Formation des enseignants : vers un parcours global en cinq ans, dès la rentrée 2025

Amélie Petitdemange Publié le
Formation des enseignants : vers un parcours global en cinq ans, dès la rentrée 2025
Les effectifs en master de l'enseignement, de l'éducation et de la formation ont baissé de près de 17% entre 2021 et 2022. // ©  Adobe stock/Studio Romantic
Une réforme de la formation des enseignants devrait à nouveau voir le jour, à la rentrée 2025. Un parcours post-bac de cinq ans, laissant la place à la pratique pendant le master, pourrait améliorer la lisibilité et l'attractivité de la formation. Le concours serait avancé en fin de licence 3.

Selon des chiffres du ministère de l'Enseignement supérieur, les effectifs en MEEF (master de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) ont baissé de près de 17% entre 2021 et 2022. Parmi les causes de cette désaffection : un manque de lisibilité de la formation, une perception dévalorisée du métier, et des salaires trop bas comparés au reste de l'Europe.

La formation des enseignants devrait donc être réformée pour la rentrée 2025. Le ministère de l'Éducation nationale a présenté plusieurs scénarios aux syndicats, fin novembre 2023.

Une formation au métier d'enseignant du premier et du second degrés dès la licence

Il envisage la mise en place de deux types de licences. Pour enseigner dans le premier degré, des licences pluridisciplinaires ou la généralisation du PPPE (Parcours préparatoire au professorat des écoles). Pour le second degré, des licences disciplinaires sont prévues.

Ces formations comprendraient également des modules de sensibilisation aux métiers de l'enseignement et de préparation aux concours, ainsi que des périodes en établissement scolaire. Cette option s'inscrit dans la continuité des UE de préprofessionnalisation, déjà mis en place en licence, qui "compensent la baisse de vocations", observe Patrice Laisney, directeur adjoint de l'Inspé (Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation) d'Aix-Marseille (13).

"Débuter la formation dès la licence est une piste intéressante", estime Guillaume Gellé. Le président de France Universités note "une attente des étudiants d'avoir une voie post-bac pour devenir enseignant".

Articuler théorie et pratique

Le nouveau parcours sur cinq ans devrait allier la théorie et la pratique.

C'est tout l'équilibre que les Inspé tentent difficilement d'atteindre. "Depuis une bonne dizaine d'années, les étudiants sont tiraillés entre la préparation du concours et l'éventuelle formation en Inspé. Cela s'articule mal", pointe Alain Boissinot, coordinateur de la revue "Enseigner, un métier d’avenir".

La réforme pourrait s'inspirer du modèle des études en médecine, avance Claude Lessard, également coordinateur de la revue. La formation de ces étudiants s'organise entre un temps de formation à l'université et la pratique à l'hôpital. Une idée qui séduit Alain Frugière, président du réseau national des Inspé : "Aller sur le terrain et se confronter à la réalité permet de voir rapidement si le métier nous plaît".

Le réseau des Inspé tient également à garder la formation au sein de l'université, afin que les étudiants soient toujours en lien avec les nouveautés de la recherche.  

Placer le concours en fin de troisième année de licence

Avec une formation dès la licence 1, le concours interviendrait en fin de troisième année de licence, et ce, afin que le master MEEF soit davantage dédié au développement professionnel des futurs enseignants. Les étudiants seraient alors fonctionnaires-stagiaires dès le M1, au lieu d'attendre le M2. Ils seraient en observation lors de la première année, puis en responsabilité la deuxième année.

Jusqu'à présent, le contenu du master MEEF est essentiellement tourné vers la préparation du concours qui arrive en M2. "Même si ce n'est pas le seul objectif, réussir le master MEEF et échouer au concours n'a pas de sens aux yeux des étudiants", explique Patrice Laisney.

Cette organisation induit aussi une deuxième année de master très lourde pour les étudiants qui doivent à la fois se préparer au métier d'enseignant et au concours, mais aussi valider les enseignements et rendre un mémoire. Patrice Laisney s'interroge sur l'utilité même du concours sous sa forme actuelle.

"Il y a un contrôle continu pour obtenir le master : quand on délivre un master, c'est qu'on pense que l'individu est capable de prendre en charge des classes. S'il doit y avoir un concours en M2, il faut qu'il comprenne des épreuves plus pratiques", suggère-t-il.

Un salaire dès le master 1

Autre évolution notable, le projet de réforme prévoit la mise en place d'un salaire dès la première année de master. Pour Alain Frugière, cette piste est un point positif qui devrait améliorer l'attractivité du métier d'enseignant. "Le plus important, c'est de former les étudiants sur cinq ans et de les sécuriser financièrement", affirme-t-il.

La dernière réforme de la formation, qui visait déjà à professionnaliser le master, a en effet entraîné des difficultés. "Il y a des bourses et des stages, mais ce n'est pas un salaire, ni la tranquillité d'esprit d'avoir passé le concours", souligne Alain Frugière.

Des questions à trancher

Plusieurs questions restent en suspens. D'une part, que faire des étudiants qui n'auront pas le concours en L3 ? "Nous pouvons imaginer un dispositif de re-préparation au concours, avec deux types d'étudiants dans les promotions de master 1 : ceux qui sont lauréats du concours et ceux qui ne le sont pas", projette Patrice Laisney. Une situation déjà connue, à l’époque où les étudiants passaient le concours en master 1 puis continuaient leur formation.

La question de l'accompagnement au concours des étudiants venant d'une autre licence se posera également. Un étudiant pourra en effet passer les concours de l'enseignement sans suivre la licence dédiée auparavant.

Fin janvier, France Universités estimait que le ministère arbitrerait prochainement sur les détails de la réforme.

Des réformes qui s'accumulent sans évaluation de leur impact

Le master MEEF avait déjà fait l'objet d'une réforme, mise en place en 2021. Le concours avait alors été déplacé du master 1 au master 2. "Quasiment de manière unilatérale, le gouvernement a remis à l'ordre du jour une réforme, sans avoir fait l'évaluation de l'impact de la précédente. En dix ans, nous avons connu trois réformes, et à chaque fois, elles ne sont pas évaluées efficacement. Réformer l'éducation, c'est lent, il faut apprécier les effets sur la durée", pointe Patrice Laisney.

À peine la première réforme appliquée, les universités doivent à nouveau "revoir leur copie" pour repenser les formations. S'il est favorable à une réforme, il regrette le "manque de considération" envers des équipes pédagogiques "épuisées".

Amélie Petitdemange | Publié le