Renater, le "réseau des réseaux" qui connecte les universités

Romain Ledroit - Mis à jour le
Renater, le "réseau des réseaux" qui connecte les universités
En 2018, le réseau Renater est doté d'un budget d'environ 30 millions d'euros. // ©  plainpicture/Cultura/Andrew Brookes
Massivement utilisé mais peu connu, tel est le paradoxe de Renater. Le réseau national informatique, qui relie en France universités et centres de recherche, joue pourtant un rôle stratégique dans le déploiement des projets de recherche. Portrait de ce “réseau des réseaux”, à l’occasion de ses 25 ans.

Avec ses 12.000 kilomètres de fibre optique, Renater étend sa large toile partout en France métropolitaine et jusque dans les départements d’outre-mer. Le réseau national de télécommunications pour la technologie, l'enseignement et la recherche, également surnommé le “réseau des réseau”, célèbre en 2018 ses 25 ans. Telle une colonne vertébrale, le réseau informatique relie plus de 640 universités et centres de recherche entre eux. Un outil souvent méconnu de la communauté universitaire, qui l’utilise pourtant au quotidien.

Un réseau d’intérêt public

Alors que se cache-t-il derrière l’incontournable Renater ? “Je pense que nous sommes d’abord perçus comme un outil technique. Néanmoins, nos missions sont plus larges”, précise Patrick Donath, le directeur de Renater. Pour preuve : la stratégie du réseau informatique est portée par un GIP (groupement d’intérêt public) éponyme, qui réunit douze institutions de recherche, dont le CNRS, l’Inserm ou l’Inria, mais aussi la CPU (Conférence des présidents d’université) ou encore les ministères de l’Enseignement supérieur et de l’Éducation nationale.

Au-delà du déploiement constant du réseau, le plan stratégique 2017-2020 met aussi l’accent sur la nécessité d’accompagner la transformation des pratiques numériques de la communauté universitaire. Avec un maître mot pour 2018 : la “résilience” des équipements et des services. Pour Renater, il s’agit de proposer une qualité constante du réseau, partout en France et à tout moment. Un véritable défi, à l’heure de la massification des nouveaux usages numériques dans les apprentissages.

Prévoir les innovations de rupture

“Aujourd’hui, nous avons de plus en plus d’applications qui utilisent le réseau de manière continue, cela demande donc de nouvelles ressources”, constate Patrick Donath. Parmi les innovations suivies de près par le GIP, il y a l’augmentation annoncée de l’enseignement à distance. Tous les contenus produits devront passer par les fibres optiques du réseau, pour arriver jusqu’aux utilisateurs.

Pour l’instant, la grosse majorité de l'e-learning est portée par les universités, mais l’enseignement secondaire, lui aussi connecté à Renater, pourrait venir changer la donne. Au point que les membres du GIP parlent d'“innovation de rupture”. “Nous prévoyons d’ici à cinq ans l’utilisation grandissante du réseau par le secondaire, soumis lui aussi à la transformation numérique des apprentissages, explique Patrick Donath. Cela correspond à plusieurs millions de nouveaux entrants sur le réseau, dont des enseignants et des élèves.”

Pour tenir le choc, le réseau se met perpétuellement à jour en augmentant ses capacités de distribution et de relais dans les régions. La version 6 est en phase de déploiement : elle permettra des liaisons allant jusqu’à 200 gigabits par seconde, quand l'offre Internet réservée aux particuliers peut aller jusqu'à 1 gigabit.

Nous prévoyons d’ici à cinq ans l’utilisation grandissante du réseau par le secondaire, soumis lui aussi à la transformation numérique des apprentissages.
(P. Donath)

Le réseau des réseaux

Renater ne cesse d’adapter ses capacités aux besoins grandissants des établissements. C'est justement pour répondre à ces besoins qu'il a été créé. “Renater est né pour accompagner les grands projets de recherche qui généraient de très grands volumes de données, rappelle Patrick Donath. Les opérateurs commerciaux de l’époque ne permettaient pas de répondre à la demande de la communauté scientifique”.

Dans les années 1980, avec l'arrivée des micro-ordinateurs, les campus commencent à créer leur propre réseau. Apparaissent alors Vikman en Basse-Normandie, Syrhano en Haute-Normandie ou encore Aquarel en Aquitaine. Le problème : tous ne partagent pas les mêmes protocoles informatiques ni les mêmes structurations. “Au départ, l’objectif n’était pas de constituer un réseau Internet, mais de connecter des réseaux morcelés et de trouver un cheminement œcuménique dans la bataille des protocoles”, analyse Valérie Schafer, chargée de recherche à l’Institut des sciences de la communication (CNRS) et co-auteure avec Bernard Tuy de l’ouvrage “Dans les coulisses de l’Internet : Renater, 20 ans de technologie, d’enseignement et de recherche”.

D’un réseau des réseaux, nous sommes progressivement devenus un réseau d’interconnexion de campus.
(D. Vandromme)

“Il faut sans doute voir Renater comme un réseau de réseaux, avec, au départ, une approche ‘glocale’, mêlant des enjeux internationaux et locaux, poursuit Valérie Schafer. Des chercheurs reviennent notamment des États-Unis avec une connaissance d’Internet et de ses applications. En Europe des réseaux nés du monde des télécommunications sont déjà largement déployés, par exemple en France le réseau Transpac, qui transporte le trafic du Minitel. Les choix techniques sont ainsi débattus à l’international. Mais il faut aussi prendre en compte des initiatives régionales, nées notamment autour d’universités et de centres de recherche français qui souhaitent interconnecter leurs équipements et leurs équipes, et bâtissent des réseaux en région. La création de Renater s’appuie sur ces deux mouvements.”

S’ensuit un nécessaire mouvement pour fédérer l’action de grands acteurs de la recherche. Deux associations verront successivement le jour : Aristote en 1984, puis Réunir en 1986, qui comptaient déjà dans leurs rangs des membres du futur GIP.

Des premiers points de convergence naîtront dès 1990, appuyés par la sphère politique. Hubert Curien est alors ministre de la Recherche et de la Technologie. Le rapport Caseau, publié cette même année, propose ainsi la mise en place d’“une infrastructure de réseau informatique à haut débit, reliant les principaux centres ou communautés scientifiques français, ouverte vers les autres pays en réponse aux importants besoins de communications transfrontières”. L’ADN de Renater est posé : il sera un réseau de recherche national, ouvert à l’international avec une solide communauté apprenante, incarnée aujourd’hui par les JRES (Journées réseaux de l'enseignement supérieur).

Un réseau politique

“D’un réseau des réseaux, nous sommes progressivement devenus un réseau d’interconnexion de campus”, souligne Danny Vandromme, directeur de Renater de 1998 à 2011. Les mandats successifs, marqués par une volonté de construire un service “résilient, indépendant de prestataires ou de fournisseurs” ont permis de disposer aujourd’hui d’un réseau national solide en fibre optique.

Malgré tout, l’avenir du réseau n’a parfois tenu qu’à un fil : “Renater a été remis en cause et j’ai souvent eu besoin de justifier l’existence du GIP”, se souvient Dany Vandromme. Ce n’est pas une situation spécifique à la France, ce fut le cas dans d’autres pays européens.” Durant sa présence à la tête du réseau, l’ancien directeur a ainsi toujours vanté les mérites d’une vision européenne partagée en la matière, notamment avec l’Allemagne. “Renater a joué un jeu très collectif. Nous avons même été, à une époque, jusqu’à imaginer un fusionnement des deux réseaux de recherche, français et allemand.” À défaut de fusion, Renater continue de collaborer étroitement avec ses 38 homologues européens, tous réunis au sein du réseau Geant.

En 2018, personne ne semble plus remettre en question l’intérêt du GIP, doté d’un budget annuel d’environ 30 millions d’euros, dont 18 millions de dotations de fonctionnement issus du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. “Les enjeux à venir sont conséquents, prévient Patrick Donath. Open science, mégadonnées, internationalisation de la recherche… Renater est un acteur stratégique du développement de la recherche.”

Romain Ledroit | - Mis à jour le