Le Cines, la mémoire vive des datas de l’ESR

Romain Ledroit Publié le
Le Cines, la mémoire vive des datas de l’ESR
Boris Dintrans dirige le Cines depuis 2017. // ©  Cines
Installé à Montpellier, le Centre informatique national de l’enseignement supérieur veille sur les données scientifiques publiques depuis près de vingt ans. À quelques jours du déploiement du RGPD, le Cines entend se positionner comme un acteur national incontournable, au-delà du secteur de l’ESR.

De son propre aveu, il faut réveiller "la belle endormie". Cette belle endormie, c’est le Cines (Centre informatique national de l’enseignement supérieur). Son directeur, Boris Dintrans, arrivé à la tête de la structure publique en octobre 2017, entend bien faire connaître au plus grand nombre cet acteur unique de l’enseignement supérieur français. Le contexte s’y prête, alors que les questionnements autour du traitement, du stockage et de la protection des données n’ont jamais été aussi forts.

Créé en 1999, le Cines offre à la recherche publique française un service informatique de haut vol. Outre le calcul intensif permis par ses superordinateurs, il gère l’archivage de toutes les données de l’enseignement supérieur et l’hébergement de plates-formes numériques informatiques portées par les établissements.

Installé à Montpellier, cet EPA (établissement public à caractère administratif) de 60 salariés est placé sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Son budget annuel est de 5,5 millions d’euros, dont 4,6 millions de subventions publiques.

Vingt ans de calcul intensif

Si le Cines a été fondé en 1999, il faut revenir quelques années en arrière pour en trouver les premières traces. En 1980, le CNUSC (Centre national universitaire de calcul) est créé. Chargée d’héberger les applications scientifiques des chercheurs, la structure est établie à Montpellier. Une localisation qui ne relève en rien du hasard.

En effet, un plateau de l’entreprise nord-américaine IBM s’y est implanté en 1965, afin d’y produire ses ordinateurs à destination du marché européen. Après une tentative de fusion avortée entre le CNUSC et un autre serveur national, le SUNIS, basé à Lyon, l’État se pose la question du devenir du centre montpelliérain. "Puis le projet du Cines a émergé, aboutissant à sa constitution en 1999", rappelle Boris Dintrans.

À sa création, le Cines a plusieurs missions stratégiques, fixées par décret : être un centre de calcul numérique intensif au niveau national, exploiter les bases de données d’information et de documentation, apporter une expertise en matière de réseaux informatiques et effectuer des prestations avec des partenaires extérieurs, avec l’autorisation du ministère.

Il faudra attendre 2014 et un nouveau décret pour que le Cines soit doté d’une nouvelle mission : l’hébergement de matériels informatiques à vocation nationale, "dans la mesure de la disponibilité de locaux et de capacités techniques, électriques et de climatisation, ne compromettant pas l’exécution et l’évolution des deux missions précédentes", est-il précisé dans le texte législatif. Celui-ci faisant également du centre l’acteur national pour la préservation du patrimoine scientifique, en lui confiant la mission de "l’archivage pérenne de données électroniques".

L’époque des petites salles informatiques dans les laboratoires ou dans les universités est terminée.
(B. Dintrans)

Rationaliser les infrastructures

En 2018, dans un monde marqué par la multiplication des données et par les risques pesant sur la sécurité informatique des infrastructures, comment positionner le Cines ? Cette interrogation est d’autant plus légitime alors que l’université Montpellier 3-Paul-Valéry, voisine du centre, a été victime d’un sabotage physique des serveurs du site le 11 avril 2018, en marge du blocus de l’établissement.

"Ce cas fera date dans le milieu de l’enseignement supérieur : c’est un exemple typique des difficultés auxquelles peuvent être confrontés certains établissements, malgré leurs compétences et leurs qualités qui se sont illustrées dans la résolution de cette attaque. À l’avenir, il faudra rationaliser les infrastructures et densifier le matériel informatique. L’époque des petites salles informatiques dans les laboratoires ou dans les universités est terminée", affirme Boris Dintrans.

Dans ce contexte, le projet de développement à cinq ans est de placer le Cines "à la convergence des révolutions numériques, pour calculer, traiter, héberger la donnée et répondre à des usages qui passent forcément par ce type d’infrastructure", détaille le directeur. La logique défendue est proche de celle de Renater.

Pour être souverain dans un contexte mouvant, il faut s’appuyer sur des infrastructures d’excellence, permettant de bâtir une stratégie de long terme. En ce sens, le centre prévoit le renouvellement, en 2019, de sa machine de calcul intensif pour un budget d’environ 20 millions d’euros apporté par le Genci (Grand équipement national de calcul intensif).

Numériser l’administration française

Mais là où "la belle endormie" pourrait bien désormais avoir une carte à jouer, c’est en matière d’archivage des données. Alors que la France est en train de se doter d’un projet massif de numérisation de toute l’administration, via le programme Vitam (Vers un socle d’archivage électronique commun à toute l’administration), le Cines souhaite être présent sur ce segment, quitte à sortir de son champ historique, l’enseignement supérieur et la recherche. Il planche d’ailleurs actuellement sur l’obtention d’un agrément, afin d’héberger et de traiter les données liées au secteur de la santé.

"Avec la bibliothèque nationale de France, entre autres, nous faisons partie des acteurs en capacité de prendre en charge l’archivage des données, dans le cadre de Vitam, argumente Boris Dintrans. Il est essentiel que cette mission soit gérée par des acteurs publics ayant une vision claire et déterminée de l’enjeu des données, qu’elles soient issues des ministères de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’innovation, de la Justice, de la Santé ou de la Culture."

Romain Ledroit | Publié le