Tribune : "Lutter contre la précarité étudiante, une nécessité"

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Tribune : "Lutter contre la précarité étudiante, une nécessité"
Les étudiants, en première ligne des manifestations du 10 décembre, restent mobilités contre la précarité. // ©  Simon LAMBERT/HAYTHAM-REA
Dans une tribune rédigée pour EducPros, Marie-Christine Lemardeley, adjointe à la Maire de Paris, en charge de l'enseignement supérieur, de la vie étudiante et de la recherche revient sur l'importance de la prise en compte de la précarité étudiante par les pouvoirs publics et les nombreuses actions qu'il reste encore à mener.

L’immolation d’Anas K., étudiant de 22 ans, devant le bâtiment du CROUS de Lyon au début du mois de novembre a rappelé tragiquement la précarité à laquelle font face nombre d’étudiant∙e∙s et leur difficulté à trouver l’écoute et l’aide nécessaires pour la surmonter.

Après ce geste désespéré, de nombreux rassemblements ont eu lieu à Paris et partout en France. Je comprends la vive émotion des étudiant∙e∙s, celle de la communauté universitaire et je la partage.

L’incertitude des étudiant∙e∙s face à l’avenir n’est pas nouvelle, mais ce drame est le signe que de trop nombreux étudiant∙e∙s sont prisonnier∙ère∙s des déterminismes économiques et sociaux. L’accès à l’université devrait être la garantie d’un avenir meilleur, mais pour beaucoup, il devient une cause de pression, d’isolement et de précarité. Cela doit toutes et tous nous interpeller.

Poursuivre la mobilisation

À Paris, comme dans les grandes métropoles françaises, la situation est aujourd’hui particulièrement tendue avec l’augmentation du prix des loyers, l’absence d’une offre suffisante de chambres universitaires et le coût souvent élevé des transports en commun. C’est pourquoi, depuis 2001, la Ville de Paris a fait le choix d’investir dans le champ de la vie étudiante au-delà de ses compétences obligatoires. Depuis 2014, la Ville a financé la construction de plus de 6.000 nouveaux logements sociaux étudiants, développé les colocations étudiantes solidaires et versé à près de 1.000 boursiers par an une aide à une première installation dans le parc privé.

Il reste cependant beaucoup à faire pour faciliter la vie des étudiants, et Paris continuera à se mobiliser à leurs côtés.

Paris soutient également le développement des épiceries solidaires étudiantes (AGORAé), propose la mise en place de frigos solidaires pour lutter contre le gaspillage alimentaire et mettre à disposition des repas gratuits dans les sites du CROUS de Paris. Pour aider les étudiants à se déplacer, nous avons mis en place un tarif Vélib à 18,60 € par an pour les étudiant∙e∙s boursier∙ère∙s et organisons régulièrement des bourses aux vélos aux abords des sites universitaires. Il reste cependant beaucoup à faire pour faciliter la vie des étudiants, et Paris continuera à se mobiliser à leurs côtés.

Offrir plus des moyens financiers aux étudiants

Au-delà de ces actions qui permettent à des centaines de milliers de jeunes d’étudier dans de meilleures conditions, nous devons renouer avec un modèle d’université qui favorise la coopération, l’entraide, le partage. Parce qu’ils sont les premiers à savoir ce dont ils ont besoin, nous devons continuer à donner aux étudiant∙e∙s les moyens de lancer des initiatives qui y répondent.

Paris finance ainsi chaque année près de 400 initiatives étudiantes associatives et met à disposition des lieux et des agents municipaux pour accompagner celles et ceux qui souhaitent mener des projets associatifs, culturels, d’entreprise sociale et solidaire. Depuis 2014, nous aurons financé l’adaptation de 12 espaces dans des restaurants du CROUS de Paris pour qu’ils restent ouverts en dehors des heures de repas et permettent de travailler et de se réunir.

La santé des étudiants, une autre priorité

Les étudiant∙e∙s doivent être considérés comme des adultes et des citoyens à part entière avec un besoin égal d’accès aux soins, à une offre sportive de proximité, à une offre culturelle de qualité, à une alimentation équilibrée et saine. Considérer que les aides aux étudiant∙e∙s doivent se limiter à un accompagnement financier, c’est ignorer la rupture que constitue pour nombre de jeunes le passage du lycée à l’enseignement supérieur. La santé des étudiant∙e∙s, physique comme psychique, est notre priorité. C’est pourquoi nous avons travaillé à améliorer l’accès à la santé des étudiants avec la rénovation de lieux de soins en secteur 1 au cœur du Quartier Latin (rue de l’Épée de bois et rue Quatrefages).

La mise en place de lignes d’écoute pour répondre à la détresse des étudiant∙e∙s isolé∙e∙s, comme le dispositif Nightline à Paris doit être étendue et s’appuyer sur un réseau de professionnels de la santé mentale. Il en va de même pour le réseau des épiceries solidaires que la Ville soutient ainsi que l’ensemble des espaces de vie et de travail collectif et de convivialité dont nous savons à quel point ils sont essentiels pour lutter contre l’isolement. Beaucoup a été fait en la matière mais les chantiers à venir sont majeurs et dans ce domaine la Ville ne peut pas agir seule.

L’accès à l’enseignement supérieur (...) ne peut pas dépendre de la capacité des familles et des étudiant∙e∙s à les financer.

Cette ambition de voir les étudiant∙e∙s pleinement intégré∙e∙s à la vie de la Cité repose sur le préalable que l’université publique doit demeurer un service public dont l’accès universel est garanti par le premier grade universitaire qu’est le baccalauréat. L’accès à l’enseignement supérieur doit continuer à reposer sur des critères académiques et ne peut pas dépendre de la capacité des familles et des étudiant∙e∙s à les financer. Sans ce préalable, ces efforts resteront non seulement vains, mais accentueront le profond désarroi provoqué par la distance grandissante entre la promesse d’émancipation que porte l’accès à l’enseignement supérieur et le mal-être psychologique dont témoignent 65% des étudiant∙e∙s parce qu’ils peinent à se nourrir et à se loger, s’interdisent de sortir et cessent de prendre soin de leur santé dès qu’ils ont franchi le seuil de l’université.

Cette situation n’est pas une fatalité : nous continuerons à agir dans ce domaine aux côtés de tous les acteurs concernés et compétents pour qu’étudier demeure, non seulement un horizon accessible au plus grand nombre, mais également un facteur d’émancipation intellectuel et social.

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