Cinq PUI pilotes pour faire émerger davantage de start-up du monde de la recherche

Charlotte Mauger Publié le
Cinq PUI pilotes pour faire émerger davantage de start-up du monde de la recherche
Dans le cadre du PUI, Muriel Bardor, enseignante-chercheuse de l’université de Rouen Normandie, a créé une start-up spécialisée dans la production des anticorps thérapeutiques à partir des microalgues. (photo d'illustration) // © 
Cinq projets pilotes de pôles universitaires d’innovation (PUI) ont été choisis en France en novembre 2021. Ces projets s’appuient sur une meilleure communication entre les acteurs de l’innovation pour améliorer le transfert de connaissance vers le monde socio-économique. Formation, accompagnement, lisibilité ou détection sont les piliers choisis pour faire émerger davantage de start-up du monde de la recherche.

Une centaine de licornes et cinq fois plus de simples start-up issues de la recherche par an d’ici 2030. Dans un communiqué de janvier 2023, le ministère de l’Économie annonce son envie de voir le monde de la recherche accélérer ses interactions avec le monde socio-économique. Pour répondre à cet objectif, l'un des axes choisis est la création de 25 pôles universitaires d'innovation (PUI), chargés de structurer un écosystème autour de l'innovation, avec une enveloppe nationale de 160 millions d'euros.

Avant un déploiement national, cinq sites ont été choisis en novembre 2021 comme projets pilotes : Normandie université, l’université de Clermont-Auvergne et l’université de Montpellier (34), toutes trois dotées d’un budget de 2,5 millions d’euros, ainsi que Sorbonne université (75) et Unistra, l’université de Strasbourg (67), dotées elles deux d'1 million d’euros.

Créer un écosystème autour de l’innovation

Leur objectif ? Faire interagir de manière plus efficace les acteurs de l’innovation du territoire (universités, écoles d’ingénieurs, organismes de recherche, collectivités, etc.) ainsi que le monde socio-économique. "II y a un intérêt pour les chercheurs de voir leurs activités de recherche se transcrire dans des projets concrets de la société", estime Michel de Mathelin, vice-président de l'Unistra chargé du PUI Alsace.

"L'innovation est essentielle pour les entreprises, au risque d'une perte de compétitivité. Pour maximiser leur potentiel d'innovation, elles ont besoin de savoir ce qui se passe dans les laboratoires de recherche", explique Annie-Claude Gaumont, vice-présidente de la commission de recherche et co-coordinatrice du PUI Normandie.

II y a un intérêt pour les chercheurs de voir leurs activités de recherche se transcrire dans des projets concrets de la société. (M. de Mathelin, Unistra)

Comme le pôle universitaire d'innovation est lié aux acteurs du territoire, il est souvent marqué de l’empreinte de la région. À l’instar de celui de Normandie : "La philosophie de notre PUI est d'aborder les quatre grands secteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche en Normandie : l'innovation en santé et le bien-être, l'innovation énergétique et écologique pour l'environnement, l'innovation et la société numérique et, enfin, l'innovation sociale, le développement, culture et territoire", décrit Philippe Pareige, vice-président de l'université de Rouen Normandie et co-coordinateur du PUI Normandie.

"Le ministère demande des indicateurs, on espère augmenter de 20 à 50 le nombre de start-up créées sur trois ans", estime-t-il.

Détection, formation et accompagnement : la ligne de conduite du PUI

Pour tenir ces objectifs, la détection de projets porteurs est nécessaire : "L’un des objectifs des pôles est de faire émerger plus d’innovation de la recherche. Avec l’enveloppe restreinte d'1 million d'euros [le budget sera renforcé à l’issue de la phase de projet pilote, NDLR], la détection de l’innovation est l’une des activités privilégiées du PUI Alsace", sachant que, pour l’heure, une trentaine de start-up émergent chaque année de l’université de Strasbourg.

"Les enseignants-chercheurs ne sont pas des développeurs et l'inconnu de l’entrepreneuriat peut faire peur. Il est notamment très délicat pour un académique de mesurer la valeur de son innovation", prévient David Andreu, lui-même chercheur à l’université de Montpellier et créateur d’une start-up en 2018. La formation est alors un autre levier important. "On s’aperçoit que les chercheurs et chercheuses qui ont pris l’habitude des relations socio-économiques deviennent très actifs. Il faut donc les aider à passer le pas", confirme Michel de Mathelin.

Les enseignants-chercheurs ne sont pas des développeurs et l'inconnu de l’entrepreneuriat peut faire peur. Il est très délicat pour un académique de mesurer la valeur de son innovation. (D. Andreu, université de Montpellier)

L’accompagnement et la lisibilité de l’information sont aussi nécessaires. Muriel Bardor est la première enseignante-chercheuse de l’université de Rouen Normandie à avoir créé une start-up : "À l’époque, je me sentais incapable de porter une entreprise !, avoue-t-elle. Cela n'a pas été simple. Quand on arrive dans le monde de l'entrepreneuriat, il est parfois difficile de se repérer." Pour elle, le PUI est alors une bonne manière de faciliter la création. "Il sera plus simple de savoir vers quel guichet se diriger pour chaque étape du projet."

Entreprendre au détriment de la recherche fondamentale ?

Mais à quel point la mise en place d’un PUI impacte le travail traditionnel des chercheurs et chercheuses ou la recherche fondamentale ? Ils l’assurent : "Nous souhaitons mettre en avant aussi bien la recherche fondamentale — qui sert de ressourcement et qui pourra conduire à une application dans quelques années — que la recherche appliquée", appuie Annie-Claude Gaumont.

"Les chercheurs et chercheuses restent maîtres de leur décision : on rend possible la découverte de l'entrepreneuriat, sans l’obligation", complète Michel de Mathelin. Muriel Bardor souligne d'ailleurs : "Il n'y a aucun intérêt à les forcer à franchir le cap de la création de start-up. Malgré les structures qui accompagnent, ce n'est tout de même pas un parcours simple. Il faut donc avoir envie de le faire et être prêt."

Charlotte Mauger | Publié le