Éric Heyer (OFCE) : "La meilleure politique de l’emploi pour les jeunes est une politique de croissance"

Danièle Licata Publié le
Éric Heyer (OFCE) : "La meilleure politique de l’emploi pour les jeunes est une politique de croissance"
Eric Heyer, directeur adjoint au département analyse et prévision à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) // DR // © 
Alors que le chef de l’État s’était engagé à inverser la courbe du chômage avant décembre 2013, Éric Heyer, directeur adjoint au département analyse et prévision à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), reconnaît une baisse bien réelle chez les moins de 25 ans. Pour autant, le gouvernement doit redoubler d’efforts pour les jeunes sortis du système scolaire sans formation et aussi pour ceux, qui avec un BTS ou un DUT en poche, sont les premières victimes de la crise économique.

François Hollande s’était engagé à inverser la courbe du chômage avant la fin 2013. S'il n’a pas tenu sa promesse, qu'en est-il pour les jeunes ?

Le président a quasiment respecté son engagement. Que nous disent les chiffres ? Avant tout qu’il est important de distinguer chômage des moins de 25 ans et taux de chômage des jeunes en recherche d'emploi. Tous les moins de 25 ans en âge de travailler ne sont pas à la recherche d’un emploi. Aujourd’hui, environ 9% des jeunes qui désirent entrer dans la vie active ne trouvent pas de job. Un chiffre inférieur à la moyenne nationale.

Pour autant, la bataille pour l’emploi est loin d’être gagnée. Car la population jeune qui cherche un job est très hétérogène. Elle se divise en trois catégories. La première est constituée de jeunes très diplômés qui sortent de grandes écoles ou d’un troisième cycle universitaire très spécialisé. Cette tranche de la population ne connaît ni le chômage (avec un taux de 4%, elle se situe au niveau d'un chômage structurel), ni la précarité puisque ces jeunes signent 900.000 contrats à durée indéterminée chaque année.

La deuxième catégorie englobe le bataillon des BTS et DUT mais également des masters, d’histoire ou de géographie par exemple. Pour cette population, l’accès à l’emploi est plus compliqué. Avant la crise, ils étaient moins touchés par le chômage que par la précarité de l’emploi, puisqu’ils cumulaient CDD sur CDD. Aujourd’hui, c’est la double sentence. Avec un bac+2, la probabilité d’être au chômage a fortement augmenté.

Quant à la troisième catégorie, les jeunes qui sortent sans diplôme, l’insertion est quasi impossible.

Environ 9% des jeunes qui désirent entrer dans la vie active ne trouvent pas de job

La politique menée par le gouvernement semble-t-elle porter ses fruits ?

Oui et non. En fait, toute la question est de savoir si le gouvernement veut s’attaquer aux jeunes victimes de la conjoncture ou à cette tranche de la population exclue faute de qualification. A priori, ce sont ces derniers qui sont principalement concernés par les mesures du gouvernement, via notamment les emplois d’avenir. Une mesure intelligente, parce qu’elle s’étend sur trois ans, mais aujourd'hui conjoncturelle, elle devrait devenir structurelle. C’est pourquoi il faudrait la pérenniser. À condition d’évaluer quels seront les métiers qui recruteront demain et d’accentuer le volet formation de ce dispositif.

Finalement, les victimes de la crise sont les jeunes bac+2 et bac+3 ?

Effectivement, leur situation est inquiétante. Il suffirait que l’économie redémarre pour que ces jeunes accèdent plus facilement à l’emploi. Hélas, la conjoncture restera morose en 2014. Après 0% de croissance en 2012 et en 2013, l’activité française progressera à peine de 1,2% cette année. Pas de quoi créer des emplois. Or, les statistiques le prouvent, plus ces jeunes resteront au chômage, moins ils pourront trouver un job. Le plus grave est qu’ils garderont tout au long de leur vie professionnelle les traces d’un début de carrière difficile, notamment en termes de salaire.

Mais les contrats de génération visent pourtant cette catégorie de jeunes ?

En effet, puisque les contrats permettent aux jeunes d’obtenir un CDI. Sauf que, faute de croissance, les entreprises n’embauchent pas.

Quelle est alors la meilleure politique de l’emploi ?

Une politique de croissance. Reste que la politique économique menée par le gouvernement Hollande, qui vise, sous les diktats de Bruxelles, essentiellement à réduire rapidement les déficits publics, n’est créatrice ni de richesses ni d’emplois. C’est ainsi que Bercy a tué dans l’œuf la reprise en 2010.

Danièle Licata | Publié le