Pour une représentation unifiée des écoles et formations de management

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Pour une représentation unifiée des écoles et formations de management
Pour l'auteur de la tribune, il est temps de créer une conférence des écoles et formations de management. // ©  HEC
Dans une tribune rédigée pour EducPros, Jean-Pierre Nioche, professeur émérite à HEC, argumente en faveur de la création d’une conférence des directeurs d’écoles et formations de management. Une position déjà défendue dans un texte paru en octobre 2017 dans la "Revue française de gestion".

Objet d’une demande croissante depuis un demi-siècle, essentiel à la compétitivité du pays, le secteur des écoles et formations de management (EFM), universités et écoles additionnées, est devenu, en effectif, le premier dans l’enseignement supérieur français. Il figure aussi à une place éminente dans les classements internationaux. Mais personne, en France, ne lui reconnaît cette position, à commencer par le ministère de l’Enseignement supérieur.

Engagés dans un jeu concurrentiel de plus en plus international, parfois figés dans des attitudes corporatistes, les dirigeants des EFM semblent oublier qu’il n’y a pas de compétitivité internationale sans une solide base de légitimité nationale. Or le secteur des formations au management est un nain dans le jeu institutionnel. Et ses dirigeants en sont en partie responsables. Il est en effet le seul à ne pas être doté d’une instance représentative unifiée, parlant d’une seule voix aux parties prenantes nationales et internationales.

Un secteur faible dans le jeu institutionnel

L’atonie des EFM est manifeste face aux évolutions du cadre juridique de leur activité. Le ministère a ainsi négocié avec des lobbys particuliers deux nouveaux statuts pour les EFM, qui en comptaient déjà une dizaine. La réforme de la nomenclature des diplômes universitaires a été une occasion manquée d’harmoniser les intitulés de diplômes dans l’ensemble du secteur. La réforme des stages a montré des EFM ne sachant pas défendre des instruments dont elles ont été les principales initiatrices, notamment l’année de césure.

Les statistiques officielles sur le secteur des formations au management sont gravement défaillantes et contribuent à sa médiocre reconnaissance dans la société.

Les EFM se plaignent du manque de rigueur de certains classements réalisés par la presse. Seule une représentation unifiée des établissements permettrait d’exiger une déontologie minimale.

La montée en puissance des accréditations internationales a mis en évidence les insuffisances du dispositif national de garantie de la qualité. Les formations d’ingénieurs sont toutes évaluées par la CTI (Commission des titres d’ingénieur). Les formations au management sont évaluées selon deux systèmes distincts, même s’il s’agit de diplômes de même nature s’adressant au même marché de l’emploi : le HCERES (Haut Comité d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) pour les universités, la CEFDG (Commission d’évaluation de formations et diplômes de gestion) pour les écoles. Cette distinction, difficile à justifier sur le fond, contribue à la division du secteur.

La déficience des EFM s’est aussi manifestée face à des réformes qui réduisent leurs ressources. Qu’il s’agisse de celles qui touchent les CCI (chambres de commerce et d’industrie), de la ponction sur les fonds de roulement des établissements universitaires par Bercy ou de la réforme de la taxe d’apprentissage. Or de telles réformes, qui peuvent apparaître partielles, produisent des effets systémiques sur l’ensemble du secteur. Est-il satisfaisant pour les étudiants, les établissements, le pays, que l’enseignement du management en France devienne un secteur à deux vitesses, dont une sous-partie est poussée, par ces réformes, à devenir un business ?

Créer une conférence des directeurs des écoles et formations de management

Alors que la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) représente de façon unifiée toutes les formations d’ingénieurs, la faiblesse du secteur des EFM dans le jeu sociétal vient de l’éclatement de sa représentation entre plusieurs instances, chacune ne représentant qu’une partie de son sous-secteur.

Du côté des universités, IAE France rassemble 32 instituts d’administration des entreprises et les promeut, à juste titre, comme des "écoles universitaires de management". Mais les IAE constituent environ la moitié des formations universitaires en gestion. L’autre moitié, des UFR dédiées en tout ou en partie à la gestion, n’a pas de structure collective de représentation.

Du côté des écoles, une quarantaine d’entre elles, les plus reconnues, sont regroupées dans le Chapitre des écoles de management de la CGE (Conférence des grandes écoles). Mais celui-ci n’est pas indépendant, étant une commission de la CGE, dominée par les écoles d’ingénieurs. Et il existe de nombreuses autres écoles.

D’autre part, la FNEGE (Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises) a joué un rôle historique comme instrument de l’État pour développer ce secteur. Elle offre aujourd’hui des services aux formations de gestion des écoles et des universités. Mais sa structure juridique et sa gouvernance ne lui permettent pas de prétendre représenter les établissements.

Les formations au management doivent se doter, comme tous les autres secteurs de l’enseignement supérieur, d’une "Conférence des directeurs d’EFM". Pour être efficace cette instance doit être unifiée, représentative et indépendante. Unifiée, elle doit rassembler les directeurs d’EFM, quels que soient leurs noms et leurs statuts. Représentative, elle doit respecter la loi d’airain de la légitimité, donc être constituée des directeurs d’établissement, qui élisent leurs dirigeants parmi leurs pairs. Indépendante, elle doit avoir la personnalité morale, même si rien n’interdit de s’appuyer sur des structures existantes.

Une telle construction exige des leaders disposés à s’élever au-dessus des divisions du secteur pour lui permettre d’accéder à un niveau de reconnaissance nationale et internationale qui correspond à son rôle dans la société.


"Pour une Conférence des directeurs d’écoles et formations de management", Revue française de gestion, n° 268, oct. 2017, p. 133-147.

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