20 ans de Comosup : la communication face aux évolutions des universités

Propos recueillis par Sophie Blitman Publié le
Association professionnelle des responsables de communication des universités, Comosup fête cette année ses 20 ans. Pour son président Dominique Thieulent , par ailleurs directeur de la communication de l’université du Havre, afin de répondre à une concurrence accrue, les équipes dirigeantes des universités devraient évoluer en associant davantage les services communication à la réflexion stratégique. Interview.

Dans quelle mesure les évolutions récentes de l’enseignement supérieur ont-elles transformé la communication des universités ?

Aujourd’hui la concurrence entre établissements est plus forte. En outre, la baisse démographique actuelle nous oblige à davantage communiquer pour attirer plus d’étudiants. Mais ce n’est pas qu’une question quantitative. Il nous faut aussi communiquer sous des formes différentes, en utilisant les nouveaux supports de communication : en particulier, au-delà de nos portails Internet, les réseaux sociaux sont devenus incontournables.
Par ailleurs, nous avons aujourd’hui davantage une démarche marketing, et non plus purement institutionnelle. Nous devons en effet mettre l’accent sur nos spécificités, sans faire forcément de la publicité comparative, mais, dépassant nos vieilles pudeurs, cette comparaison est de plus en plus explicite. C’est une contrainte, sans qu’il y ait là de connotation péjorative. Certains établissements bougent plus vite que d’autres, parce qu’ils ont plus vite compris la nouvelle donne : c’est un fait.

Qu’est-ce que la mise en place de la loi Liberté et responsabilité des universités (LRU) a changé dans la communication des universités ?

La mise en application de l’autonomie a nécessité de communiquer en interne auprès des enseignants-chercheurs, mais aussi à l’extérieur vis-à-vis de nos partenaires institutionnels et socio-économiques. Il a fallu notamment rassurer les entreprises, qui se sont inquiétées des mouvements de protestation un peu répétitifs, et leur expliquer ce que les responsabilités et compétences élargies ont changé dans le fonctionnement des universités.

“Les services de communication sont encore peu nombreux à être réellement pris en compte par les équipes de direction”

Quels sont, selon vous, les nouveaux enjeux de la communication des universités ?

Il faut accompagner mieux encore ces évolutions. À condition, cependant, d’être mieux associés, plus en amont, à la réflexion stratégique des établissements et à la préparation des contrats quinquennaux : cela permet de mieux comprendre les attentes et les objectifs, et d’être plus à même de proposer des plans de communication.
Or, les services de communication sont encore peu nombreux à être réellement pris en compte par les équipes de direction. Même si c’est un peu caricatural, on nous dit encore trop souvent : “Nous avons décidé ça, mettez-le en œuvre.” Si l’on veut vraiment pouvoir répondre aux mutations que connaît actuellement l’enseignement supérieur, il faut davantage associer les personnels de communication. Les outils, on se les approprie au fur et à mesure, certes plus ou moins vite selon les uns et les autres. Mais nous avons surtout des progrès à faire en ce qui concerne le mode de fonctionnement des universités.

La dernière enquête de l’ARCES (Association des responsables de communication de l’enseignement supérieur), qui réunit elle universités et grandes écoles, montre pourtant “une montée en puissance stratégique de la communication”, dont les services sont plus systématiquement associés au comité de direction.

Cette évolution est lente et, franchement, dans les universités ce n’est pas la norme. Je tiens ici à préciser que Comosup ne se situe pas dans une logique de concurrence vis-à-vis de l’ARCES – d’ailleurs, nous sommes quasiment tous également membre de l’ARCES. Cela nous permet d’avoir des perspectives de réflexion plus larges, tandis qu’au sein de Comosup, nous nous recentrons sur les spécificités des universités.

“Le recours aux consultants ne doit pas entraîner une externalisation progressive de la communication des établissements”

Que pensez-vous de l’appel, de plus en plus fréquent, aux agences de communication ou cabinets de conseil ?

Beaucoup d’établissements font en effet appels à des consultants pour élaborer leur stratégie globale de communication. Je ne suis pas opposé à ce genre de démarche, si elle n’est pas systématique et se fait en concertation avec les services concernés.
Les services communication se sont professionnalisés, mais ne sont peut-être pas encore prêts à réagir à tout, et un regard extérieur peut être intéressant. À condition qu’il ne s’agisse pas d’une demande de l’équipe dirigeante plaquée en parallèle de la réflexion du service communication. Le recours aux consultants ne doit pas entraîner une externalisation progressive de la communication des établissements.

Cette hypothèse est-elle selon vous probable aujourd’hui ?

Non, je ne pense pas qu’il y ait de risques pour l’instant, mais, compte tenu de leurs moyens, les universités recherchent de plus en plus l’externalisation de certaines fonctions et cela pourrait être une tentation. Ce qui me paraîtrait extrêmement dommageable et dangereux. Car si, dans le domaine du conseil et de l’expertise, le recours aux consultants peut être une bonne chose, uniquement vues de l’extérieur, l’appréhension et la compréhension globales des problèmes ne seraient pas optimales. Non seulement la culture universitaire est particulière, mais surtout, nous avons une mission de service public : l’accueil de tous les bacheliers.
Nous devons nous donner les moyens de les accueillir tous, dans la perspective de limiter les taux d’échec. Traitée d’un point de vue extérieur, je ne suis pas sûr que cette question ne soit pas vue comme une contrainte…

Comosup fête ses 20 ans

Fondée en 1991, l’association des responsables de communication des universités se limitait à l’origine au Grand-Ouest où elle rassemblait une quinzaine de membres. “En 2003, devant les sollicitations d’autres responsables de communication qui n’étaient pas dans ce périmètre, nous avons décidé de nous ouvrir en association nationale, mais en conservant cette spécificité universitaire”, détaille Dominique Thieulent, directeur de la communication de l’université du Havre et président de Comosup.

La trentaine d’universités membres réfléchit néanmoins à s’élargir au périmètre couvert par la Conférence des présidents d’université qui inclut aussi des écoles. Une ouverture qui ne fait cependant pas partie des priorités de l’association, désireuse de se concentrer sur des thématiques, comme la mise en œuvre et l’évaluation des plans de communication, les relations avec la presse, notamment nationale, ou encore, dans une moindre mesure, le droit de la communication.

Plus d’informations sur le site de comosup .

Propos recueillis par Sophie Blitman | Publié le