Les étudiants ambassadeurs, l'atout orientation des universités

Pauline Bluteau Publié le
Les étudiants ambassadeurs, l'atout orientation des universités
L'université de Lille accueille cette année 4 volontaires chargés de l'orientation active des collégiens. // ©  Université Lille 3
Des volontaires en service civique qui aident les lycéens à trouver leur formation dans les établissements d'enseignement supérieur. Entre déconvenues, belles découvertes et fort investissement personnel, les étudiants ambassadeurs intéressent les universités, de plus en plus nombreuses à déployer ce dispositif.

Ils devront être 5.000 d’ici 2021. C’est en tout cas ce que prévoit le protocole d’accord signé le 9 octobre 2017 entre l’agence du service civique, le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et le secrétariat d’État aux personnes handicapées, à propos des étudiants ambassadeurs.

Aussi appelés ambassadeurs de l’orientation, ces volontaires en service civique ont pour principale mission d’aider les lycéens à intégrer l’enseignement supérieur et, surtout, de faire connaître l’ensemble des formations existantes aux bac -3. Une ambition qui semble convaincre les universités puisqu’elles commencent doucement à s’y intéresser.

Des équipes plus soudées

C’est le cas de l’université de Nice-Sophia-Antipolis, dont les étudiants ambassadeurs viennent tout juste de commencer leur service civique. "Nous avons recruté sept jeunes, un par portail", indique Ali Douai. Pour le chargé de la mission orientation, ces volontaires sont une vraie force pour créer des liens entre les différentes disciplines.

"On fonctionne en triptyque avec le jeune, le chargé d’études et le chargé d’orientation. Toutes les deux semaines, les étudiants ambassadeurs se réunissent pour échanger sur les difficultés qu’ils ont eu sein de leur portail."

À l’université de Lille, le "parcours d’excellence", ce programme d'accompagnement de la troisième à la terminale, a été mis en place en 2016. Cette année, quatre volontaires ont été recrutés pour intervenir auprès des collégiens.

Pour Alexandra Bernard, coordinatrice du dispositif, les étudiants ambassadeurs apportent un regard neuf sur les questions d’orientation : "Bien qu'ils aient chacun un périmètre bien défini, ils disposent de bureaux commun où ils peuvent travailler ensemble et partager leurs idées."

Les volontaires ont ainsi organisé des quizz et un rallye pour retrouver la carte d’un étudiant, le prétexte à une visite détournée des locaux. "Ils nous poussent à sortir de notre zone de confort, il y a plus d’échanges entre les équipes pédagogiques", confirme Ali Douai, qui a déjà pu observer quelques changements de comportements en seulement quelques semaines.

Un équilibre à trouver

Une initiative qui n’a pourtant pas été toujours perçue d’un très bon œil. "Il a fallu faire de la prévention auprès des enseignants pour qu’ils comprennent que ces volontaires ont un statut intermédiaire, se souvient Alexandra Bernard. Ce ne sont pas nos sous-traitants, mais nos partenaires."

Même constat pour son homologue de l’université de Nice : "Nous avons essayé de recruter des volontaires assez matures pour que les relations avec notre personnel se passent dans les meilleures conditions, reconnaît Ali Douai, en insistant sur l'importance de bien cadrer leurs missions. Il faut rester vigilant, les étudiants ambassadeurs doivent être respectés ; ce ne sont pas nos stagiaires."

Il faut rester vigilant, les étudiants ambassadeurs doivent être respectés ; ce ne sont pas nos stagiaires.
(A. Douai)

À l’université de Poitiers, les huit volontaires accompagnent environ 350 lycéens dans leur orientation. Grâce à un jeu de société créé en 2015, UniversCity, les étudiants ambassadeurs tentent de déconstruire les idées reçues sur les études supérieures.

Pour Dominique Royoux, la priorité était surtout de gérer les éventuelles incompréhensions vis-à-vis de son équipe pédagogique. "Il aurait pu y avoir un conflit avec les conseillers d’orientation, admet le vice-président délégué en charge de l’orientation et de l’insertion. Aujourd’hui, tout le monde est satisfait : les missions des étudiants ambassadeurs et des professionnels de l’orientation sont complémentaires. Les volontaires répondent uniquement aux questions liées à la vie étudiante ; c’est une thématique qui revient très souvent pour les parents et leurs enfants."

Des formations indispensables

En fonction de leurs missions et du rôle qui leur sont attribués, les étudiants ambassadeurs suivent quelques heures de formation avec l’équipe pédagogique. Que ce soit en matière d’animation ou de connaissances sur les formations et les passerelles possibles, les volontaires doivent être prêts à répondre à toutes les questions des lycéens. "Chaque année, il y a des questions nouvelles auxquelles ils n’ont pas été préparés, mais ils doivent aussi savoir s’adapter", prévient Dominique Royoux.

Ces compétences acquises sont d’ailleurs un vrai plus pour les universités, qui semblent gagner en crédibilité auprès des lycées. "Nos collègues savent qu’ils peuvent compter sur les étudiants ambassadeurs. Ça montre aussi que nous sommes très impliqués dans ce processus d’orientation", appuie Ali Douai.

À l’université de Nice, les volontaires se prennent au jeu et imaginent déjà des modules d’orientation pour les lycéens, des foires aux questions, des conférences thématiques ou encore des vidéos de présentation pour satisfaire la demande des futurs étudiants.

Un dispositif chronophage

Ce dispositif, mis bout à bout, demande néanmoins beaucoup de temps et des moyens pour accueillir convenablement les volontaires. "Il y a un véritable investissement en termes d’accompagnement, confirme Alexandra Bernard. Il ne faut pas accueillir pour accueillir. Si les étudiants ambassadeurs sont en grande partie autonomes, ils ont cependant besoin d’un tuteur." La coordinatrice estime ainsi que ce dispositif représente 30 % de son agenda.

Cet investissement est d’autant plus mesurable pour les volontaires. Tous sont étudiants, de la L2 au M1 généralement, et travaillent environ 24 heures par semaine pendant huit à dix mois. Certains ont préféré prendre une année de césure, d’autres poursuivent leurs études bien souvent avec un emploi du temps aménagé.

Les universités et les enseignants ont donc dû s’adapter à ces nouveaux profils qui, certaines semaines, cumulent 25 heures de cours et 15 heures de service civique : "L'équipe a fait preuve de beaucoup de souplesse et d'ouverture d’esprit", assure Alexandra Bernard.

À l’université de Poitiers, certains ont préféré valider leur année en deux ans. "Pour nous, la réussite de leurs études reste une priorité", conclut la responsable lilloise.


Comment fonctionne le dispositif ?
Accueillir des étudiants ambassadeurs au sein d’un établissement n’est pas obligatoire. Au préalable, les universités doivent faire une demande d’agrément local à la DRJSCS (Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale) pour accueillir des volontaires en service civique. Le recrutement se fait ensuite directement en interne ou par le biais du site de l’agence du service civique.

L’université peut accueillir jusqu’à 40 étudiants ambassadeurs, âgés de 16 à 25 ans. Mais le niveau d’études, la durée et les missions ne sont pas strictement encadrés. Pour autant, un contrat doit fixer cet engagement entre le jeune, l’agence du service civique et son établissement d’accueil.

La durée de la mission varie de six à dix mois, à raison de 24 heures par semaine minimum. Quant à l’indemnisation des volontaires, elle s’élève à 580,55 euros, dont 107,58 euros versés par l’organisme d’accueil.

Lors de leur mission, les volontaires sont encadrés par un ou plusieurs tuteurs. En plus des formations organisées par l’agence du service civique, l’établissement peut également proposer à ses volontaires d’être formés en interne sur une thématique particulière.

Pauline Bluteau | Publié le