Obliger les apprentis formés par l’entreprise à rester 2 ou 3 ans dans celle-ci une fois leur diplôme en poche ? C’est le but affiché d’une proposition de loi visant à "optimiser l’apprentissage en entreprise", portée par plusieurs députés Les Républicains et enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 11 septembre 2019. Un texte qui s'inspire de l'ENA et autres écoles de la fonction publique dont les élèves doivent consacrer plusieurs années au service de l'Etat.
"A l'instar de certaines écoles de la fonction publique, un nombre d'années obligatoires dédiées à l'entreprise, postérieurement à la formation, doit être mis en place pour rassurer les entreprises tout en pérennisant les contributions fournies par ces dernières", précise la proposition de loi dans l’exposé de ses motifs.
Cette proposition est à contre-courant des attentes de la jeunesse (F. Bournois)
L’article unique du texte mentionne que l’apprenti formé dans une entreprise se doit d’occuper un emploi durant un délai si l’entreprise l’exige : "Au terme du contrat d’apprentissage, et sur proposition de l’employeur, l’apprenti, ayant été formé au sein d’une entreprise, se doit en retour d’occuper un emploi, en qualité de travailleur diplômé, durant un délai en proportion du temps effectué dans l’entreprise formatrice".
Un texte dicté par des entreprises peinant à recruter et garder des apprentis ?
Jusqu’ici, le contrat d’apprentissage une fois arrivé à son terme, chacune des deux parties reprend sa liberté : l’entreprise celle d’embaucher ou non l’apprenti formé et l’apprenti celle de continuer dans l’entreprise ou de diversifier son expérience professionnelle en trouvant un emploi ailleurs.
"Cette proposition est un repoussoir pour les apprentis de l’enseignement supérieur !", s’inquiète Frank Bournois, directeur général de l’ESCP Europe et président de la commission formation à la conférence des grandes écoles (CGE). "Ce texte est à contre-courant total des attentes de la jeunesse". Et le dirigeant de la grande école de commerce parisienne d'ajouter : "Je peux comprendre que certaines entreprises peinant à recruter des apprentis dans des métiers en tension veuillent rentabiliser les compétences qu’elles ont formées mais je ne peux pas le comprendre pour des formations d’enseignement supérieur".
L'entreprise reste libre de ne pas garder l'apprenti
En outre si le texte porté par des députés les Républicains tels que Isabelle Valentin, Eric Ciotti, Nicolas Forissier, Olivier Dassault ou encore Guillaume Peltier prévoit d’obliger les apprentis à rester dans l’entreprise un temps donné, il ne contraint pas en retour les entreprises d'embaucher les jeunes formés à l'issue de leur apprentissage quand bien même ceux-ci le souhaiteraient : “ L’employeur se réserve le droit de ne pas donner suite après la formation de l’apprenti“, écrivent les parlementaires.
Pas sûr qu’un tel texte serve l’image de l’apprentissage auprès des jeunes alors même que cette voie de formation est de plus en plus envisagée comme un plan A !