L'Edhec se rêve en école du business utile à la société

Étienne Gless Publié le
L'Edhec se rêve en école du business utile à la société
L'Edhec vient de dévoiler son plan stratégique pour 2020-2025. // ©  EDHEC
Emmanuel Métais, directeur de l’Edhec a présenté le plan stratégique 2020-2025 de l’école de management. La business school se rêve désormais en n°1 mondiale de la recherche en finance utile et ambitionne de former des diplômés utiles face aux transformations du monde. Elle prévoit d’investir 230 millions d’euros pour financer ses innovations.

"Et en plus votre plan stratégique est optimiste !". Cette réaction enthousiaste d’un membre de son conseil d’administration a mis du baume au cœur d’Emmanuel Métais. Le directeur d’Edhec business school en avait besoin pour maintenir la présentation le 12 mars du plan stratégique 2020-2025 de la business school d’origine nordiste à quelques heures de la première adresse à la Nation d’Emmanuel Macron. Car depuis des semaines, l'urgence s'est téléscopée à l'important.

Cellule de crise pour affronter le Covid-19

L’urgence dictait sa loi aux équipes de l’établissement pour mettre au point les mesures pour protéger étudiants, enseignants, et personnels et maintenir la continuité pédagogique à l’heure de la pandémie mondiale du covid-19. "On a une cellule de crise active et depuis plusieurs semaines on se prépare à l’enseignement à distance pendant la crise du coronavirus. Mais passer 10.000 élèves et des milliers de sessions de cours en distanciel il a fallu voir avec nos fournisseurs si ça pouvait passer. Et il a fallu former très tôt les professeurs les moins à l’aise aux outils en distanciel de type Blackboard mais on est prêts à faire la bascule", confie Emmanuel Métais.

Depuis le 16 mars, la business school a fermé l’accès aux étudiants à ses cinq campus et annoncé qu’à compter du 25 mars, tous les enseignements et examens se tiendraient à distance jusqu’à la fin de l’année académique.

Une consultation participative

Une heure durant, le directeur de l’Edhec a donc pu se sortir de l’actualité urgente et se projeter à cinq ans sur l'important. “Nous avons l’ambition de former des talents capables de faire évoluer le monde du business et de le mettre au service des générations futures“.

L'école a passé un an et demi à construire son nouveau plan stratégique en sondant les parties prenantes de l’école y compris professeurs, étudiants et diplômés via une plateforme "Hello Tomorrow" qui a reçu 6.000 contributions. "Même si la crise sanitaire et économique risque de rebattre les cartes, l’école évolue dans un environnement en croissance au niveau mondial", note son directeur.

Pourtant l’Edhec n’ignore pas que, comme toutes les business schools, elle est questionnée voire sujette à défiance : pourquoi une business school coûte-t-elle si cher ? A quoi sert-elle exactement ? Quelle est la valeur de ses diplômes quand 70% des emplois existants en 2030 ne sont pas connus ou qu’ils ne sont accessibles qu’à la petite frange de la population qui a les moyens de se les offrir ? Quelle est l’utilité des coûteux campus quand l’enseignement à distance prend tout son sens à l’heure du confinement ?

Fin du mantra "Edhec for business"

“On s’est même posé la question de rester ou non une business school“, confie Emmanuel Métais. Question existentielle vite résolue : l’Edhec restera une business school mais elle change de mantra : exit “Edhec for business“, place au nouveau credo : “Edhec for future generations“.

“Il s’agit non seulement de former des managers du business mais aussi des gens capables de résoudre les grands problèmes qui se posent à l’espèce humaine", explique le directeur de l'école. "Le business est un outil extrêmement puissant mais il faut le mettre au service de la société. Aujourd'hui le business sert le business, il est trop orienté court-terme. Il faut se préoccuper vraiment de l’impact qu’il peut avoir pour les générations futures“.

L'Edhec restera une business school mais elle changera de mantra : exit "Edhec for business", place au nouveau credo : "Edhec for future generations.

7 batailles stratégiques à mener

Recherche, pédagogie, technologie, entrepreneuriat… L’école a identifié sept batailles stratégiques à mener pour atteindre cette ambition. Parmi elles, continuer à mener la bataille sur la recherche en finance qui a un impact sur l’industrie et la société.

“Je voudrais qu’à cinq ou dix ans l’Edhec devienne désormais une référence mondiale en finance utile“, confie Emmanuel Métais. La business school s’est déjà taillé une réputation mondiale en particulier dans le domaine de la gestion d‘actifs. En janvier 2020, la business school a vendu Scientific Beta – la spin off spécialisée dans les indices financiers née de son centre de recherche, l’Edhec Risk institute à la Bourse de Singapour pour un montant record de 200 millions de dollars. "Cette vente est venue valider la pertinence de ce modèle, garant d’une recherche utile aux étudiants comme aux entreprises", se réjouit Emmanuel Métais.

Capitaliser sur le droit

Forte de ce succès, l’Edhec va poursuivre cette stratégie de valorisation industrielle de la recherche en développant deux nouvelles activités : Scientific Infra, centre de recherche basé à Singapour qui est en train de générer une start-up spécialisée dans le benchmarking des investissements en infrastructures et Scientific Analytics, une fintech qui innove dans le marché des outils de mesures du risque dans l’industrie de l’investissement.

Le droit est un autre point fort de l’école qui compte renforcer son activité dans le secteur et créer un institut (Edhec augmented law institute) qui analysera l’impact des nouvelles technologies (AI, machine learning, deep learning) sur le droit et les pratiques juridiques.

“Il formera aussi des juristes 'augmentés' et construira des modules pour donner les clés de compréhension des enjeux réglementaires et juridiques à tous les futurs managers, dirigeants et entrepreneurs, dans une logique d’hybridation des compétences“, précise le directeur de l’Edhec.

Former des profils "composites"

Côté programmes, l'école veut désormais proposer des "profils composites", aux compétences hybrides. "On reste une école de commerce et on va continuer à former des experts en marketing, gestion... mais on va élargir le spectre de nos formations", explique Michelle Sisto, directrice de la grande école et des masters of science.

Au delà de ses accords bilatéraux avec des établissements pour proposer des contenus de formations connexes (Science po, université de Nice...), l'Edhec mise sur une nouvelle plateforme d'enseignement en distanciel, Edhec business university on line, en partenariat avec des universités internationales de premier plan.

Dès la rentrée, les étudiants de tous les programmes pourront ainsi bénéficier de cours complémentaires en chimie, philosophie, éthique ou droit. Ils seront aussi formés à la programmation mais aussi à un usage raisonné du code.

Privilégier l'immersion en université étrangère

"La stratégie internationale de l’Edhec repose sur une réelle exposition des étudiants à l’altérité, sur les campus comme en échange ou en double diplôme" poursuit Michelle Sisto. "La valeur ajoutée d’un séjour académique en immersion au sein d’une université étrangère sera toujours supérieure à celle au sein d’un campus français délocalisé".

L'Edhec a déjà signé de nombreux accords avec des acteurs académiques comme l'UC Berkeley, l'UCLA, Saint Gallen University, Tsinghua University, l'Imperial College de Londres ou SKK en Corée du Sud. Cette politique va se poursuivre et l'école compte renforcer sa présence à Londres, en Californie et à Singapour. Elle ambitionne par exemple de créer un hub orienté entrepreneuriat en Californie ou multiplier les learning expeditions à Singapour pour les connaissances en matière de changement climatique ou de "smart cities".

Miser sur l'entrepreneuriat à l'international

Sur le front de l'entrepreneuriat, l'Edhec qui dispose d'incubateurs de start-up à Nice, Lille et à Paris (via l'incubateur Station F) mise sur deux projets majeurs là encore au niveau international : un accélérateur en Californie et un autre accélérateur à Singapour en profitant des liens bien établis avec SGX la Bourse de Singapour.

"L'idée c'est d'avoir un accélérateur pour les start-up liées au changement climatique", précise Emmanuel Métais. L'Edhec compte aussi se doter d'un fonds d'investissement pour les start-up incubées à l'école et ayant un projet avec un impact positif sur la société, "Edhec Ventures for future generations".

40% d'étudiants boursiers d'ici 2025

"L'Edhec fait déjà beaucoup en distribuant chaque année 15% des frais de scolarité aux étudiants les plus nécessiteux, ce qui représente environ 10 millions dans le budget de l'école", se félicite Emmanuel Métais. L'Edhec, qui compte 30% d'étudiants boursiers, veut augmenter ce montant pour atteindre 40% d'étudiants boursiers d'ici cinq ans en consacrant 15 millions d'euros redistribués aux étudiants.

Avec un budget actuel de 140 millions d'euros, l'Edhec compte passer à un budget annuel de 185 millions d'euros en 2025, et table donc sur une croissance de 6% par an. "Même si la crise va avoir un impact sur nos chiffres, notre école est bien gérée et une grande partie de ce plan stratégique sera autofinancée". Le cash apporté par la vente de Scientific Bêta s'avère une manne providentielle et la stratégie de valorisation de la recherche un modèle économique vertueux pour permettre à l'Edhec de traverser la récession économique qui s'annonce !


Des programmes plus hybrides, plus tech, plus orientés "sustainability"
C'est une tendance de fond pour tous les programmes. L'Edhec compte privilégier une stratégie de croissance très sélective sur ses programmes historiques que sont le master grande école et le bachelor. "Nous prévoyons d'augmenter le nombre d'étudiants de 1 à 2% par an dans ces programmes", précise Emmanuel Métais. "La croissance viendra d'autres initiatives du plan". Pour le master grande école, l'enjeu sera son internationalisation, via notamment l'intégration de davantage d'étudiants internationaux dès la première année du PGE.
Pour les programmes bachelors il s'agit d'étoffer le portefeuille avec une offre de bachelors "business et droit", "business ingénierie" ou "business et data science".
Sur ses masters of science (MSc), l'Edhec compte passer de 13 à 25 MSc d'ici 2025 et répondre aux besoins du marché : "Les étudiants apprécient ces programmes courts de spécialisation intensive et très internationaux".
Pour les frais de scolarité, l'Edhec ne prévoit pas d'à-coups et table actuellement sur une hausse de 1 à 3% par an.

Étienne Gless | Publié le