Les chatbots, nouveaux compagnons des écoles et universités

Céline Authemayou Publié le
Les chatbots, nouveaux compagnons des écoles et universités
Skema business school a intégré un chatbot sur sa page Facebook dédiée aux admissibles, au printemps 2017. // ©  Céline Authemayou
Commerce, médias, marketing… Les chatbots sont partout. Ces agents conversationnels développés grâce à l’intelligence artificielle commencent à faire leur entrée dans les établissements d'enseignement supérieur. Retour sur les expériences menées par trois écoles françaises.

Jill Watson est un professeur assistant d'un genre nouveau. Au printemps 2016, Ashok Goel, enseignant en intelligence artificielle au sein de l'université américaine Georgia Tech, a mené une expérience. Grâce au programme d'intelligence artificielle Watson d'IBM, il a conçu un chatbot, ou robot conversationnel, pour ses étudiants inscrits en master informatique. Pendant tout un semestre, ces derniers ont pu poser des questions basiques sur leur cours à "Jill" et obtenir leurs réponses de façon instantanée.

Lors du dernier cours de l'année, le professeur leur a révélé l'identité de leur interlocuteur. Aucun des élèves n'avait détecté la "supercherie" technologique. Cet exemple emblématique, le premier du genre, marque l'arrivée de la vague chatbot dans le monde de l'éducation.

Un chatbot pour remporter la bataille des admissibilités

Sans aller jusqu'à l'expérimentation menée à Georgia Tech, plusieurs établissements d'enseignement supérieur français ont décidé de se frotter au phénomène, de façon plus modeste. Skema est de ceux-là. En se connectant à la page Facebook dédiée aux épreuves d'admissibilité de l'école de commerce, l'internaute peut entamer une discussion avec un interlocuteur un peu particulier. De l'autre côté de la machine, aucun humain, mais un robot nourri à l'intelligence artificielle, prêt à répondre aux interrogations pratiques des candidats. "L'objectif n'est pas de lancer un chatbot pour lancer un chatbot, assure Benoît Anger, directeur du développement et du marketing des admissions France et international de l'établissement. Ce projet s'inscrit dans une réflexion plus vaste visant à améliorer l'expérience des candidats".

Un avis que partage Pierre Barreaud, directeur des entreprises étudiantes de l'ISC Paris. Tout comme Skema, l'école de commerce a implémenté un chatbot sur sa page Facebook "admissibles", pour accompagner les candidats. "Pendant plusieurs semaines, nous avons mené une réflexion en interne pour améliorer l'accueil de nos admissibles, explique-t-il. Le fort développement du marketing conversationnel, ajouté au fait que les Millennials utilisent au quotidien les messageries et chatbots, nous a convaincus de nous lancer." Une petite touche de "techno" dans un processus de recrutement très classique... De quoi faire, peut-être, la différence auprès de certains étudiants, l'heure du choix venue.

Le fort développement du marketing conversationnel, ajouté au fait que les Millennials utilisent au quotidien les messageries et chatbots, nous a convaincus de nous lancer.
(P. Barreaud)

Messagerie Facebook et écriture de scénarios

Tout comme Skema et l'ISC Paris, Centrale Marseille propose, elle aussi, à ses admissibles d'échanger avec un robot conversationnel. Lutz ("lumière du soleil", en occitan) répond aux questions basiques posées par les candidats, sur la page Facebook générale de l'école. "La messagerie Facebook a l'avantage de ne pas demander de gros développement technique pour y intégrer un chatbot", détaille Nicolas Chapuis, directeur de la communication de l'établissement et pilote du projet. Tout a été développé en interne, grâce à la plate-forme ChatFuel. Une solution "qui ne coûte que du temps de travail", ajoute le directeur de service, avant de préciser, tout de même, que ses équipes ont des compétences en développement informatique.

Si Skema a fait appel à une agence web, l'ISC Paris a, quant à elle, impliqué l'une de ses 18 entreprises étudiantes. ISC Waving a accompagné l'établissement tout au long du processus : de la réflexion autour du contenu proposé par le chatbot au ton adopté par l'assistant virtuel, en passant par le développement technique de l'outil.

"De l'humain avant tout"

Après seulement quelques semaines d'utilisation, les premiers retours sont plutôt positifs. "97 % des utilisateurs du chatbot affirment que l'outil leur a été utile", détaille Benoît Anger. À l'ISC Paris, le standard téléphonique dédié aux admissibles – tenu par les étudiants – a vu le nombre d'appels diminuer, à la suite de la mise en place du robot conversationnel.

"Cela reste avant un tout un objet de communication, tempère Nicolas Chapuis. Je suis persuadé que rien ne remplace les interlocuteurs 'humains'." Preuve par l'exemple ? L'école d'ingénieurs continue de faire appel à ses étudiants, pour répondre aux questions des candidats, directement sur sa page Facebook dédiée aux admissibles. Même volonté du côté de l'ISC Paris, qui a décidé de limiter le recours à l'intelligence artificielle, en couplant l'utilisation de son chatbot à l'intervention d'élèves. "Selon les heures de la journée, entre un et trois étudiants suivent les échanges et prennent le relais sur le chatbot, pour apporter des réponses plus détaillées aux internautes", affirme Pierre Barreaud.

Le rêve du robot apprenant

Une fois les épreuves d'admissibilité passées, quelle sera la prochaine étape ? Les trois établissements réfléchissent d'ores et déjà à d'autres applications pour leur chatbot, et se prennent à rêver d'un véritable robot apprenant, à l'image de celui développé par GeorgiaTech. "Pour l'instant, notre chatbot se contente de répondre à des questions très simples, en suivant un cadre que nous avons défini grâce à des scénarios, rappelle Nicolas Chapuis. L'étape suivante consisterait à développer une partie un peu plus sensible de ce robot." Un changement d'échelle qui demande plus de technologie, et donc plus de moyens.

Un souhait partagé par Benoît Anger, qui aimerait pouvoir utiliser le robot tout au long de l'année, pour répondre aux questions des étudiants portant sur leurs programmes. Une sorte de foire aux questions intelligente, qui serait, à terme, disponible en français et en anglais. "Mais cela demande un travail assez poussé de sémantique", reconnaît le directeur.

Avant d'envisager un changement d'échelle et de passer à un outil plus autonome, l'ISC Paris, quant à elle, entend réveiller son robot dès la prochaine rentrée, pour guider les étudiants dans le choix de leur association. Une façon d'intégrer progressivement l'outil dans les esprits et d'en faire un jour, qui sait, le compagnon préféré des étudiants.

Céline Authemayou | Publié le