Revalorisation des salaires des enseignants : les syndicats refusent les contreparties

Thibaut Cojean Publié le
Revalorisation des salaires des enseignants : les syndicats refusent les contreparties
La conférence de rentrée du syndicat SE-Unsa a porté sur la revalorisation du métier d'enseignant souhaitée par le ministère. // ©  Thibaut Cojean
Tandis que Jean-Michel Blanquer a annoncé une enveloppe de 400 millions d’euros et le lancement d’un "Grenelle des professeurs", les syndicats enseignants se montrent frileux et préviennent qu’ils n’accepteront pas de travailler plus.

En janvier 2020, le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer promettait 500 millions d’euros pour revaloriser le salaire des enseignants en 2021, en compensation de la réforme des retraites. Aujourd’hui, il propose une enveloppe "d’environ 400 millions", assortie d’un "Grenelle des professeurs". De quoi rendre les syndicats méfiants.

Vers une refonte du métier d’enseignant ?

Cette nouvelle enveloppe, qui doit encore être votée par la représentation nationale, a été annoncée le 26 août dernier, lors de la conférence de rentrée du ministre. Jean-Michel Blanquer a expliqué qu’il souhaitait une gestion des ressources humaines de proximité. "Nous devons être capable d’écouter nos professeurs", a-t-il précisé. Une écoute qui pourrait donc passer par un nouveau Grenelle, annoncé quelques jours plus tard dans une interview au JDD. Ses objectifs, déjà énoncés lors de la conférence de rentrée : "une revalorisation sur le plan financier" et "améliorer le bien-être au travail".

Et même si Jean-Michel Blanquer prévoit une revalorisation "pluriannuelle" — "une annonce encourageante" pour SE-Unsa (syndicat des enseignants-Union nationale des syndicats autonomes), les syndicats enseignants ont globalement accueilli ces nouveautés avec méfiance. "La revalorisation, il en parle depuis trois ans, balaie Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes-FSU (Syndicat national des enseignements de second degré-fédération syndicale unitaire). On reste sceptiques, on attend de voir s’il y a des mesures très concrètes."

Même son de cloche du côté du Snalc (Syndicat national des lycées et collèges) : "On y va sans optimisme mais pour négocier réellement", prévient son président, Jean-Rémi Girard. Plusieurs éléments devraient en effet animer les débats, qui s’ouvriront dans les semaines à venir. Le premier élément tient sur les contreparties. Le ministre n’a pas caché qu’une refonte du métier d’enseignant est envisagée, et l’enveloppe de 400 millions pourrait concerner un volet plus large, incluant l’augmentation de salaire, le financement d’heures supplémentaires et la formation.

Plusieurs points de négociation

Augmenter le temps de travail des enseignants sera rejeté par les trois syndicats. "Travailler plus n’est pas une mesure de revalorisation", estime l’Unsa. "Dans tous les métiers, si vous travaillez plus, vous êtes payé plus, c’est de la rétribution", tranche Frédérique Rolet, tandis que Jean-Rémi Girard s’offusque qu’on puisse "demander des contreparties ou des efforts à des professionnels sous-payés par rapport aux autres fonctionnaires".

Autre couperet : à qui profiteront les 400 millions ? "Si c’est une partie pour du fixe, une partie pour des heures supplémentaires et une partie pour la formation, c’est ridicule", estime le président du Snalc. "Rapportée au nombre d’enseignants, cette somme ne permet pas une revalorisation de tout le monde", confirme Frédérique Rolet.

Si le ministère souhaite prioriser les jeunes enseignants, afin de redorer l’image du métier et faire face aux difficultés de recrutement, les syndicats demandent à ce que toute la profession en soit bénéficiaire. L’Unsa alerte également sur les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes.

En attente de mesures concrètes

Enfin, la question de l’équipement des professeurs sera sur la table. "Il y a une urgence à la prime d’équipement", demande la secrétaire générale du Snes. "Pour nous, l’équipement des personnels doit faire l’objet d’un crédit d’impôt pour tous", propose l’Unsa, pour ne pas "grever le budget de l’Education".

Avant même de rejoindre la table des discussions, les organisations syndicales semblent déjà échaudées par des débats redondants, mais restent déterminées à négocier. Et également à avoir des réponses. "Quel est l’objectif final ? interroge Jean-Rémi Girard. Combien à terme, et à quel terme ?"

Et si rien de concret n’émerge rapidement, le fatalisme risque fort de gagner les rangs des syndicalistes. "Personne ne sera surpris des positions des uns et des autres, poursuit le président du Snalc. On sait que ça va être compliqué et qu’on n’a pas beaucoup de chances d’être satisfaits."

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