Parcoursup : premier bilan et effets de surprise dans les universités

Natacha Lefauconnier, Laura Taillandier Publié le
Parcoursup : premier bilan et effets de surprise dans les universités
L'université Paris-Descartes est suspendue à la confirmation définitive des candidats sur Parcoursup. // ©  Virginie Bertereau
Des licences en tension qui ne font pas le plein, des quotas qui bousculent les classements… La procédure Parcoursup révèle au fur et à mesure ses surprises. Sept nouveautés avec lesquelles les universités doivent désormais composer.

"Veuillez patienter, nous allons donner suite à votre demande..." C'était une des interrogations au lancement de Parcoursup : comment les candidats, lorsqu'ils recevront une réponse, réagiront-ils ? Se jetteront-ils sur le premier "oui" ou feront-ils preuve de patience pour mûrir leur choix ? Trois semaines après l'ouverture de la phase d'admission, force est de constater que c'est la deuxième option qui l'emporte.

Alors que le 8 juin 2017, 48 % des élèves avaient obtenu leur premier vœu sur APB, un an plus tard, sur Parcoursup, seuls 36,7 % des élèves ont répondu par un "oui définitif" à une proposition d'admission.

1. L'attente se prolonge

"On pensait que le processus serait beaucoup plus rapide, mais les lycéens sont frileux pour libérer des vœux, ils attendent le dernier moment", observe Jean-Michel Carozza, vice-président formation et vie universitaire de l'université de La Rochelle. Un constat qui s'explique par la stratégie des élèves : "Les candidats demandent les mêmes formations dans plusieurs universités : La Rochelle, Nantes, Bordeaux, Poitiers... Ils attendent de voir s’ils sont pris ailleurs." Résultat : le processus de désistement se ralentit encore depuis quelques jours.

Entre l'Île-de-France et les autres régions, la donne est parfois légèrement différente. "Il y a des tensions dans certaines universités très demandées, comme Paris 1, Paris 2. Certains candidats qui ont eu une place en périphérie (Évry, Cergy-Pontoise…) attendent de voir s’ils progressent dans la liste d’attente dans les universités parisiennes… Alors qu'en région, ça tourne plutôt bien", observe Sandrine Clavel, présidente de la Conférence des doyens de droit et de science politique.

Une attente "saine" pour les uns car elle laisse aux élèves le temps de se décider mais stressante pour d'autres. "À l'université de Strasbourg, il a fallu répondre aux inquiétudes de candidats – et surtout de parents –, qui ne comprenaient pas pourquoi, malgré leurs bonnes notes, ils étaient sur liste d'attente pour la Paces", rappelle Jean Sibilia, président de la Conférence des doyens des facultés de médecine de France. "La tension médiatique a peut-être participé au stress des candidats, mais finalement, ça s’est tassé assez vite."

2. Des licences phares qui ne font pas le plein

Contrairement à ce que l'on aurait pu croire, l'attente n'épargne pas les formations en tension telles que Staps ou Paces. "Ça n'avance pas. Je ne rentre que 4 ou 5 "oui définitif" par jour. À ce rythme, il va me falloir quatre mois pour atteindre ma capacité d’accueil, s'agace Didier Deliginières, le président de la Conférence des doyens d'UFR de Staps. Nous sommes tous confrontés au problème sans avoir d'explication..."

Même constat à l'université de Lille, de La Rochelle ou à Paris-Descartes avec des variations importantes selon les formations. "En Paces, notre formation est très demandée en France alors que nous avons encore 584 'oui' non définitifs pour 1.450 places", observe Frédéric Dardel, président de l'université Paris-Descartes. Du côté des instituts universitaires de technologie, les constats sont similaires. "Nous observons des choses inattendues : ce n'est pas forcément les formations où le taux de pression est fort qui se remplissent le plus vite", constate Rodolphe Dalle, le président de l'Assemblée des directeurs d'IUT.

Un phénomène "compliqué à analyser" pour les acteurs alors que le nombre de candidatures reste très conséquent pour ces formations. "En droit, nous n'avons que 10 % de "oui définitif", mais à Paris l'offre francilienne est énorme. Je comprends que les lycéens attendent de voir s'ils sont pris... En Paces, l'explication est-elle à chercher du côté des incertitudes de Paces One ?" interroge Frédéric Dardel.

Pour certains, comme Lynne Franjié, la vice-présidente formation de l'université de Lille, cet "effet" est lié à la fin de la hiérarchisation des souhaits et de la disparition des vœux 1 absolus.

Une explication plausible pour Claire Mathieu, directrice de recherche au CNRS, coconceptrice de l'algorithme Parcoursup. "Sur APB, certains ont dit que lorsqu'un candidat plaçait en vœu 1 une formation c’était un bon moyen de juger sa motivation. Cela a eu des effets nocifs, et le développement de stratégie de la part des lycéens", illustre-t-elle. "Prenons par exemple, un élève qui souhaitait en premier lieu faire une prépa HEC sélective, il pouvait être incité à mettre sa seconde option, la licence de droit, en premier pour être sûr de l’avoir."

Ce facteur pourrait expliquer que les licences dites en tension l’an dernier tardent aujourd’hui à faire entrer des "oui définitifs"". Autre explication : "peut être aussi la disparition des pastilles vertes avec des vœux qui ne correspondaient pas forcement l’an dernier aux souhaits des futurs étudiants", suggère la professeure du Collège de France.

3. Les universités face à leur popularité

Côté établissements, la procédure peut être un indicateur de l’attractivité de leurs formations. "Complètement ! Nous allons pouvoir faire des bilans très intéressants, mais il faudra analyser finement les choses. Certains UFR enregistrent 1.000 candidatures en plus comme à Nantes ou d'autres d'importantes chutes comme à Nice. Il peut y avoir plusieurs facteurs à prendre en compte comme l'ouverture de nouvelles places ou, à l'inverse, des problèmes de sectorisation", explicite Didier Delignières, qui invite à la prudence.

Il faudra donc attendre la fin de la procédure pour en avoir le cœur net en analysant le rang moyen d’appel sur la liste d’attente. "Nous allons pouvoir voir des choses intéressantes. En éco-gestion en Île-de-France par exemple, nous sommes en concurrence avec des prépas, des écoles postbac… Alors que nous avons beaucoup de candidatures – 12.000 –, nous verrons où nous nous situons, quelle est l’image que nous projetons", illustre Frédéric Dardel.

4. Quand les quotas bousculent les classements

Autre surprise : les quotas de boursiers et de candidats hors-secteur ont bousculé les classements établis par les commissions des vœux. Un chamboulement mal accueilli par les directeurs d'IUT. "Il faudra mieux penser les choses l'an prochain pour respecter les objectifs d’accueil mais aussi les principes de souveraineté des jurys", recommande Rodolphe Dalle. Un effet que tient à atténuer Claire Mathieu : "Que fait l’algorithme ? Si le taux de boursiers est fixé à 10 %, il fait remonter cette proportion de candidats autant que nécessaire dans le haut du classement. Mais les autres candidats bien classés le restent. C’était notre critère : produire un ordre d’appel qui soit proche du classement."

Dans les formations en Staps, où la proportion de boursiers est statiquement élevée, c'est le taux d'élèves hors secteur qui est venu changer la donne. "En ayant 50 % de candidats hors secteur avec un quota fixé à 1 % d'extérieur, ça bouscule... Le 1er devient le 100e et ainsi de suite...", illustre Didier Delignières. Un changement avec des conséquences parfois inattendues.

"C'est l'adresse des parents qui sert de domiciliation alors que des sportifs de haut niveau sont scolarisés depuis plusieurs années dans notre académie. Sur Montpellier, nous allons devoir voir comment prendre en plus ces étudiants." De même, à force de descendre sur la liste d'attente, les formations commencent à piocher davantage dans les candidats en "oui, si" et à en accueillir plus que prévu.

En droit, Sandrine Clavel ne constate pas de bouleversement majeur "sauf à Paris et dans les grosses facs de province au détriment de la petite université de proximité, en prévision du “droit à la poursuite d’études”".

5. Des disparités au grand jour

Claire Mathieu, la coconceptrice de l'algorithme concède l'importance des modifications des classements induites par le taux d'élèves hors secteur. "C’est le même raisonnement que pour les boursiers sauf qu’il s’agit d’un taux maximum. Si les élèves hors secteur sont très bien classés, cela peut effectivement ​ avoir un effet réel sur la tête de liste."

Ce problème a trouvé un écho particulier en Île-de-France où l'importance de l'offre de formations et la densité de population a accentué les choses comme en témoignent les taux publiés par le "Figaro". Surtout que les règles de recrutement ne sont pas les mêmes selon les filières et demandent certaines "acrobaties" pour gérer les élèves en réorientation.

Le président de l'université Paris-Descartes réfute néanmoins toute volonté d'exclure les lycéens de banlieue. "Ce n’est pas le classement qui en est la cause, assure Frédéric Dardel, statistiques à l’appui. Même là où nous avons regardé le lycée d’origine pour opérer le tri des dossiers, les élèves parisiens ne sont pas davantage en haut de classement que les candidats des banlieues."

Pour Claire Mathieu, "la règle n’est pas très différente de ce qui se passait précédemment". "Au moins, maintenant, le processus est transparent et on découvre le phénomène d’affectation dans l’enseignement supérieur. Cette visibilité peut permettre d’avoir un débat de fond sur ces questions importantes."

6. Des abandons inquiétants ?

Le chiffres des abandons a fait réagir sur les réseaux sociaux. Au 12 juin, on dénombre au total 44.689 candidats ayant quitté la procédure, qu'ils aient ou non reçu une proposition d'admission. Frédéric Dardel, qui y voit aussi "une surprise", relativise : "Avant, il n'y avait pas cette phase de démission. Ces étudiants ne venaient pas s'inscrire. Ce n'est pas forcément un échec du système. Au contraire, cela génère de la fluidité au système."

7. Les "oui, si" plébiscités ?

C'était une des dernières inconnues de la nouvelle procédure : les "oui, si" seront-ils bien accueillis ou feront-ils fuir les lycéens. Au total, 135.000 parcours personnalisés ont été proposés sur Parcoursup. Pour les universités, le bilan est pour l'instant positif.

En Staps, à l'université de Lille, la très grande majorité des élèves ont accepté la proposition de parcours adaptés qui leur a été faite. Même chose en LCCA japonais. Du côté de l'université de Nantes, les places se remplissent également comme à Rennes 1. Mais les acteurs restent prudents : comme pour le reste, le bilan définitif des "oui si" devra attendre.

Natacha Lefauconnier, Laura Taillandier | Publié le