaité vérifier que la plate-forme avait bien rempli la mission d’affectation des candidats qui lui est attribuée, ce que son étude a confirmé. En revanche, il a émis un certain nombre de suggestions pour en améliorer la transparence, la lisibilité et la conformité à la réglementation en vigueur.

Sécurisation juridique : peut mieux faire

Concernant cette dernière, le médiateur recommande de "sécuriser juridiquement toutes les procédures utilisées pour l’admission des bacheliers (primo-entrants ou non) dans l’enseignement supérieur".

C’est bien ce qu’a tenté de faire dans l’urgence Thierry Mandon, secrétaire d’État en charge de l’Enseignement supérieur jusqu’à l’élection d’Emmanuel Macron. Mais en choisissant la forme d’une circulaire, publiée au Bulletin officiel le 27 avril, pour officialiser la pratique du tirage au sort non inscrite dans la loi, il s’est heurté à des contestations d’ordre juridique. Portées devant le Conseil d’État par deux associations, la circulaire n’a toutefois pas été suspendue… mais sans avoir été jugée sur le fond, puisque seul le caractère d’urgence de la décision a été rejeté par la plus haute juridiction administrative.

Mieux informer les familles...

Le médiateur préconise par ailleurs de "dispenser à l’intention des familles et de façon systématique, dans les établissements, une information sur l’algorithme APB et un accompagnement à la saisie des vœux, tout au long du processus". En précisant qu’il faut "permettre aux familles éloignées de la culture numérique et/ou qui ne disposent pas de l’outil informatique de l’utiliser au lycée, avec leurs enfants, à des moments choisis et en dehors des heures de travail".

Si de nombreuses initiatives existent déjà en ce sens, reste que des inégalités perdurent entre les lycées publics et privés, et d’une académie à l’autre. Difficile de contraindre les parents à venir aux réunions d’information, même si elles ont lieu le soir ou le week-end.

… mais aussi les enseignants

De même, tous les enseignants ne sont pas sur un pied d’égalité pour aider les lycéens dans leurs choix d’orientation. Comme le rappelle le médiateur dans son rapport, l’orientation active est assurée notamment par les professeurs principaux. Ils peuvent montrer la procédure d'inscription sur APB aux élèves grâce à un site de simulation. Mais pour l'aide au choix, c'est moins évident. Même s’ils sont aidés par les conseillers d’orientation psychologues, une partie des professeurs ayant quitté l’enseignement supérieur avant même la création d’APB ne sont pas en mesure de répondre aux questions précises des élèves sur les formations sélectives ou non sélectives existantes.

Et même si le ministère a prévu des groupes de travail et des formations pour les professeurs, il n’est pas certain que ces derniers soient tous très enthousiastes à l’idée d’ajouter systématiquement l’aide à l’orientation à leurs missions. Le rapport de Claude Bisson-Vaivre indique que "certains y consacrent une partie des heures d’accompagnement personnalisé, tandis que d’autres professeurs ou CPE (conseillers principaux d’éducation) se voient attribuer des missions liées à l’orientation grâce au versement d’IMP (indemnités pour mission particulière). Mais certains professeurs, dont l’établissement d’affectation n’utilise pas de tels dispositifs, regrettent d’être obligés de consacrer ce temps sur les heures de cours, au détriment de leurs programmes".

Concrètement, le médiateur préconise donc de réserver, quelques jours avant la fin de la période consacrée à la saisie des vœux dans APB, "des heures du dispositif d’accompagnement personnalisé en classe de terminale pour consolider l’adéquation vœux/profil de l’élève". 

Moins de prise de risque pour le candidat

Outre ces considérations d’accompagnement du candidat, Claude Bisson-Vaivre recommande de supprimer dans APB la réponse "non mais", l’une des quatre proposées aux usagers (avec "oui", "oui mais" et "démission"), "compte tenu des risques qu’elle leur fait courir". Le candidat qui refuse ainsi une proposition d’admission n’est pas certain d’obtenir un autre vœu à la phase suivante. 

Or, il y a un nombre relativement important de "non mais" (et de "démission") lors de la première phase d'admission : cette réponse a donc une utilité, puisqu'elle permet de libérer des places lorsqu'il y a une liste d'attente dans la filière concernée. Un bémol que reconnaît le médiateur. 

Plus de formations sur APB

Même si la plate-forme compte plus de 10.400 formations sous statut scolaire, et plus de 12.700 en comptant les formations en apprentissage, le médiateur estime qu’il faut "intégrer dans APB de nouvelles formations pour tendre à l’exhaustivité", et faciliter la gestion des listes d’attente. 

En réalité, même si le nombre total de formations est légèrement à la hausse, on observe aussi la tendance inverse dans certaines catégories de formations : plusieurs écoles supérieures d’art sont ainsi sorties d’Admission--postbac en 2014 ou 2015, après y être entrées en 2013. La raison invoquée ? Le calendrier et/ou la charte d'APB ne leur convenait finalement pas. Même chose pour une trentaine d’écoles de commerce qui en sont sorties peu avant la session 2017. Quant aux Sciences po ou à Paris-Dauphine, malgré les tentatives du ministère, elles ne souhaitent toujours pas faire partie du portail national.

L’on voit mal, dans ces conditions, comment la préconisation du médiateur de "mettre à l’étude l’obligation de saisir dans APB les candidats retenus par des formations non introduites dans la plate-forme", afin de mieux gérer les vœux de ces candidats faits en parallèle sur APB, pourrait aboutir…

Privilégier les contacts personnalisés

Plus faciles à mettre en place, sans doute, les souhaits de voir la rubrique "Contact" en première page des guides APB, d’organiser un accueil personnalisé des "usagers sans admission" dans toutes les académies et universités de la mi-juillet à la fin août – la plupart des services étant toutefois fermés durant une partie de cette période – ou encore de mieux identifier les demandes des candidats en les distinguant "par typologie d’usager : réorientation interne ou externe, primo-entrant sans admission".

Du côté des formations, enfin, Claude Bisson-Vaivre suggère de "modifier les pratiques actuelles en matière de surréservation en limitant dans APB le paramétrage du nombre de candidats pouvant être retenus dans une filière, en raison des contraintes pédagogiques et de la nécessaire application des règles de sécurité pour l’accueil des usagers”. Autrement dit, la pratique des 20 % de surbooking (pourcentage par défaut pouvant être modifié selon les licences) pourrait bien disparaître.

C’est désormais aux équipes de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, en concertation avec tous les acteurs concernés, de plancher sur les modalités de la session 2018 d’APB. À commencer par la question de l’instauration de prérequis en licence comme piste privilégiée pour en finir avec le tirage au sort dans les filières en tension. Une piste sur laquelle travaillent déjà les doyens des différentes UFR. Des décisions devront être prises avant octobre, afin que les paramétrages et l’algorithme de la plate-forme soient prêts à temps pour l'ouverture d'APB aux candidats, le 20 janvier 2018.

Natacha Lefauconnier | Publié le