Études de santé : les centres de simulation à la recherche des financements miracles

Martin Rhodes Publié le
Études de santé : les centres de simulation  à la recherche des financements miracles
Le coût initial de la plate-forme Ilumens, utilisée par l'université Paris-Descartes, a été évalué entre 3 et 5 millions d'euros. // ©  Martin Rhodes
Les futurs médecins et infirmiers sont désormais formés dans des centres de simulation utilisant la réalité virtuelle et des mannequins électroniques contrôlés par ordinateur. Pour acquérir ces technologies onéreuses et assurer leur fonctionnement, les établissements doivent redoubler d'ingéniosité.

Tous les CHU devront disposer d'un centre de simulation en santé d'ici à fin 2017. Une promesse faite fin 2015 par Marisol Touraine, alors ministre de la Santé. Qu'en est-il, à quelques semaines seulement de l'échéance ? "Entre les Ifsi [instituts de formation en soins infirmiers], les CHU [centres hospitaliers universitaires], les CH, les facultés de médecine et les établissements de santé, on dénombre une centaine de centres en France

Les 32 CHU sont quasiment tous équipés", constate Jean-Claude Granry, responsable du centre de simulation en santé d'Angers et président d'honneur de la SoFraSims (Société francophone de la simulation en santé), qu'il a présidée jusqu'au 2 octobre 2017. Selon l'Ordre national des médecins, le nombre de plates-formes du genre "a doublé en six ans".

La simulation, qui permet aux futurs professionnels de santé de se former sans risques pour les patients, est de plus en plus souvent inscrite au programme des études du secteur. La formation des infirmiers comporte ainsi obligatoirement des "mises en situation simulées".

Et la récente refonte du troisième cycle des études de médecine comporte des "techniques de simulation organiques, synthétiques ou électroniques, ou relationnelles". Mais ces équipements ont un coût, pouvant monter à plusieurs centaines de milliers d'euros.

Un mannequin à 200.000 euros

Parmi les établissements en pointe en matière de simulation en santé, l'université Paris-Descartes abrite, depuis 2013, le centre Ilumens (laboratoire universitaire médical d'enseignement basé sur les technologies numériques et de simulation). L'université, qui fournit les locaux à cette structure à but non lucratif, "ne finance quasiment pas le centre", confie Antoine Tesnière, directeur général de la plate-forme. "Les deux premières années, nous avons donc fait de l'intrapreneuriat, jusqu'à rassembler près d'un million d'euros de dons", se remémore-t-il. Ilumens compte aujourd'hui une vingtaine de partenaires, dont la Fondation Bettencourt-Schueller et Dassault Systèmes.

Estimé "entre 3 et 5 millions d'euros", le coût initial de la plate-forme comprend "environ un million de travaux et 2 à 3 millions de matériaux". Il faut dire qu'Ilumens abrite aujourd'hui une dizaine de mannequins haute, moyenne et basse fidélité : un modèle haute fidélité adulte coûte entre 80.000 et 200.000 euros, un modèle bébé ou enfant entre 30.000 et 60.000 euros.

Mais le modèle Ilumens n'est pas représentatif de toutes les situations. À Angers, le coût initial du centre de simulation en santé, ouvert en 2007, avoisinait "seulement" les 50.000 euros. "Au début, nous faisions avec les moyens du bord, dans une seule et unique salle, se souvient Jean-Claude Granry. En 2013, nous avons signé un GIS (groupement d'intérêts scientifique) avec le CHU et l'université d'Angers, ce qui nous a notamment permis de recruter un technicien et une assistante à mi-temps."

Les structures n'ont pas toujours de plan de financement sur le long terme, alors même que la simulation implique un ratio professeur-étudiants de l'ordre d'un pour cinq ou dix".
(A. Tesnière)

Si les fonds dédiés à la simulation en santé sont relativement nombreux, le centre d'Angers n'a pas répondu à un appel à projets dans le cadre du Programme d'investissements d'avenir (10 milliards d'euros pour le troisième volet, mis en œuvre dès 2017). Par manque de temps et de ressources humaines suffisants. Mais un PPI (plan pluriannuel d'investissement) a toutefois été signé avec l'université, le CHU, la communauté urbaine Angers Loire Métropole, le conseil régional et l'ARS (Agence régionale de santé Pays de la Loire).

Un professeur pour cinq élèves

Au-delà de la création même de la structure, reste à administrer, ensuite, les frais de fonctionnement. "Ces derniers peuvent aller d'une dizaine de milliers à plus d'un million d'euros, avec parfois un coût de maintenance annuel qui peut jusqu'à représenter la moitié du coût d'investissement initial", analyse un rapport sur le sujet, corédigé par Jean-Luc Granry et publié en 2012 par la HAS (Haute autorité de santé). Autrement dit, l'enjeu est moins de créer une plate-forme que de supporter son coût de fonctionnement, en termes notamment de ressources humaines.

"Les structures n'ont pas toujours de plan de financement sur le long terme, alors même que la simulation implique un ratio professeur-étudiants de l'ordre d'un pour cinq ou dix", rappelle Antoine Tesnière. Le coût de fonctionnement du centre parisien est compris entre 500.000 et 600.000 euros. La plate-forme compte près de 200 formateurs, essentiellement des universitaires et des formateurs hospitaliers.

Pour générer des recettes et amortir les dépenses, la formation continue est l'une des pistes à suivre. C'est la stratégie adoptée par le centre de simulation d'Angers, notamment. "Notre coût de fonctionnement était, en 2016, d'environ 480.000 euros. Les recettes, qui proviennent surtout de la formation continue, avoisinent, elles, les 400.000 euros", détaille Jean-Claude Granry, avant d'ajouter : "Nous ne sommes pas encore à l'équilibre. Pour la simple et bonne raison que la formation initiale, qui constitue 60 % de notre activité, est gratuite." Un ratio que l'on retrouve dans la grande majorité des centres de simulation.

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