PLF 2023 : +635 millions d'euros sans condition pour les rémunérations des enseignants

Nalini Lepetit-Chella Publié le
PLF 2023 : +635 millions d'euros sans condition pour les rémunérations des enseignants
Le projet de budget 2023 prévoit la suppression de 1.500 postes d'enseignants dans le public, dont 1.000 en primaire. // ©  Mathilde MAZARS/REA
Augmentations, Pacte enseignant, 2.000 suppressions de postes d'instituteurs et de professeurs… Le ministère de l'Éducation nationale a présenté son budget dans le projet de loi de finances (PLF) 2023, qui sera examiné par le Parlement à l'automne.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 prévoit 59,7 milliards d'euros pour le ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse (MENJ), soit une hausse de 6,5 % par rapport au budget 2022. Cette croissance qualifiée d'"inédite" par l'institution est annoncée dans un contexte où l'Insee estimait à 6,1 % l'inflation sur un an, en juillet 2022.

Revalorisation inconditionnelle du métier d'enseignant : +10 % en moyenne

Les crédits supplémentaires doivent notamment permettre la "nécessaire revalorisation financière du métier d'enseignant", indique le ministre Pap Ndiaye. Il annonce ainsi "10 % d'augmentation moyenne des rémunérations" à partir de septembre 2023.

L'idée est notamment d'appliquer "l'engagement présidentiel qu'aucun nouvel enseignant ne débute sa carrière à moins de 2.000 euros net par mois à temps plein", en incluant le salaire et les primes, hors heures supplémentaires. "Les enseignants ayant plus d'ancienneté gagneront plus que ceux qui viennent d'arriver", tient à préciser le ministère, ajoutant que la mesure "entraîne de fait une revalorisation et une révision d'ensemble" des rémunérations.

Les enseignants ayant plus d'ancienneté gagneront plus que ceux qui viennent d'arriver. (MENJ)

Pour y parvenir, le gouvernement prévoit 635 millions d'euros supplémentaires. Cette enveloppe correspond à 1,9 milliard d'euros pour une année pleine – la hausse n'intervenant qu'à partir de septembre en 2023. Ces crédits s'ajoutent aux mesures prises dans le cadre du Grenelle de l'éducation, comme la prime d'attractivité, et aux 1,7 milliard d'euros liés à la revalorisation de 3,5 % du point d'indice des fonctionnaires pour le ministère.

Une discussion est prévue entre le ministère et les organisations syndicales à partir du lundi 3 octobre 2022, notamment concernant la répartition de la nouvelle enveloppe en fonction de l'ancienneté. "Évidemment, nous aurons une attention particulière à la première moitié de carrière", précise le MENJ.

De son côté, le Snes-FSU (premier syndicat enseignant du secondaire) défend une augmentation d'au moins 10 % "pour tout le monde", indique Sophie Vénétitay, sa secrétaire générale. Elle demande également une loi de programmation pluriannuelle pour plus de visibilité sur l'évolution des rémunérations.


Stagiaires enseignants : 9,4 millions d'euros pour financer l'année supplémentaire de formation
Le MENJ annonce aussi que 9,4 millions d'euros seront attribués aux Inspé pour financer l'année supplémentaire de formation des enseignants stagiaires, dans le cadre de la réforme des concours enseignants.

De plus, il prévoit 15 millions d'euros pour l'indemnisation des stages d'observation et de pratique accompagnée en master métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (Meef). C'est 10 millions de plus qu'en 2022.

Pacte enseignant : 300 millions d'euros pour des "missions complémentaires"

Par ailleurs, une enveloppe de 300 millions d'euros doit financer le nouveau Pacte enseignant. Il s'agit de proposer aux enseignants d'exercer volontairement de "nouvelles missions", dont la définition sera discutée avec les syndicats, et qui "pourront donner lieu à une rémunération supplémentaire d'environ 10 %".

Le ministère proposera de prendre en compte dans ces missions les remplacements, "notamment de courte durée", la "formation" et l'accompagnement à l'orientation. "Ce n'est pas exhaustif et ce n'est pas définitif", souligne-t-il. Ce pacte, pour l'instant entièrement facultatif, pourrait être rendu obligatoire pour les débuts de carrière. "Cela fera partie des discussions."

Il s'agit d'un retour au "travailler plus pour gagner plus", estime Gilles Langlois, du syndicat des enseignants de l'Unsa, faisant référence au slogan de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Pour lui, ce pacte devrait plutôt être "une reconnaissance par l'État de l'alourdissement très important des missions des enseignants au cours des dernières années". Une position partagée par Sophie Vénétitay, qui trouve en outre "dangereuse" la notion de pacte.

Le sujet est "éruptif" chez les enseignants, ajoute Gilles Langlois. "Les personnels ont progressivement un sentiment de relégation sociale. C'est pour ça que ce métier ne fait plus envie, comme on l'a vu avec les concours."

Suppression de 2.000 postes d'enseignants, dont 1.500 dans le public

Le projet de budget 2023 prévoit en outre la suppression de 2.000 postes d'enseignants, dont 1.500 dans le public. Parmi eux, environ 1.000 dans le primaire et 500 dans le secondaire.

Cette décision "obéit à deux logiques", affirme le MENJ :

  • "prendre acte de la chute démographique considérable à laquelle nous sommes confrontés ;

  • faire progresser le taux d'encadrement des élèves".

Le nombre d'élèves devrait diminuer de 91.000 dans le primaire et 17.000 au collège, mais croître de 12.000 au lycée en 2023, d'après les prévisions de la Depp (direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) du ministère publiées en mars 2022. Cela représente donc une baisse de 5.000 élèves dans le secondaire, qui devrait s'accentuer les années suivantes.

Sophie Vénétitay comprend "d'autant moins" la décision de supprimer des postes que les effectifs resteront en hausse au lycée en 2023, et que "7.900 postes ont été supprimés dans l'enseignement secondaire au cours du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, au moment où les effectifs étaient en plein boom", déclare la responsable syndicale. Une situation qui a "contraint les enseignants à faire beaucoup d'heures supplémentaires", affirme Gilles Langlois.

7.900 postes ont été supprimés dans l'enseignement secondaire au cours du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, au moment où les effectifs étaient en plein boom. (S. Vénétitay, Snes-FSU)

Toutefois, d'après le ministère, le taux d'encadrement des élèves dans le second degré "a augmenté" au cours des deux dernières années, après s'être dégradé de 2017 à 2020. Mesuré en nombre d'heures par élève, il croîtrait de 1 % entre 2020 et 2023 selon les prévisions, revenant à un niveau similaire à celui de 2017.


Fonds d'innovation pédagogique : 150 millions d'euros à partir de janvier 2023
Le MENJ annonce par ailleurs la création d'un Fonds d'innovation pédagogique, "dans le prolongement de l'expérimentation de Marseille". Doté de 150 millions d'euros la première année, il doit financer des "projets pédagogiques innovants" dès janvier 2023, sur l'excellence des élèves, l'égalité des chances et l'amélioration du bien-être, d'après le ministère. Au total, 500 millions d'euros sont prévus pour le fonds d'ici 2027.

Voie professionnelle, maths, collèges : des décisions en attente

Par ailleurs, plusieurs réformes annoncées ces derniers mois sont en attente de décision et n'apparaissent donc pas dans ce projet de budget.

Ainsi, le PLF ne prévoit pas de crédits supplémentaires pour la réforme de la voie professionnelle. "Ce projet de loi de finances est conforme à la méthode du président de la République, qui souhaite mettre en place cette réforme de manière très progressive et surtout très concertée, déclare le ministère. C'est surtout dans le PLF 2024 que les mouvements seront pris en compte."

Par ailleurs, la réintroduction des mathématiques dans le tronc commun de première, en option, avait été annoncée en juin par le MENJ comme une mesure transitoire pour la rentrée 2022. Mais la décision n'a pour l'instant pas été prise de rendre l'enseignement obligatoire en 2023. Toutefois, les instances concernées, en particulier le conseil supérieur des programmes, sont "sur les rangs" car, "si la mesure visait à s'étendre, cela nécessite[rait] des aménagements, notamment avec le programme d'enseignement de spécialité", indique le ministère.

Enfin, la question se pose de la suite des expérimentations mises en place au collège en cette rentrée : journée avenir, approfondissement des savoirs fondamentaux et deux heures hebdomadaires de sport. Le ministère "partirait sur une hypothèse de généralisation à la rentrée 2023", qui "donnera lieu à un financement quand les choses se feront". Aucune ligne budgétaire n'est prévue pour le moment sur ce point.


Extension de la part collective du Pass culture jusqu'à la sixième
Autre annonce de ce budget : le volet collectif du Pass culture sera étendu aux classes de sixième et de cinquième en 2023. Il doit notamment permettre aux enseignants de financer des activités d'éducation artistique et culturelle pour une classe, jusqu'à la terminale.

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