Logements étudiants : malgré des constructions, l'offre reste insuffisante

Isabelle Fagotat Publié le
Logements étudiants : malgré des constructions, l'offre reste insuffisante
En 2022, 173.000 logements sont gérés par les Crous. // ©  REA/François Henry
Alors que le nombre d’inscrits dans l’enseignement supérieur ne cesse de progresser, l'offre de logement peine à suivre. Certaines régions sont particulièrement tendues, notamment dans les grandes métropoles.

Il n’y a pas assez de logements en France pour accueillir les étudiants et les pouvoirs publics ont du mal à tenir les objectifs qu’ils s’étaient fixés. Alors que le gouvernement prévoyait la construction de 60.000 logements étudiants en 2018, seules 35.926 habitations à caractère social ont été mises en service en 2022.

"L’offre de logements pour étudiants est structurellement insuffisante. Elle ne permet ni d’accompagner la démocratisation de l’enseignement supérieur ni les nouvelles mobilités que l’on connaît avec le succès d’Erasmus ou celui de l’apprentissage dans le supérieur", souligne l’AIRES (Association interprofessionnelle des résidences étudiantes et services) interrogée par la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante au Sénat.

Une demande croissante de logements étudiants

En 2020-2021, 2,89 millions d’étudiants étaient inscrits dans l’enseignement supérieur alors que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche tablait sur une progression de 2,1% soit 2,95 millions d’étudiants à la rentrée 2021. Si tous ne quittent pas le domicile familial, ils sont de plus en plus nombreux à avoir recours à un logement indépendant pour suivre un cursus spécifique ou effectuer un stage dans une région différente.

L’augmentation régulière du nombre d’étudiants, la multiplication des filières spécialisées et le développement de la mobilité dans la plupart des cursus engendrent des besoins croissants. Mais les possibilités offertes, que ce soit en résidences universitaires ou en structures privées, restent largement en deçà des besoins.

233.000 logements étudiants à caractère social pour 700.000 boursiers

En 2022, 173.000 logements sont gérés par les Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires). On compte par ailleurs 60.000 places dans des logements sociaux gérés par les organismes d’HLM (habitation à loyer modéré) ou des associations comme Fac Habitat ou l’ARPEJ. Il existe donc 233.000 logements à caractère social disponibles en France alors que le pays compte plus de 700.000 étudiants boursiers.

Un retard dans la construction de logement que les gouvernements successifs souhaitent combler, sans succès... Et "la crise sanitaire a eu un impact sur le BTP qui a engendré un retard sur les mises en chantier de construction de nouveaux logements Crous", précise Alexandre Aumis, le sous-directeur à l’hébergement et au patrimoine du Cnous (Centre national des œuvres universitaires et scolaires). Selon lui, "ce sont 2.000 à 3.000 logements supplémentaires qui devraient cependant être disponibles à la rentrée 2022 et dans le cadre du plan de relance. Et environ 4.500 logements devraient être réhabilités d’ici 2023".

Des résidences privées pour palier le manque de logements étudiants

Face à cette pénurie, de nombreux acteurs privés se saisissent des opportunités. Le marché des résidences étudiantes privées est ainsi en progression. Ce secteur a notamment profité du dispositif Censi-Bouvard qui permet aux investisseurs en résidences meublées neuves de bénéficier de réductions d’impôts.

Selon une étude publiée en février 2022 par l’institut Xerfi, 61 nouvelles résidences ont été mises en service à la rentrée 2021 (contre 45 par an depuis 2010). Plus de 152.500 logements sont actuellement disponibles dans ce type de structures. L’étude met en exergue la montée en puissance de résidences "nouvelle génération" qui intègrent plus d’espaces dédiés au coliving (cuisine commune, lieux propices aux échanges) et au coworking (salle de réunion, par exemple), et qui proposent davantage de services.

La crise sanitaire et les bouleversements qu’elle a engendrés au niveau des établissements (développement des cours en distanciel) et de la vie étudiante (nécessité de pouvoir continuer à échanger) ont favorisé l’essor de ces structures. "Elles sont apparues comme de véritables résidences augmentées et sont devenues en quelque sorte des campus bis et des partenaires privilégiés des établissements", résume Jean-Christophe Briant qui a dirigé l’étude.

Néanmoins, le loyer pour un studio dans une résidence privée coûte en moyenne 520 euros par mois, soit une centaine d’euros de plus que pour un studio en résidence universitaire.

Favoriser le dialogue entre acteurs privés et publics pour répondre à la demande de logements étudiants

En matière de logements étudiants, certaines régions sont cependant plus tendues que d’autres. C’est le cas de l’Île-de-France, de l’agglomération lyonnaise, de Nantes, Lille ou Bordeaux.

"Les solutions doivent être envisagées localement, souligne Clotilde Marseault, chargée de mission vie étudiante et vie de campus à France Universités. Il faut favoriser le dialogue entre tous les acteurs : bailleurs publics, privés et établissements d’enseignement supérieur, et continuer à développer les observatoires du logement étudiant sur l’ensemble du territoire."

Ces observatoires permettent de dresser un état des lieux du stock de logements disponibles et de la progression du nombre d’étudiants sur un territoire donné, autant d’éléments qui peuvent servir d’appui aux politiques publiques et permettre d’affiner les programmes de construction de nouveaux logements étudiants dans les régions.

Isabelle Fagotat | Publié le