"Ma thèse en 180 secondes" : les finalistes préparés à captiver le public

Sophie Blitman Publié le
"Ma thèse en 180 secondes" : les finalistes préparés à captiver le public
Séance de créativité lors de la formation des doctorants de Sorbonne Universités au concours "Ma thèse en 180 secondes" // ©  Claudine Prieur - UPMC 2015
Ici et là, des doctorants s’affrontent à coups de pitchs : les finales locales de MT180 s’enchaînent dans les regroupements universitaires. Après la Bretagne et la Normandie, Sorbonne Universités organise la sienne le 23 mars. La Comue a fait appel à une médiatrice scientifique pour préparer les candidats au concours mais aussi, plus largement, à parler de leur recherche face à un public.

Bientôt l’heure de vérité. Lundi 23 mars 2015, dans le prestigieux amphithéâtre Richelieu, les 18 finalistes de Sorbonne Universités, sélectionnés parmi une trentaine de candidats, monteront sur scène pour présenter leur travail de doctorat en trois minutes chrono. Relevant le défi d’être synthétique, précis et juste scientifiquement, tout en se montrant clair, accessible et captivant.

Pour cette troisième édition de "Ma thèse en 180 secondes", pas de finale régionale comme en 2014 : la compétition est organisée par les regroupements universitaires. Chacun d’entre eux sélectionne celle ou celui qui ira le représenter à Nancy le 3 juin pour le dernier round au niveau national, avant la finale internationale, qui se déroulera à Paris le 1er octobre, pendant la Fête de la science. Au fil des années, le concours piloté par la CPU (Conférence des présidents d'université) et le CNRS est devenu un véritable événement, contribuant à dépoussiérer l’image du doctorant et plus largement du chercheur, penché sur ses éprouvettes ou le nez plongé dans ses bouquins.

Les établissements ne s’y trompent pas, voyant dans cette compétition un bel enjeu de communication, mais aussi l’occasion de mieux former leurs doctorants à la prise de parole en public et à la vulgarisation scientifique. La plupart proposent désormais un accompagnement spécifique aux candidats et ne lésinent pas sur les moyens.

Sorbonne Universités a confié la mission à une consultante spécialiste de médiation scientifique, Alexandra de Kaenel. Ajoutant à cela l’organisation de la finale suivie d’un cocktail, des petits cadeaux pour tous les candidats et une tablette pour les deux lauréats – élus l’un par le jury, l’autre par le public – la Comue (communauté d’universités et établissements) a dégagé un budget de 15.000 euros, dont la moitié est dédiée à la formation.

"Chatouiller la curiosité du spectateur"

C’est ainsi que, début mars, les doctorants de Sorbonne Universités se sont retrouvés par petits groupes sur le campus des Cordeliers à Paris, pour deux jours et demi de coaching. Au programme tout d’abord : mesurer l’importance de la communication non verbale, et aussi celle du choix des mots utilisés. "Il faut allumer des images dans la tête des spectateurs", insiste Alexandra de Kaenel.

"C’est vrai qu’on a tendance à se focaliser sur le fond, sans toujours penser au public", reconnaît Alexandre Fruchart, en première année de thèse d’urbanisme à Paris 4 Sorbonne, qui confie : "Je suis souvent pris au dépourvu quand on me demande, dans la vie quotidienne, sur quoi je travaille. J’ai une vision très technique de mon sujet", en l’occurrence le passage, prévu dans la loi, d’une planification urbaine communale à une planification intercommunale.

Pour aider les jeunes chercheurs à "prendre du recul sur leur thèse et chatouiller la curiosité du spectateur", la deuxième journée de la formation est consacrée à une séance de créativité. À tour de rôle, les doctorants exposent leur sujet en une minute trente. Suit un échange de questions-réponses destiné à expliciter ce qui n’était pas suffisamment clair, et à mettre en avant le message principal. Chacun est alors invité à écrire sur des Post-it ce qui lui passe par la tête. Alexandra de Kaenel compte sur la reformulation et les associations d’idées pour faire émerger non seulement les points essentiels de la présentation, mais aussi des formules qui parlent au public et des images qui permettront d’égayer le discours. Ou comment des mécanismes de défense contre le cancer font jaillir l’expression de "câlin moléculaire"… Le tout dans une ambiance conviviale, bonbons et biscuits aidant à à stimuler l’imagination.

Soucieuse de s’éloigner du format académique, la formatrice demande ensuite aux doctorants de s’appuyer sur les Post-it pour écrire le story-board d’un spot publicitaire ou d’une bande-annonce qui donnerait envie de comprendre leur thèse.

Il faut allumer des images dans la tête des spectateurs.
(A. de Kaenel)

Un "coaching personnalisé", utile au-delà du concours

Après ces détours, la dernière journée de formation est plus axée sur le concours lui-même : chaque candidat est filmé pendant une courte présentation, toujours d’une minute trente, à l’issue de laquelle il reçoit les critiques des uns et des autres. "On a rarement l’occasion de se voir en train de parler face à un public", souligne Marie Lacroix, en troisième année de thèse de neurobiologie à l’UPMC, qui apprécie ce "coaching personnalisé". "Cela m’a permis notamment de prendre conscience d’un problème de stabilité au niveau des jambes car j’ai tendance à faire un mouvement de balancier, précise la jeune femme. Je fais aussi trop de gestes parasites de la main. Tout cela interfère et perturbe le message."

Des conseils qui se révèlent utiles au-delà de "Ma thèse en 180 secondes". C’est d’ailleurs l’une des raisons qui a décidé Marie Lacroix à participer au concours. "J’attendais que la formation m’apporte des clés pour être plus à l’aise à l’oral, à la fois sur la manière de s’exprimer et les questions à se poser pour recentrer son discours sur ce que l’on veut que son interlocuteur comprenne et retienne", explique la doctorante, pleinement satisfaite. "Je vais repartir avec un savoir-faire en plus", se réjouit également Alexandre Fruchart.

Je vais repartir avec un savoir-faire en plus.
(A. Fruchart)

"L’objectif est avant tout de donner à ces jeunes chercheurs des outils", rappelle de son côté Alexandra de Kaenel. Si elle s’appuie sur les sujets de chacun, pas question de préparer et de répéter mot à mot le pitch final – d’où les exercices en une minute trente, et non trois minutes. "L’exposé qui sera présenté devant le jury reste un travail personnel", insiste la formatrice, qui s’attache à "donner des pistes sans trop orienter ou influencer les candidats". Ce qui n’empêche pas ces derniers, bien sûr, de réutiliser des idées ou des formules qui ont émergé pendant la formation.

"Tout le monde a joué le jeu et contribué à aider les autres à améliorer leur performance, apprécie Alexandre Fruchart. Même si on se préparait au concours, on était aussi là pour apprendre." "Il y avait une bonne dynamique de groupe, de l’émulation mais pas de concurrence", confirme Marie Lacroix.

Lundi 23 mars, en revanche, place à la compétition. Et surtout à la présentation sur scène, devant plusieurs centaines de personnes. "Le plus difficile sera de gérer le stress", confie la doctorante. Sans oublier un point essentiel, maintes fois rappelé par la formatrice : sourire. Pour séduire le public mais aussi parce que "Ma thèse en 180 secondes" est l’occasion pour les jeunes chercheurs de parler de leur travail, qui s’apparente bien souvent à une passion.

Pour suivre l'actualité du concours, rendez-vous sur le site http://mt180.fr ainsi que sur Twitter, via le hashtag #MT180FR, et retrouvez ici les doctorants participant au concours.

Le calendrier des 25 finales locales

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