Écoles d'ostéopathie : pointées du doigt, les conditions d'agrément doivent être réformées

Élodie Auffray Publié le
Écoles d'ostéopathie : pointées du doigt, les conditions d'agrément doivent être réformées
Un rapport préconise de revoir la procédure d'agrément pour les écoles d'ostéopathie. // ©  Peakstock
En 2021, la campagne d'agrément des écoles d'ostéopathie avait été houleuse, avec le recalage de neuf d'entre elles, finalement validées face aux contestations. Remise en cause de toutes parts, la procédure est en cours de réforme, en vue de la prochaine campagne, prévue en 2026.

Pour les écoles d'ostéopathie, l'agrément est un sésame indispensable : il permet de délivrer aux étudiants le diplôme obligatoire pour exercer leur métier.

Pour obtenir cet agrément, valable cinq ans, les écoles doivent fournir un dossier examiné par la Commission consultative nationale d'agrément (CCNA), composée de représentants de la profession et des autorités. Cette commission vérifie, entre autres, le respect des critères concernant les locaux, l'encadrement pédagogique, la pratique clinique... A la fin de la procédure, la CCNA émet un avis et le ministère de la Santé tranche.

Une mécanique qui s'est enrayée, en juillet 2021, lorsque 9 des 31 écoles candidates s'étaient vu refuser le renouvellement par le ministère, sur avis de la CCNA. Face aux protestations des établissements déboutés, et à leurs premières victoires en justice, le ministère avait rétropédalé, en accordant à toutes les écoles, un agrément provisoire d'un an. Agrément pérennisé jusqu'en 2026, quelques mois plus tard.

Des failles dans la procédure d'agrément

Une période houleuse, qui a mis en évidence les failles de la procédure, et conduit le ministère de la Santé à charger l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) d’une évaluation du processus de délivrance de l’agrément des écoles de formation initiale et continue en ostéopathie et chiropraxie.

Dans son rapport, rendu en avril 2022, l'IGAS souligne notamment que "la formation dispensée par certaines écoles ne répond pas aux critères d'exigence". Elle pointe aussi plusieurs failles dans la procédure d'agrément dont le caractère déclaratif des dossiers qui "ne permet pas de s’assurer du respect de certains critères pourtant essentiels touchant en particulier à la pédagogie et au niveau des compétences professionnelles acquises lors des pratiques cliniques internes et externes."

Selon l'IGAS, "seule une vérification sur site permettrait une évaluation fiable de ces critères. Cette absence de réelle possibilité de valider la qualité de la formation dispensée a pour conséquence la délivrance de diplômes d’école sanctionnant des acquis variables avec des impacts sur la qualité des pratiques et sur la sécurité des usagers."

Pour faire évoluer ces critères, la mission préconise des contrôles sur site, réalisés par les Agences régionales de santé, ainsi que la mise en place d'un examen diplômant avec la participation de jurés extérieurs indépendants.

Une commission jugée partiale

Par ailleurs, le manque d'impartialité de la CCNA est également pointée du doigt. En cause notamment, le fait que certains membres de la commission enseignent aussi dans des écoles d'ostéopathie.

L'inspection estime ainsi que "la composition de la commission mérite un regard attentif tout à la fois porté sur les sujets des conflits d’intérêts de certains membres que de la représentation du MESRI. [....] Il apparaît que la situation de certains membres aux activités professionnelles plurielles (enseignant dans une ou plusieurs écoles, dont certaines appartiennent à une même entité privée), doit être appréhendée avec la plus grande vigilance".

C'est particulièrement le cas de Philippe Sterlingot, président du Syndicat français des ostéopathes (SFDO), qui enseigne, comme d'autres membres, dans plusieurs établissements. "Ce n'est pas un secret : cela figure dans ma déclaration publique d'intérêts transmise au ministère. Je donne 16 heures de cours sur la législation dans six écoles", rétorque l'intéressé, qui dit s'être déporté, lors de l'étude des dossiers de ces écoles.

Pourtant, au moins trois tribunaux administratifs, saisis par les écoles, ont reconnu le problème. Comme celui de Pau, pointant une "procédure irrégulière" en septembre 2023. Ou celui de Bordeaux, qui a considéré, en mai 2022, que Philippe Sterlingot "n'aurait pas dû prendre part aux travaux de la commission, relatifs aux renouvellements des agréments de l’ensemble des établissements".

En revanche, en mars dernier, au pénal, le tribunal correctionnel de Paris, saisi par l'école de Nice, a rejeté les accusations de "prise illégale d'intérêts". L'établissement niçois a fait appel. Quatre autres plaintes contre X ont été déposées auprès du parquet de Paris, pour le même motif.

Pour éviter ces conflits d'intérêt, l'IGAS recommande ainsi de réviser le fonctionnement de la CCNA (composition, calendrier...), mais aussi de proposer à tout nouveau membre de la CCNA une formation portant d’une part sur le rôle et les engagements des membres et d’autre part sur les critères d’agrément

Des propositions dans les mains du ministère de la Santé

Après la remise du rapport, les membres démissionnaires, dont Philippe Sterlingot, ont réintégré la CCNA. Des travaux ont été lancés en vue de réformer la formation et la procédure d'agrément, pour laisser le temps aux établissements de s'adapter d'ici la prochaine campagne en 2026.

Selon nos informations, ces travaux ont abouti à un nouveau rapport, récemment remis au ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux.

"Le problème, c'est la largesse des textes réglementaires. Sans modification de la loi, ça ne pourra pas changer et, pour cela, il faudra une volonté ministérielle", souligne un membre de la commission.

"Trop d'ostéopathes" : un métier à réformer

Selon l'IGAS, la France se place au "premier rang mondial en termes de densité et de progression" de nombre d'ostéopathes. "On peut estimer à 15.000 le nombre d’ostéopathes exclusifs. Une estimation haute évalue à 10.000 le nombre de professionnels de santé réalisant des actes d’ostéopathie, majoritairement de masseurs kinésithérapeutes."

Avec 42 professionnels pour 100.000 habitants, contre 34 aux États-Unis ou 8 au Royaume-Uni, la France est le pays qui compte la plus forte densité d'ostéopathes au monde, précarisant nombre d'entre eux.

Par ailleurs, le nombre d'étudiants en ostéopathie augmente également avec 10.300 étudiants en formation dans les 31 écoles en 2020, et de 1.831 diplômés en 2021, selon les chiffres de la DGOS. Avec un risque de saturation : "Il y a eu 2.000 diplômés en 2022. Il y en a trop, il faut mettre un numerus clausus ! Mais si ça doit s'écrémer, il faut que ça soit fait dans les règles de l'art", explique Hélène Duval, de l'Institut de formation supérieure en Ostéopathie (IFSO) de Rennes, qui faisait partie des recalés.

Élodie Auffray | Publié le