Exclusif. Une réforme de la formation des enseignants dans les starting-blocks

Erwin Canard Publié le
Exclusif. Une réforme de la formation des enseignants dans les starting-blocks
Les Espé sont-elles à l'aube d'une nouvelle réforme ? // ©  Stephane AUDRAS/REA
Les ministères de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur pourraient annoncer dans les prochaines semaines une réforme de la formation des enseignants. Parmi les options envisagées : un concours placé en fin de licence, mais une admission en fin de master.

La formation des enseignants bientôt de retour sur le devant de la scène ? Le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, n'a jamais caché sa volonté de la réformer. S'il a déclaré, à plusieurs reprises, ne pas vouloir "de grande loi" pour chambouler les Espé (Écoles supérieures du professorat et de l'éducation), le ministre de l'Éducation nationale a annoncé, notamment lors d'une réunion de préfiguration du conseil scientifique de l'Éducation nationale, le 9 octobre 2017, envisager de "faire évoluer considérablement ce qui se passe à l'intérieur des Espé".

C'est ce qui se jouerait actuellement dans les couloirs des ministères de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur. Le dossier serait repassé sur le haut de la pile depuis quelques semaines. Plusieurs sources évoquent la possibilité que ces changements ne concerneraient que la formation des enseignants du premier degré.

À de nombreuses reprises, le locataire de la rue de Grenelle a affirmé que l'école primaire était sa priorité. Il s'agirait d'aller vite d'abord sur la formation des professeurs des écoles. Cela apparaît toutefois peu probable car cela "signifierait une remise en cause profonde du corps unique d'enseignants de la maternelle au lycée", déclare à EducPros Jacques Ginestié, président du réseau national des Espé.

Des annonces en mars ?

Depuis plusieurs semaines, les réunions s’enchaîneraient entre le cabinet de Frédérique Vidal, celui de Jean-Michel Blanquer, la Dgesip, la DGRH et la Dgesco. De nombreux acteurs affirment même que des annonces ministérielles pourraient avoir lieu dès ce mois de mars. Car le calendrier – non confirmé par le ministère, qui n'a pas répondu à nos sollicitations – serait court : une mise en œuvre des nouvelles modalités du concours dès la session 2019, ayant pour conséquence une préparation à ce nouveau concours dès la rentrée 2018. "Quelque chose est dans les tuyaux, pour des annonces prochaines, mais on ne sait pas vraiment quoi", affirme un responsable d'une Espé.

S'il y a en effet peu de doutes sur une réforme de la formation des enseignants, son contenu, en revanche, reste flou. La question de la place du concours, actuellement en fin de première année de master, revient sur la table. "Il convient de s'interroger sur la place du concours, voire sur son existence", assurait Anne-Sophie Barthez, conseillère auprès de Frédérique Vidal sur le sujet, le 11 janvier 2018, lors d'une journée organisée par le réseau national des Espé. Jean-Michel Blanquer, lui-même, déclarait, le 16 janvier 2018, à l'Assemblée nationale : "La situation actuelle, avec le concours en fin de M1, ne satisfait pas tout le monde et suscite beaucoup d’interrogations."

Le concours en fin de M1 ne satisfait pas tout le monde et suscite beaucoup d’interrogations.
(J.-M. Blanquer)

Une admission déconnectée de l'admissibilité ?

Depuis, la réflexion semble avoir avancé. Le concours serait à tout le moins modifié, mais pourrait probablement également être déplacé. Le syndicat CGT Ferc Sup, dans un communiqué publié le 9 février 2018, a évoqué le contenu du "projet Blanquer". Le concours se déroulerait sous cette forme : des épreuves d'admissibilité placées en fin de troisième année de licence et des épreuves d'admission en fin de deuxième année de master. Durant le master, les étudiants seraient en alternance devant les élèves : le tiers du temps en M1 et à mi-temps, en M2.

Autre scénario possible : placer le concours en fin de L3, avec une admission non pas par des épreuves orales mais sur titre, dépendante de l'acquisition du master. "Ce serait une remise en cause du concours comme mode de recrutement, avec un master valant pour titularisation", juge Muriel Coret, responsable de la formation des enseignants au Snesup.

La piste du concours en fin de L3 ne serait pas surprenante. Le 16 janvier 2018, à l'Assemblée, Jean-Michel Blanquer l'avait qualifié "d'option intéressante". "Cela afin de donner deux vraies années de formation aux futurs enseignants", souligne Jacques Ginestié.

Le concours en fin de licence est revendiqué par de nombreux acteurs (des syndicats, le réseau des Espé, la Conférence des présidents d'université…), qui souhaitent, en parallèle, que les étudiants aient le statut de fonctionnaires-stagiaires et soient, par conséquent, rémunérés comme tels. Cette dernière option ne serait pas à l'ordre du jour car elle induirait de rémunérer deux ans durant les enseignants-stagiaires en tant que fonctionnaires-stagiaires, contre une année actuellement.

Des stagiaires qui ne seraient plus fonctionnaires

La solution pour proposer deux années pleines de formation tout en n'augmentant pas le budget ? Déconnecter l'admissibilité et l'admission : les étudiants n'étant pas titulaires du concours, ils ne bénéficieraient pas du statut de fonctionnaire-stagiaire. Ce serait "un vrai changement de mentalité", selon Jacques Ginestié. Le statut des enseignants-stagiaires serait dans ce cas proche de celui des contractuels. La CGT évoque des rémunérations de 450 euros mensuels en M1 et de 900 euros en M2, quand les enseignants-stagiaires actuellement en M2 touchent environ 1.400 euros nets.

Outre le concours, les maquettes de formation, la pédagogie, la place de la recherche et l'évaluation des formations pourraient également être concernées par une réforme qui, cinq ans après la mise en place des Espé, bouleverserait une nouvelle fois la formation des enseignants.

Erwin Canard | Publié le