Intelligence artificielle : comment sensibiliser les élèves de collège ?

Rachel Rodrigues Publié le
Intelligence artificielle : comment sensibiliser les élèves de collège ?
L'intelligence artificielle fait son entrée dans les établissements scolaires. // ©  Supatman/Adobe Stock
Avec l'essor récent du nouveau chatbot My AI sur Snapchat, les adolescents sont de plus en plus confrontés à l'intelligence artificielle et commencent progressivement à s'en saisir. Côté enseignants, l'enjeu de leur sensibilisation s'impose.

"Le devoir d'espagnol, c'est My AI qui l'a fait". La sortie, en avril dernier, d'un chatbot d'intelligence artificielle (IA) par le réseau social Snapchat a été comme un déclencheur pour de nombreux collégiens.

Hors de cet élève affirmant son recours à l'IA pour les langues vivantes, "beaucoup d'élèves nous en ont parlé", admet Philippe Perennes, professeur de technologie en Normandie. Cela fait quelques années que l'enseignant parle d'IA en cours, mais ce n'est que cette année qu'il observe un déclic chez ses élèves. "Quand je leur parle de ChatGPT, ils sont nombreux à dire qu'ils ont la même chose sur leur smartphone", affirme-t-il.

Gaëlle Hallez, professeure d'espagnol dans la Nièvre, a, elle aussi, demandé à ses élèves s'ils utilisaient l'IA au quotidien. "Certains m'ont répondu qu'ils s'en servaient en histoire, pour faire des fiches de synthèse sur un événement historique, ou bien en français pour redéfinir des figures de style ou chercher des phrases d'exemples".

Mieux encadrer leur utilisation et expliquer les limites de l'outil

Si la peur d'exposer les collégiens à un outil de triche potentiel domine chez des enseignants, d'autres abordent le sujet en classe. C'est le cas de Gaëlle Hallez. "Si les élèves l'utilisent sans nous, autant se renseigner et les accompagner pour qu'ils en aient la meilleure utilisation possible", étaye-t-elle.

L'enseignante a d'abord entamé une discussion informelle avec ses élèves pour définir ce qu'était ChatGPT. Puis, elle a testé le logiciel avec eux, pour réviser le thème de la découverte de l'Amérique avant une évaluation. "Je leur ai demandé d'analyser les réponses : garder les éléments corrects et écarter ceux qui n'étaient pas assez précis."

En les confrontant aux erreurs de l'IA, cet exercice montre aux collégiens la nécessité d'avoir du recul et de multiplier les sources. "Il faut leur faire comprendre que ce n'est pas un outil magique qui fera le travail à leur place", complète Miguel Naudon, professeur de physique-chimie au collège Joséphine Baker, au Mans.

Cette démarche implique d'expliquer concrètement à des élèves très jeunes le fonctionnement d'une IA générative comme ChatGPT. "Il faut verbaliser le fait que c'est une machine qui ne comprend pas ce qu'on lui dit ", détaille Emmanuel Menetrey, prof d'histoire-géographie dans l'académie de Dijon.

Des élèves de 4e et 3e au labo

Entre mars et mai, Miguel Naudon a encadré un groupe de 4e et de 3e lors de sorties réalisées au laboratoire informatique de l'université du Mans. Au cours de plusieurs ateliers, les jeunes étaient chargés de reproduire l'œuvre d'une artiste avec l'aide de Stable Diffusion, une IA générative d'images.

"Nous avons discuté des questions de droits d'auteur. À qui reviennent les droits d'une image créée grâce à l'IA : la personne qui a posé la question ou l'artiste qui a eu l'idée originelle ?"

"Les sensibiliser le plus tôt possible"

À l'âge de 13 ou 14 ans, les ados n'ont pas forcément le recul et la maturité nécessaires pour appréhender ce qui se cache derrière l'IA. "Au début, beaucoup pensent que derrière ChatGPT, il y a une vraie personne intelligente ou que l'outil va chercher ses informations sur internet", explique Nicolas Tourreau, professeur de technologie dans l'Académie de Toulouse.

Néanmoins, selon lui, il est "important de commencer à les sensibiliser le plus tôt possible pour en faire des utilisateurs avertis". Pour l'enseignant, cette initiation peut très bien s'inscrire dans le cadre de l'éducation aux médias et à l'information (EMI), dont les enseignants peuvent librement se saisir en classe.

Vers une introduction dans les programmes

Pendant les cours, "on peut l'utiliser pour travailler l'esprit critique à partir des réponses fournies", illustre Marie-Caroline Missir, directrice générale du Réseau Canopé, chargé de la formation continue des enseignants. "Autre exemple : les professeurs de français peuvent s'en servir pour générer des dictées afin de travailler certaines notions".

Au sujet de la technologie, de tout nouveaux programmes ont été commandés au Conseil supérieur des programmes (CSP) par Pap Ndiaye, ministre de l'Education, pour une entrée en vigueur "en septembre 2024".

Parmi les objectifs fixés pour les classes de fin du primaire et de 6e figurent, entre autres, l'introduction à des outils algorithmiques ou d'intelligence artificielle. "Cela permettra de donner aux élèves les clefs de compréhension du monde numérique, et notamment des outils liés à l’IA comme ChatGPT", précise le ministère, contacté par Educpros. Les textes des programmes sont attendus pour la fin juin.

Rachel Rodrigues | Publié le