À Valenciennes, l'université se mue en université polytechnique

Morgane Taquet Publié le
À Valenciennes, l'université se mue en université polytechnique
Si, depuis plusieurs mois, l'université annonce haut et fort sa volonté de changer son modèle, elle n'a pu, pour l'heure, que modifier son nom de marque. // ©  Pierre HAVRENNE/PACHACAMAC-REA
Après la naissance de l'université de Lille le 1er janvier 2018, c'est au tour de l'université de Valenciennes de faire évoluer sa structure. L'établissement devient l'université polytechnique des Hauts-de-France. Elle entend structurer son offre de formation autour de deux pôles, en s’inspirant de l'EPFL.

Exit l'université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, place désormais à l’université polytechnique des Hauts-de-France. Depuis décembre 2017, l'établissement nordiste, fort de ses 12.000 étudiants, a changé de nom pour devenir "la première université polytechnique de France". La structure avait déposé la marque à l'Inpi (Institut national de la propriété intellectuelle) en novembre 2017, avant de modifier ses statuts en décembre. Pour l'instant, cette modification ne concerne rien d'autre que le nom de marque. Il faudra attendre encore un peu pour que la structure même de l'établissement évolue.

"Depuis une dizaine d'années, les choses bougent beaucoup en France, assure le président de l'établissement, Abdelhakim Artiba. Avant de rejoindre Valenciennes, j'ai moi-même observé des modèles différents à Montréal et en Belgique. Il allait donc de soi, quand j'ai pris la présidence, que nous devions revoir notre modèle d'université pluridisciplinaire, hors santé et psychologie."

Ce dernier concède volontiers que les PIA (Programmes d'investissements d'avenir) successifs ont donné "une impulsion forte à ce modèle de rupture qu'est l'université polytechnique". Il a fallu également composer avec la structuration, à 50 kilomètres de là, de l'université de Lille, née au 1er janvier 2018 de la fusion des trois universités de la métropole nordiste.

L’EPFL comme modèle

Dès 2016, le président initie un benchmark avec d’autres universités de la région et identifie plusieurs besoins. Son établissement doit "pouvoir accompagner environ 50 % d’étudiants boursiers dans leurs études, créer des enseignements professionnalisants adaptés aux bassins de l’emploi régionaux, s’ouvrir à l’international, tout en conservant une identité pluridisciplinaire", résume Abdelhakim Artiba.

Pour atteindre ces objectifs, l'université décide de réorganiser son offre autour de deux pôles : d'un côté, les sciences et technologies, et de l'autre, les humanités. Son modèle ? L'EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne), en Suisse, et ses collèges humanités et sciences dures.

C'est dans l'ADN d'une université professionnalisante comme la nôtre. Notre spécialisation est un outil de structuration de notre territoire.
(A. Artiba)

Des cursus sur mesure

À terme, dans cette université polytechnique, les étudiants pourront composer leur cursus sur mesure, en choisissant leurs modules au sein des deux pôles. Si un jeune choisit une licence de mathématiques, il aura un socle de base et pourra choisir jusqu'à 40 % de modules en lettres. "Nous serons dans une flexibilité encadrée", souligne le président.

Outre cette flexibilité des parcours, le projet d'établissement vise à retenir les diplômés pour favoriser l'emploi sur le territoire. "C'est notre rôle social, et c'est dans l'ADN d'une université professionnalisante comme la nôtre, argumente Abdelhakim Artiba. Notre spécialisation est un outil de structuration de notre territoire, en complémentarité avec les autres universités de la région et la Belgique toute proche."

Chaque campus aura donc sa spécialité : à Cambrai, l'agroalimentaire et la logistique, à Maubeuge, la cybersécurité, à Wallers-Arenberg, le multimédia et le numérique, et à Valenciennes, les transports, la mobilité et la silver autonomie, dédié au troisième âge.

Vers un septième Insa ?

Outre la restructuration en deux pôles, la fusion de trois de ses composantes de formation (la faculté des sciences et métiers du sport, l'institut des sciences et techniques et l'école d'ingénieurs interne, l’Ensiame) devrait donner naissance au septième Insa de France. "Une fois créé, l'Insa Hauts-de-France deviendra une école publique, membre de l'université polytechnique. Nous souhaitons que l'école soit doté d'un statut d'EPSCP [établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel] au sein de l'EPSCP université polytechnique des Hauts-de-France", avance Abdelhakim Artiba.

Si, depuis plusieurs mois, l'université annonce haut et fort sa volonté de changer son modèle, elle n'a pu, pour l'heure, que modifier son nom de marque. L'évolution de ses statuts est en effet directement liée au projet de loi pour un État au service d'une société de confiance. Celui-ci autorisera, via l’article 28, le gouvernement à instaurer par voie d'ordonnance la possibilité d'expérimentation en matière de politique de site.

"Nous ne savons pas ce qu'il y aura dans l'ordonnance, mais nous sommes tous d'accords sur le cadre, et je fais confiance à la ministre, qui connaît bien l'université", déclare le président. L’établissement espère voir publier le décret de création de l'Insa Hauts-de-France début 2019, pour une mise en place de sa nouvelle offre de formation en 2020.


Quels moyens pour l'université polytechnique ?

L'université s'appuie sur ses ressources propres, et compte sur l'accompagnement de tous les acteurs industriels et institutionnels parmi lesquels la Région et l'État. Outre sa candidature à des projets européens, elle sera sur les rangs pour répondre à la phase 2 de l'appel à projets "nouveaux cursus universitaires" du PIA 3. "Je n'ai jamais promis que nous deviendrions le MIT ou Harvard ou même, plus près de chez nous, Louvain. Mais, nous sommes utiles, et nous faisons le choix de nous spécialiser en opérant un virage institutionnel. Alors, financez-nous à la hauteur de nos ambitions !" lance le président.

Morgane Taquet | Publié le