Revalorisation des salaires des enseignants : la concertation avec le ministère ne convainc pas les syndicats

Amélie Petitdemange Publié le
Revalorisation des salaires des enseignants : la concertation avec le ministère ne convainc pas les syndicats
REA PROF SALLE DE CLASSE // ©  Michael LUMBROSO/REA
Le ministère de l’Education nationale a lancé, le 18 janvier, une concertation avec les syndicats pour revaloriser les salaires des enseignants et redonner de l'attractivité au métier de professeur. Les premiers échanges sont d'ores et déjà tendus, avec des syndicats qui estiment qu'aucun des scénarios ne convient...

Une enveloppe budgétaire jugée insuffisante, des scénarios qui ne conviennent pas, des propositions inacceptables... la concertation entre le ministère de l'Education nationale et les syndicats pour renforcer l'attractivité du métier d'enseignant s'annonce tendue.

Cette concertation s'organise en deux temps : des réunions concernant la revalorisation dite socle, qui concerne le plus grand nombre d'enseignants, et des réunions concernant la revalorisation dite pacte qui est conditionnée à de nouvelles missions - remplacement, suivi individualisé, accompagnement à l’orientation ou à l’insertion professionnelle… Jusqu’au mois de mars, les réunions alterneront sur ces deux sujets. Le ministère espère ainsi mettre en œuvre la revalorisation dès la rentrée prochaine.

Revalorisation des salaires : un budget de 635 millions d’euros jugé insuffisant

Pour le ministère, "cette concertation s’inscrit dans un cadre budgétaire très favorable avec un effort conséquent en faveur de l’éducation avec 635 millions d’euros prévus pour la revalorisation des salaires des enseignants pour les quatre derniers mois de 2023, ce qui représente en année pleine 1,9 milliards d’euros".

Mais cette enveloppe est jugée insuffisante, et surtout mal répartie, par les syndicats à la sortie de la première réunion. Lors de la réunion sur la revalorisation pacte, le ministère a présenté deux scénarios. "Dans une des hypothèses, seuls les professeurs, CPE et Psy EN ayant jusqu’à 26 ans d’ancienneté seraient concernés par les mesures salariales. Dans la deuxième hypothèse, tous les personnels seraient concernés mais à des hauteurs indignes du déclassement salarial de nos professions pour bon nombre de collègues", regrette la FSU dans un communiqué.


Comptabiliser l'expérience professionnelle des enseignants

Le ministère mais aussi l'accent sur le renforcement de l'attractivité du métier d'enseignant, surtout dans un contexte de pénurie de professeurs. Lors de la première réunion, une proposition a été faite en ce sens. Elle consisterait à reprendre deux tiers de l'expérience professionnelle des lauréats des concours de l'enseignement qui auraient déjà travaillé avant de passer l’examen.

La prise en compte de cette ancienneté permettrait aux jeunes enseignants de ne pas démarrer au salaire le plus bas, comme s’ils débutaient. Cette mesure, qui était appliquée aux lauréats du 3e concours, serait élargie aux concours externes et internes dès la prochaine session.

Une augmentation de 10% en moyenne et non inconditionnelle

"Aucun de ces scénarios ne convient. Nous ne voulons pas d’une mesure ponctuelle mais d’un vrai plan pluriannuel", commente Jean-Rémi Girard, le président du SNALC. Il sort de cette réunion particulièrement agacé par la "communication politique" du ministère, qui avait annoncé une revalorisation inconditionnelle de 10%.

Cette augmentation est en fait calculée par rapport à l'année 2020. Surtout, elle inclut le dégel du point d'indice de 3,5%. "C’est malhonnête. Certains professeurs seraient augmentés de 3,9%, cela ne représente en fait que le point d'indice et la prime informatique. Avec l’inflation, ils y perdent. Et on ose parler de revalorisation !", alerte Jean-Rémi Girard. "Le PLF est déjà voté, donc le montant ne changera pas. Mais nous demandons une répartition plus égalitaire."

Certains professeurs seraient augmentés de 3,9%, cela ne représente en fait que le point d'indice et la prime informatique. (J-R Girard, SNALC)

Par ailleurs, il ne s’agit en fait pas d’une revalorisation de 10% pour tous, mais de 10% en moyenne. Ainsi, certains professeurs seraient par exemple augmentés de 3,8% et d’autres de 20,7%. Les professeurs en début de carrière seraient notamment plus favorisés que les professeurs en fin de carrière. "Au-delà de 15 ans de carrière, l’augmentation ne couvre même pas l’inflation", ajoute Gilles Langlois, secrétaire national d’Unsa Education.

Enrayer les inégalités de salaire entre enseignants

Sud Éducation demande notamment au ministère d’enrayer l'inégalité de salaires entre les hommes et les femmes, qui atteint 17% dans le premier degré. Le ministère devrait proposer des scénarios en ce sens lors de la prochaine réunion sur la revalorisation socle, fixée au 15 février.

Le syndicat anticipe aussi que cette revalorisation creuse l’écart de salaires entre les enseignants du premier et du second degré, qui s’élève à 20%. "Les professeurs du second degré ont notamment une meilleure rémunération en raison des heures supplémentaires. Donc les missions supplémentaires de la revalorisation pacte risquent encore de les favoriser. Et ce sont majoritairement des hommes qui ont accès à ces heures supplémentaires, souvent en raison de l'organisation familiale", pointe Gilles Langlois. Pour réduire ces inégalités, Unsa Education a demandé au ministère de réaliser des études d’impact.

Tension autour de la revalorisation "pacte"

Pour le syndicat FSU, qui participe également à la concertation, les propositions du ministère sont "inacceptables". "Sans perspective d’augmentation de la rémunération de base, les collègues qui souhaiteraient légitimement être mieux rémunérés seraient contraints de passer par le pacte pour être mieux payés", affirme la FSU dans un communiqué.

La fédération souligne aussi que ces mesures vont "accroître la charge de travail des personnels, déjà très lourde comme l’ont montré les enquêtes institutionnelles, et aggraver les inégalités femmes/hommes".

Ce n’est pas en proposant un 'pacte' – donc des tâches supplémentaires – en échange d’une pseudo-revalorisation de leur traitement que ce gouvernement parviendra à rendre leur attractivité à nos métiers. (SNALC)

Le SNALC s’oppose lui aussi aux scénarios du gouvernement. "Ce n’est pas en proposant un 'pacte' – donc des tâches supplémentaires – en échange d’une pseudo-revalorisation de leur traitement que ce gouvernement parviendra à rendre leur attractivité à nos métiers", réagit-il dans une lettre publiée après la réunion. Le syndicat demande "la suppression pure et simple" de ce pacte, qui sera l’objet de la prochaine réunion fixée au 7 février.


Calendrier de la concertation
Mardi 24 janvier : Première réunion sur la revalorisation dite "socle"
Mardi 7 février : Première réunion sur les mesures au titre du "pacte"
Mercredi 15 février : 2e réunion sur le socle
Lundi 6 mars : 2e réunion sur le pacte
Lundi 13 mars : Séance de synthèse des travaux

Amélie Petitdemange | Publié le